Implications ESG de la pandémie de COVID-19

Andrea Astone, BMO Global Asset Management

7 minutes de lecture

La pandémie mondiale est une crise planétaire sans précédent. Les conséquences ESG sont déjà gigantesques.

L’équipe Investissement responsable de BMO GAM a étudié l’impact du coronavirus sur les enjeux ESG. Nous coopérons avec d’autres investisseurs afin de délivrer aux entreprises un message commun sur nos aspirations quant à la manière dont elles doivent réagir - nous avons cosigné l’Investor Statement on Coronavirus Response1 et nous encourageons d’autres investisseurs à faire de même.

Compte tenu de la rapidité avec laquelle la situation évolue, nous n’en sommes encore qu’aux premiers stades de la compréhension des conséquences qu’aura le COVID-19. Toutefois, certaines implications importantes se dessinent déjà.

L’attention des entreprises aux problématiques de durabilité

Notre engagement vise à accroître l’importance des enjeux de durabilité au sein des entreprises et, dans la mesure du possible, à inciter les conseils d’administration à porter toute leur attention sur eux. Les entreprises étant à juste titre polarisées sur la crise immédiate, il sera probablement difficile de faire en sorte que les conseils d’administration consacrent du temps aux problématiques de durabilité.

Notre engagement sera respectueux du fait que les priorités ont changé. Mais, nous allons toutefois nous attacher à faire en sorte que les questions de durabilité ne soient pas oubliées et que les entreprises continuent d’accomplir des progrès là où elles le peuvent. Même durant une crise de courte durée, nous devons garder les yeux sur l’horizon d’investissement à long terme.

Il n’est certes pas possible actuellement de rencontrer en personne les équipes dirigeantes des entreprises, mais nous poursuivons néanmoins nos initiatives d’engagement comme d’habitude, notamment par l’intermédiaire de visioconférences et de conférences téléphoniques, conformément à nos priorités d’engagement définies au début de l’année.

Nous n’en sommes encore qu’aux premiers stades
de la compréhension des conséquences qu’aura le COVID-19.
Toutefois, certaines implications importantes se dessinent déjà.

Nous comprenons cependant parfaitement que certaines entreprises peuvent à l’heure actuelle ne pas avoir la capacité de s’entretenir de problématiques ESG avec leurs actionnaires. Au moment de la rédaction du présent document, une société nous a informés qu’elle reportait tout dialogue non essentiel avec ses actionnaires et nous nous attendons à ce que d’autres fassent de même.

L’impact sur le personnel et l’ensemble des parties prenantes

Une priorité urgente pour les entreprises est de répondre aux préoccupations des employés concernant les congés maladie, les mesures de quarantaine et les responsabilités de garde des enfants, et ce, comprenant que les perturbations pourraient durer des mois. Les preuves scientifiques sont claires : les mesures d’auto-isolement sont essentielles pour contrôler la propagation du virus et les entreprises sont tenues de les faciliter dès lors qu’elles le peuvent.

Les meilleures pratiques varieront selon les secteurs, mais elles incluent notamment les suivantes:

  • Fournir des équipements de protection et de nettoyage à haute fréquence pour les employés qui sont exposés à des contacts avec des personnes dans le cadre de leur travail
  • Introduire des dispositions relatives aux congés maladie ou étendre ces dernières, en particulier dans les pays où cela n’est pas la norme ou n’est pas prévu par la politique des pouvoirs publics
  • Favoriser un travail posté flexible pour ceux ne pouvant pas travailler à domicile/à distance ; une souplesse et une adaptation des attentes à l’égard du personnel travaillant à domicile qui est concerné par les fermetures de garderies
  • Des fonds d’urgence ou une garantie de salaire pour une période donnée pour le personnel qui n’est temporairement pas nécessaire en raison de la fermeture de l’entreprise ou des mesures de confinement
  • Fournir un soutien en matière de santé mentale

Nous voyons déjà se creuser des disparités importantes entre les entreprises qui s’occupent bien de leurs employés et les autres, d’autant que les réseaux sociaux participent activement à s’en prendre à ces dernières. Les entreprises qui négligent leurs responsabilités aujourd’hui pourraient s’exposer ultérieurement à l’hostilité des consommateurs.

En lien avec notre engagement plus large sur les normes et la diversité sur le lieu de travail, nous constatons déjà que les entreprises qui ont adopté une culture de travail flexible subiront une moindre perte de productivité que celles ne l’ayant pas fait. Nous espérons que les leçons tirées du travail imposé à domicile seront durables et faciliteront à l’avenir des pratiques de travail plus flexibles et le partage de la garde des enfants.

En plus de leurs employés, les entreprises ont également des responsabilités envers un ensemble plus large de parties prenantes, notamment leurs fournisseurs et leurs clients, et dont beaucoup sont également mis à très rude épreuve.

Le respect de ces responsabilités et les mesures qu’elles peuvent prendre pour atténuer les problèmes seront importants pour préserver et renforcer ces relations sur le long terme. 

Au nombre des mesures que les entreprises peuvent prendre, figurent notamment le fait de veiller à ce que les fournisseurs soient payés à temps, voire en avance; de rendre leurs produits plus facilement accessibles aux clients vulnérables (tant en termes de prix que d’accès physique, comme l’offre de livraisons); et de s’engager dans des activités philanthropiques de manière à aider les communautés les plus touchées.

Les assemblées générales annuelles des actionnaires (AGA)

Les rassemblements de masse étant découragés ou interdits dans de nombreuses régions du monde, les AGA en personne ne seront généralement plus possibles. Nous avons discuté avec des entreprises de leurs plans d’urgence et notamment d’options telles que le report ou l’ajournement de la réunion, le passage à une AGA hybride (en partie physique, en partie virtuelle) ou, lorsque cela est autorisé, à une AGA virtuelle en ligne uniquement.

Plusieurs AGA ont déjà été annulées en Finlande et reportées en Allemagne, et d’autres annonces sont attendues dans les jours et les semaines à venir. Cela signifie également que les distributions de dividendes et les augmentations de capital qui doivent être approuvées lors d’une AGA seront retardées.

Ces changements font l’objet d’obstacles juridiques dans certains pays, comme en France où les entreprises sont obligées d’offrir la possibilité d’une présence en personne ; certains gouvernements ont déjà renoncé à l’application de cette obligation. Les statuts propres à des sociétés peuvent également rendre certaines options difficiles. Des éléments d’orientation commencent à voir le jour, à l’image d’une publication conjointe britannique basée sur les conseils du cabinet d’avocats Slaughter & May qui expose la situation juridique des entreprises2.

Dans des circonstances normales, nous avons dissuadé les entreprises de tenir des réunions uniquement en ligne car cela amoindrit la possibilité d’échanges entre les actionnaires et les conseils d’administration. Les réunions virtuelles étant désormais une nécessité, nous encourageons les entreprises à s’assurer que, dans la mesure du possible, il existe toujours des possibilités de permettre aux actionnaires de poser des questions au conseil d’administration. Une fois la crise passée, nous encouragerons les entreprises à revenir à des modalités normales d’AGA en personne, tout en conservant l’option virtuelle dans le cadre d’une «AGA hybride». Cela permet de mettre à profit la technologie afin de permettre un accès maximal, tout en conservant la possibilité de demander des comptes aux conseils d’administration en assurant une présence physique.

Nous voyons déjà se creuser des disparités importantes entre
les entreprises qui s’occupent bien de leurs employés et les autres.
La rémunération des dirigeants

De nombreuses entreprises vont manquer des objectifs de plans d’intéressement à court et à long terme compte tenu des conditions de marché et économiques. Cela va avoir des conséquences importantes sur les rémunérations accordées aux dirigeants.

Nous reconnaissons qu’un engagement pré-AGA sur ce sujet pourrait ne pas être une priorité pour de nombreuses entreprises, mais notre équipe reste disponible pour tout conseil ou toute question. Nous encourageons les entreprises dans lesquelles nous sommes investis à considérer les points suivants:

  • En général, les actionnaires ne voient pas d’un bon œil les dirigeants qui reçoivent de généreuses primes après une année où les actionnaires ont été lésés, même si les entreprises n’ont aucune prise sur les effets du virus.
  • Nous reconnaissons que les comités de rémunération peuvent apporter des ajustements aux régimes pour permettre de récompenser les dirigeants qui font preuve de compétences exceptionnelles dans la gestion de leur entreprise pendant la période difficile qui s’annonce. Nous serons très attentifs aux circonstances propres à chaque entreprise, notamment en ce qui concerne la cohérence du traitement réservé par les entreprises à leur personnel et à leurs dirigeants. Par exemple, si des entreprises rendent difficile l’isolement volontaire de leurs employés, nous verrions d’un très mauvais œil toute tentative de dédommager les dirigeants pour leurs primes perdues.
  • Pour les entreprises qui enregistrent une augmentation exceptionnelle de la demande de leurs services à la suite du virus et des mesures gouvernementales qui y sont liées, nous attendons généralement des comités de rémunération qu’ils traitent cette situation comme un avantage inattendu et qu’ils soient prêts à revoir les salaires à la baisse si nécessaire.
L’allocation de capital

L’un des piliers centraux de la gouvernance d’entreprise est l’allocation de capital et là où les entreprises décident de concentrer leur financement. Ces dernières années, nous avons vu des entreprises utiliser de plus en plus leur trésorerie afin de racheter des actions plutôt que d’investir dans leurs activités ou de renforcer leur bilan. Au sein de l’indice S&P 500, 50% de l’ensemble des flux de trésorerie disponible sont désormais utilisés pour racheter des actions.

A une époque où les bilans sont extrêmement sollicités et où les entreprises doivent faire face à des coûts importants et inattendus, notamment en ce qui concerne la manière dont elles consacrent leurs ressources pour assurer le bien-être de leurs employés, les directions devraient examiner la pertinence de leurs programmes de rachat d’actions, tant à l’heure actuelle qu’à plus long terme.

Si l’on s’attend à ce que certains secteurs reçoivent une aide publique, le scénario le plus probable pour les entreprises en difficulté sera le recours à une augmentation de capital d’urgence par le biais d’émissions de droits ou de placements à très forte décote. Dans ces circonstances, nous aimerions que les entreprises minimisent la dilution des actionnaires existants en honorant leurs droits de préemption et en leur donnant le droit d’acheter des actions supplémentaires avant les autres sur le marché.

Certains dirigeants dans des secteurs sévèrement touchés comme le transport aérien ont volontairement accepté des réductions de salaire et quelques-uns ont même abaissé leur salaire de base à zéro. En tant qu’investisseurs, nous ne demandons pas une telle décision. Mais, si les Directeurs généraux sont capables de tels gestes dans des circonstances extrêmes, il est probable qu’ils favoriseront un plus grand dévouement de leurs employés sur le long terme.

Si des entreprises rendent difficile la quarantaine
volontaire de leurs employés, nous verrions d’un très mauvais œil
toute tentative de dédommager les dirigeants pour leurs primes perdues.
Le changement climatique

L’effondrement de l’activité économique mondiale va favoriser un ralentissement à court terme de la croissance des émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble de la planète. Selon une estimation, les réductions de dioxyde de carbone résultant de l’arrêt des activités en Chine en février se sont élevées à 200 millions de tonnes3, soit environ la moitié des émissions annuelles du Royaume-Uni. Toutefois, il s’agit bien sûr d’un impact temporaire. Le point le plus important en ce qui concerne le changement climatique est l’impact du COVID-19 sur les préparatifs pratiques et l’impulsion politique avant la cruciale 26e conférence annuelle de l’ONU sur le climat (COP26). Les manifestations climatiques de grande ampleur qui ont été si efficaces l’année dernière ne sera plus possible et l’attention des gouvernements sera inévitablement détournée.

Au niveau macroéconomique, l’Agence internationale de l’énergie a également averti que le ralentissement risque de porter un coup d’arrêt à de nombreux projets verts financés par les gouvernements, ces derniers réorientant de toute urgence des ressources pour permettre aux entreprises et aux particuliers de garder la tête hors de l’eau. L’effondrement de la demande énergétique va également avoir un impact négatif sur les investissements du secteur privé. En Europe, par exemple, le prix du système d’échange de quotas d’émission de l’UE a fortement baissé, ce qui a réduit l’avantage lié à tout investissement dans les énergies renouvelables. Plus tard, il pourrait y avoir la possibilité «d’incitations fiscales écologiques», via des dépenses publiques en faveur de nouvelles infrastructures vertes, mais il est trop tôt pour dire quelle est la probabilité que cela se produise.

La COP26 apparaissant déjà menacée en raison de la position politique de certains grands pays comme les États-Unis, ces nouveaux vents contraires rendent d’autant plus importante l’intervention des investisseurs, notamment en encourageant les entreprises à aligner leurs stratégies commerciales sur les objectifs de Paris et les gouvernements à fixer des objectifs nationaux ambitieux en matière d’émissions.

La santé publique

Les pressions sans précédent qui s’exercent sur les systèmes de santé renforcent la raison d’être de notre travail sur la résistance aux antimicrobiens (RAM) et les stratégies d’accès aux médicaments, dont la tarification responsable des médicaments.

Les antibiotiques ne sont pas efficaces contre les virus tels que le COVID-19. Toutefois, ils peuvent être utilisés dans le traitement de certaines complications de la maladie, comme la pneumonie. Si les antibiotiques continuent à perdre de leur efficacité, les patients vulnérables risquent davantage de voir leurs résultats cliniques se détériorer et de mourir à cause de cette pandémie et de celles susceptibles d’éclater à l’avenir.

En ce qui concerne l’accès aux médicaments et la tarification responsable des médicaments, la crise actuelle souligne la nécessité de veiller à ce que les vaccins prévenant les maladies infectieuses et les traitements efficaces soient abordables pour tous, indépendamment de la situation géographique. Les systèmes de santé publique sont soumis à d’extrêmes pressions et les entreprises doivent travailler de manière constructive avec les gouvernements pour garantir un accès équitable aux traitements.

1 http://domini.com/covid19-statement
2 https://www.icsa.org.uk/assets/files/pdfs/guidance/agms-and-impact-of-covid-19-web.pdf
3 https://www.washingtonpost.com/climate-environment/2020/03/06/coronavirus-could-halt-worlds-emissions-growth-not-that-we-should-feel-good-about- that/?arc404=true

    

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