De la rotation au recyclage

Thomas Fonsegrive, Marigny Capital

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Alors que les marchés actions réévaluent quotidiennement le prix des actions de la nouvelle économie, nous cherchons des pépites dans les poubelles.

Le thème traditionnel de la rotation des valeurs «growth» vers les valeurs «value» est spectaculairement mis en avant par la forte volatilité des marchés. En effet dans l’environnement actuel (Inflation, Guerre en Ukraine et risque de ralentissement économique en Chine), les investisseurs se séparent massivement des actifs qui ont le plus profité de la reprise post Covid (tels que les valeurs de la tech et les cryptomonnaies) et privilégient les valeurs de la vieille économie.

Performance comparée du S&P Value vs Nasdaq 100 depuis le début de l’année

Ces actions, vous les connaissez certainement. Il s’agit de ces valeurs non disruptives qui ont des clients, des marges opérationnelles, qui génèrent des profits chaque année mais qui peinent à afficher des perspectives de croissance exponentielle. Je les aime bien ces valeurs: je comprends leur business model, je n’ai pas à les payer plus de 80 fois leurs bénéfices et je peux avoir un avis sur l’utilité et la pérennité de leurs activités à moyen/long terme. De plus, elles ne sont pas «Uberisables». Prenons l’exemple d’un secteur d’activité qui fait de la rotation depuis des décennies: le recyclage.

La génération de déchets dans le monde va connaitre une croissance continue au cours des 20 prochaines années selon les données de la Banque Mondiale. Pour pouvoir respecter les principes fondamentaux de l’économie circulaire, les capacités en recyclage vont donc devoir augmenter. Car outre l’enjeu environnemental, il y a également un enjeu d’indépendance énergétique.

En effet, une part de plus en plus importante des déchets est valorisée afin de participer à la production d’énergie. Pour les pays non producteurs de pétrole, l’enjeu est naturellement de diminuer la dépendance de leur économie aux hydrocarbures. Cependant elle sera remplacée par une dépendance aux métaux, indispensables à la mise en place des infrastructures génératrices d’énergies renouvelables. Fort heureusement les métaux font aujourd’hui partie des matériaux présentant le plus fort taux de recyclage, et environ 200 millions de tonnes de métaux sont recyclées en Europe chaque année. Selon un rapport des Nations Unies, le taux de recyclage des métaux ferreux est déjà de plus de 60% à travers le monde, et à horizon 2050 plus de 60% de la demande mondiale en acier devrait provenir de métaux recyclés. Les perspectives en la matière sont très encourageantes puisque les métaux sont recyclables à l’infini, et qu’une tonne de métal recyclé a une empreinte énergétique et carbone significativement plus faible que son équivalent issu de la mine et donc un moindre coût de production.

Aujourd’hui le plus fort taux de recyclage provient des activités minières qui recyclent et valorisent plus de 90% de leurs déchets. Les déchets de la construction et de la démolition (béton, bois, verre, métaux et plastiques) sont eux recyclés à plus de 70%.

D’après l’Agence Environnemental Européenne, le taux de recyclage des emballages (notamment cartons) est actuellement de 66%. Les déchets collectés par les municipalités (dans les poubelles des particuliers) affichent un taux de recyclage de 48%, mais l’UE a affirmé des objectifs d’au moins 55% en 2025, et 60% de déchets municipaux recyclés en 2030. La principale difficulté provient des déchets électriques et électroniques qui contiennent une variété de métaux et plastiques et qui ne sont recyclés qu’à hauteur de 39% en raison de la diversité de leurs composants.

Concernant le risque règlementaire, on observe que la volonté politique en la matière est suffisamment forte pour qu’il soit objectivement considéré comme une opportunité dans ce secteur particulier. Les aspirations des populations à une transition verte et des politiques à une indépendance économique et énergétique sont alignées. Même si le risque de ralentissement économique actuel est un frein pour le secteur à très court terme, il est raisonnable de penser qu’à moyen et long terme cette industrie devrait voir son activité croître.

Pour finir, on observe que les valeurs de ce secteur sont profitables. La plupart disposent de contrats longs et exclusifs avec des municipalités ou des collectivités territoriales. Le marché du recyclage est aujourd’hui un marché oligopolistique (forte demande et faible offre), qui va continuer à grandir dans les années à venir du fait de la hausse continue de production de déchets et d’une exigence croissante de recyclage de la part des populations et des politiques. Ceci devrait préserver les marges des acteurs tout en augmentant leur volume d’activité et, nous devons l’espérer, apporter pourquoi pas de la croissance à ce secteur fondamentalement value.