Dette corporate hybride: du bon grain, peu d’ivraie

Marc Lacraz, Edmond de Rothschild (Suisse) S.A.

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La baisse du risque d’extension pourrait soutenir le segment en 2023.

Les obligations corporate hybrides sont des titres de dette subordonnée émis par des sociétés non financières. Elles ont pour caractéristiques d’avoir des maturités longues ou perpétuelles. Une option de remboursement anticipée (call) est cependant prévue en moyenne 5 ans après la date d’émission.

Les émetteurs choisissent généralement d’exercer l’option et de refinancer la dette avec une nouvelle obligation. Toutefois, dans les périodes de stress économique, l’inquiétude des investisseurs quant au risque d’extension augmente et les conduit à appliquer une prime de risque additionnelle. Ce fût notamment le cas en 2020 (crise du Covid). Cette année, c’est la remontée des taux souverains et l’écartement des spreads de crédit qui renchérissent les coûts de financement et sèment le doute. En effet, le coupon à payer sur une nouvelle obligation peut se révéler supérieur au coupon de l’ancienne émission.

Une décision de call pas seulement économique

Il est nécessaire de souligner que la décision de remboursement anticipé n’obéit pas uniquement à une logique économique, à la différence des obligations subordonnées financières (banques et assurances). Les émetteurs de dette corporate hybride sont typiquement des grandes sociétés avec un rating investment grade pour qui ces instruments financiers sont un moyen de renforcer leurs ratios de crédit. En effet, les agences de notation traitent ces papiers à 50% comme de l’equity («equity content»). Si une obligation n’est pas remboursée à la première date de call, cet «equity content» est perdu et l’obligation redevient à 100% de la dette, ce qui peut conduire à une révision négative de la note de crédit.

D’un point de vue du coût de financement pour l’entreprise, les obligations hybrides représentent un instrument attractif. Malgré les coupons élevés, elles sont moins onéreuses qu’un mix composé à 50% de dette senior et à 50% d’equity. Pour toutes ces raisons, tant qu’une société conserve un accès au marché de capitaux, elle préférera exercer son option et refinancer sa dette.

Le cas particulier des REITS

Les sociétés foncières (REITS) sont apparues récemment sur ce segment obligataire, profitant des conditions de financement accommodantes des dernières années pour émettre des obligations de manière opportuniste. La hausse des taux et le retournement du marché immobilier notamment dans les pays nordiques ont considérablement compliqué l’accès au marché pour ces compagnies. Cela nous amène à penser que pour ces dernières, la probabilité de non-call a fortement augmenté, comme reflété par l’augmentation très forte des rendements au call pour les émetteurs REITs par rapport au reste de l’univers (cf. graphique). Le risque de contagion est exagéré et les cas d’extension devraient demeurer circonscrits à ce seul secteur.

Source: Credit Suisse, Bloomberg. Données au 28.11.2022. Les performances passées ne garantissent pas les performances futures, qui peuvent évoluer dans le temps. Les chiffres ont trait aux années écoulées et ne préjugent pas des résultats futurs.
Les derniers développements de marché ont été instructifs

Notre scénario a en grande partie été validé au cours des derniers jours. Ainsi Aroundtown, une des principales sociétés foncières allemandes a informé le 29 novembre qu’elle ne rembourserait pas un emprunt de EUR 369 mios avec une date de call au 20 janvier 2023 afin de préserver ses liquidités dans une conjoncture incertaine. On aurait pu craindre une attitude de grande défiance des investisseurs obligataires vis-à-vis de la classe d’actif suite à ce fait de marché mais le même jour, Orsted SA (société active dans les énergies renouvelables) annonçait son intention d’emprunter EUR 500 mios d’obligation hybride pour refinancer une obligation avec une date de call au 26 juin 2023. Un coupon de 6% était envisagé mais suite à une demande 10 fois supérieure à la taille d’émission, le coupon définitif a été ramené à 5.25%. Le lendemain EDF empruntait à son tour EUR 1 milliard au taux de 7.5%. Là encore l’émission fût largement sursouscrite (5.5 fois).

Les investisseurs ont intégré qu’il était nécessaire de faire la distinction entre le risque idiosyncratique du secteur immobilier (l'ivraie) et une extension au reste du marché (le bon grain). La majorité des émetteurs de l’univers qui ne sont pas actives dans le secteur immobilier vont ainsi continuer à refinancer leurs obligations, offrant une opportunité attractive de portage pour un risque de défaut très faible puisque les émetteurs sont dans leur vaste majorité notés investment grade au niveau de leur dette senior.

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