Attention à la ruée sur les techs chinoises

Luc Filip, Syz Group

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L’accélération simultanée de la croissance mondiale et de l’inflation arrive à son terme. Prudence sur la Chine.

Emmenées par les Etats-Unis, les grandes économies développées ont connu un rebond phénoménal depuis fin 2020, rendu possible par des stimuli monétaires et fiscaux très forts. En Europe, la tendance était encore à la hausse en juin et juillet, notamment grâce aux efforts mis sur la vaccination contre la Covid qui a permis de soutenir la forte reprise dans les secteurs des services. 

Préférer les secteurs de croissance aux secteurs cycliques 

Nous entrons maintenant dans une phase de normalisation ou de stabilisation de la croissance dans les économies développées. Les pays émergents n’ont pas connu une évolution similaire en raison de l’accélération de la pandémie dans ces pays dans un contexte de taux de vaccination qui reste bas. L’accélération de l’inflation touche également à sa fin. En parallèle, les banques centrales évoquent clairement leur intention de normaliser leurs politiques monétaires et les aides gouvernementales liées à la pandémie vont être réduites, pas seulement aux Etats-Unis mais aussi en Europe. Sur la base de ces critères, nous pouvons donc considérer que nous passons de la reflation à la normalisation. Cela ne se fera pas du jour au lendemain mais nous nous dirigeons vers une dynamique structurelle du type de la japonisation des économies, qui implique une croissance positive mais faible et des taux d’intérêts très bas à long terme. Les taux de croissance du PIB devraient progressivement revenir vers 2% aux Etats-Unis et 1% en Europe et en Suisse. 

Pour les investisseurs tactiques et flexibles, ces changements temporaires représentent des opportunités fertiles pour dénicher de l'alpha à travers une palette de classes d'actifs, en délaissant les secteurs cycliques au profit de secteurs de croissance pérenne sur le marché des actions. En effet, le fort rebond de la croissance ainsi que des conditions financières accommodantes ont permis de très bons résultats des entreprises au second trimestre qui expliquent en grande partie la forte performance des marchés d’actions.

Les techs chinoises victimes de pressions réglementaires 

Attention toutefois aux titres sur les marchés émergents et plus précisément sur les valeurs chinoises. En effet, la mise à jour réglementaire en Chine impacte les valeurs technologiques et devrait rendre prudents les investisseurs attirés par des perspectives de croissances bénéficiaires qu’il faudra sans doute revoir à la baisse. Par ailleurs, la fermeture du port de de Ningbo-Zhoushan pour un cas de Covid illustre les risques quant à la reprise économique chinoise. D’autres aspects plus spécifiques comme les changements régulatoires qui impactent directement les titres de la tech chinoise soulèvent certaines questions sur les modèles d’affaires à long terme. Les autorités ont déclaré que les datas, le pétrole du XXIe siècle, détenues par les sociétés ne sont pas leur seule propriété mais aussi celles de l’Etat. Cela va limiter directement la profitabilité de certaines sociétés dans plusieurs secteurs, notamment les valeurs techs leaders dans leur domaine qui souffrent directement de ces mesures, comme l’illustrent certains cours en baisse de plus de 30% depuis le début de cette année. Il est donc important de distinguer les titres portés sur la croissance domestique chinoise des actions de techs pures sous pression, comme Alibaba ou Tencent. 

En Suisse, la prudence est remontée d’un cran après un très bon début d’année pour l’ensemble du marché, en particulier pour les valeurs cycliques. Nos vues restent tout de même positives surtout sur les titres des marchés secondaires, les small et mid caps. Quand bien même la prime de risque historique sur le marché suisse se paie chère, il existe toujours des opportunités de rentrer sur ce marché. 

Plus généralement, dans un contexte de normalisation et de croissance plus faible, il est essentiel de se positionner sur des secteurs de croissance comme les techs aux Etats-Unis. Nous sommes dans la même optique en Suisse où le marché ne se résume pas seulement aux grandes capitalisations exposées à la croissance mondiale. La réallocation se fait sur des titres certes pas bon marché mais de qualité. La diversification sur les mid caps implique d’être sélectif. 

Finalement, nous restons plus prudents sur les obligations où le potentiel est moins élevé notamment en raison d’une valorisation déjà chère sur les spreads de crédit et des perspectives d’une politique moins accommodante des banques centrales. Dans ces conditions, notre préférence se porte sur le high yield (en Asie) où les rendements restent intéressants après la récente correction du secteur du développement immobilier. Nous avons donc saisi l’opportunité de bénéficier des valorisations très attractives de ce segment très spécifique.