Greenflation: coût juste ou obstacle?

Wim Van Hyfte, Candriam

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La hausse de l’inflation soulève une nouvelle fois la question des coûts et des avantages liés à la lutte contre le changement climatique.

Le rapport des experts climat de l’ONU de 2021 (GIEC) a souligné l’urgence de réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre1. Il faudrait, le plus rapidement possible et dans tous les secteurs, opérer une transition des combustibles fossiles vers des sources d’énergie renouvelables, et vers une économie basée sur les matériaux s’appuyant sur un modèle circulaire2.

En 2021, alors que l’inflation s’est accélérée dans la deuxième partie de l’année, les experts du marché ont tenté de savoir à quel point celle-ci était due aux dépenses d’un monde plus «vert». Des questions ont été posées sur le prix que nous sommes censés payer pour la transition vers une économie différente, plus durable, et un nouveau mode de vie. Et si ce coût était trop élevé.

De quoi s’agit-il?

Pour citer Bill Gates, la prime verte (ou «greenium») est «[la] différence de coût entre un produit qui émet du carbone et un produit alternatif qui n’en émet pas». La théorie veut que la transition du charbon, du pétrole et du gaz (combustibles fossiles) vers les énergies renouvelables, le déploiement des véhicules électriques, etc… entraînent des coûts importants. Ainsi, ces dépenses supplémentaires pour atteindre la neutralité carbone devraient provoquer une hausse de l’inflation.

La greenflation est-elle responsable de la hausse actuelle de l’inflation?

La «greenflation» n’en est pas le principal moteur.

Les perturbations des chaînes d’approvisionnement dues à la pandémie de COVID ont fait grimper les prix des matières premières et de nombreux biens de consommation. A cela vient s’ajouter le conflit en Ukraine entraînant la désorganisation sur la fourniture d’énergie comme le gaz ou le pétrole. L’évolution de la situation géopolitique reste instable ainsi que ses conséquences.

Si l’on considère une perspective à plus long terme de la transition énergétique, elle impliquera inévitablement des pics des prix de certaines matières premières. Ce type d’inflation devrait être fondamentalement dû à des problèmes de «démarrage», car la transition vers une économie plus circulaire et économe en énergie risque d’être difficile en raison des contraintes de temps.

Il est devenu évident, en particulier lors de la COP26, que jusqu’à présent, les gouvernements et les entreprises n’ont pas avancé assez vite. Et si nous devons rattraper notre retard, nous n’aurons pas le temps d’attendre que l’offre des matières premières augmente pour pouvoir répondre efficacement à notre demande, ni que tout le monde se mette d’accord sur une feuille de route, ni que les législateurs et les régulateurs proposent un cadre pondéré couvrant tous les aspects de la nouvelle économie. Le monde devra évoluer rapidement pour prévenir les changements climatiques. Et cela signifie que nous devrons revoir notre «petit» confort.

Quelle alternative?

Les coûts de l’inaction retomberont principalement sur la prochaine génération, mais ils sont difficiles à envisager. En partie parce que le changement climatique aura inévitablement un coût humain élevé. Aujourd’hui déjà, les coûts de ces événements climatiques extrêmes se chiffrent déjà à des centaines de milliards de dollars, assurés et non assurés.

Les pires scénarios prévoient en raison des chaleurs que des parties de notre planète deviendront inhabitables. Cela devrait se traduire par une immigration vers des parties plus sûres déjà surpeuplées donc pouvant entrainer de facto des conflits.

La route vers la neutralité carbone est-elle uniquement pavée de coûts?

Malgré tous les défis à venir, si nous agissons à temps, nous ne devons pas oublier que le passage à une économie circulaire et plus économe en énergie créera un large éventail d’évolutions positives. Elles présenteront des opportunités d’investissement évidentes à long terme pour les gérants de portefeuille et auront de nombreuses ramifications positives dans tous les secteurs de l’économie mondiale.

La greenflation est-elle si inévitable?

L’exemple des énergies renouvelables nous fait sérieusement douter que la «greenflation» devienne un défi insoluble. Lorsque, dans les années qui ont suivi la crise financière mondiale, des institutions comme l’Agence internationale de l’énergie (AIE) ont présenté leurs prévisions pour que les énergies renouvelables atteignent la parité réseau, leur évaluation pointait vers 2025-2030. Cependant, la réalité s’est avérée bien différente. Dans de nombreuses régions du monde, les énergies renouvelables ont atteint la parité réseau à peine cinq ans plus tard. En effet, les incitations des gouvernements ont permis une mise à niveau rapide - alors que le changement a eu un impact sur les prix des combustibles fossiles et a fait grimper l’inflation dans certaines parties de l’économie, dans d’autres, il a entraîné une baisse de l’inflation. Et le résultat global peut facilement être une absence totale de hausse de l’inflation.

 

 

1 https://www.ipcc.ch/2021/08/09/ar6-wg1-20210809-pr/
2 https://ellenmacarthurfoundation.org/topics/circular-economy-introduction/overview