Simple, transparente et standardisée

Rob Ford, TwentyFour Asset Management

3 minutes de lecture

Avec la mise en œuvre des titrisations STS, un resserrement du marché est à prévoir.

Si les modifications apportées à la réglementation sont le fruit d’un long et laborieux processus, leur impact se fait souvent sentir assez rapidement. Il y a de fortes chances qu’il en aille bientôt de même pour les marchés de titres adossés à des actifs.

Ces dernières années, les régulateurs européens ont travaillé au perfectionnement et à l’harmonisation du traitement des opérations de titrisation dans divers cadres de la réglementation financière, depuis les règles régissant les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) jusqu’à celles applicables aux banques (CRR et LCR), aux compagnies d’assurance («Solvabilité II») et à la gestion d’actifs (gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs). Pour l’essentiel, leur travail a consisté à modifier ces cadres et à remplacer les anciennes règles par une série de nouveaux règlements qui entreront en vigueur le 1er janvier 2019. Par ailleurs, l’Autorité bancaire européenne (ABE) et l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) ont élaboré des précisions techniques quant à l’application de certaines parties des nouvelles règles, appelées «normes techniques de réglementation» (RTS).

La création d’un label de «bonnes pratiques» permettra aux marchés
de la titrisation de renouer avec la croissance après plusieurs années de contraction.

Au cours des derniers mois, nous avons reçu des questions de nos clients sur l’incidence de ces changements, notamment en ce qui concerne la nouvelle notion de «titrisation simple, transparente et standardisée» (titrisation STS), qui a été conçue comme une sorte de label de «meilleure pratique» pour les investisseurs et qui permet d’accorder un traitement plus favorable en matière de fonds propres aux investisseurs, tels que les banques et les compagnies d’assurance, qui connaissent des restrictions en matière de capitaux, même si celles-ci se limitent à certaines classes de titres adossés à des actifs (principalement les titres garantis par des créances hypothécaires résidentielles ou RMBS, les titres adossés à des crédits à la consommation et les titres adossés à des actifs en faveur des PME).

Comment cela pourrait-il affecter la demande et les spreads des titres européens adossés à des actifs?

En règle générale, nous voyons en ces changements une évolution réellement positive. Ces changements sont en gestation depuis plusieurs années et de nombreux acteurs potentiels du marché attendent en coulisses qu’ils soient finalisés. La création d’un label de «bonnes pratiques en matière de titrisation», surtout si celui-ci est entériné par les régulateurs, permettra non seulement de dissiper certains mythes qui continuent de nuire au produit, mais permettra également aux marchés de la titrisation de renouer avec la croissance après plusieurs années de contraction due à la crise financière. À long terme, ce label amènera de nouveaux investisseurs, ce qui continuera d’accroître la liquidité et favorisera l’émission, étant donné que les banques disposeront d’un moyen supplémentaire de mettre fin à leur dépendance à l’égard du financement de la Banque centrale européenne sur lequel elles ont compté ces dernières années.

Mais cela ne se fera pas sans difficultés. Les nouvelles règles consistent essentiellement en une longue liste de critères complexes que les actifs ou les structures d’obligations doivent remplir afin de bénéficier du label STS. L’émetteur ou l’initiateur devra certifier qu’à son lancement et de manière continue, l’opération répond aux exigences STS, ce qui permettra aux autorités d’appliquer un régime sévère de sanctions en cas de certification inexacte. En application de ce nouveau régime, les émetteurs feront en sorte de respecter ces critères, mais sont également susceptibles de se montrer prudent au départ, d’autant plus que la norme technique de réglementation définitive ne sera pas finalisée avant la fin de cette année, voire l’année prochaine. Il est donc possible que nous ne connaissions pas la teneur des règles définitives le jour de leur entrée en vigueur!

«Nous anticipons un ralentissement des émissions
au premier semestre de l’année prochaine.»

Par conséquent, nous anticipons un ralentissement des émissions au premier semestre de l’année prochaine. En fin de compte, ce seront les grandes banques ou les gros émetteurs indépendants (les grands constructeurs automobiles, par exemple) qui joueront un rôle de premier plan, mais non sans éprouver quelque nervosité. Les opérateurs se livreront peut-être une course à qui deviendra le premier émetteur de titrisations simples, transparentes et standardisées (STS), mais cette course pourrait être très lente car selon toute probabilité, les premières opérations ne seront pas conclues avant que l’année 2019 soit bien engagée. Un resserrement du marché pourrait bien se faire ressentir au premier semestre de l’année en raison d’une pénurie de titres, même s’il est probable que celle-ci se limite principalement aux classes de rang supérieur puisque les classes d’actifs des titrisations STS sont habituellement utilisées comme outils de financement pour les banques et que celles-ci émettent rarement des obligations de rang inférieur.

Les classes d’actifs ne relevant pas des titrisations STS (obligations adossées à des prêts ou CLO, titres garantis par des créances hypothécaires commerciales ou CMBS, titres garantis par des créances hypothécaires résidentielles ou RMBS) ne seront pas directement touchées. Mais même ces classes pourront observer un resserrement du marché car, au niveau de la demande, elles pourront bénéficier du manque d’émissions portant sur des opérations de titrisation simples, transparentes et standardisées. Elles seront en outre soumises à de nouvelles règles de reporting plus détaillées, lesquelles ne sont pas encore finalisées et pourraient donc entraîner un ralentissement des émissions en raison du temps nécessaire aux émetteurs pour effectuer la mise en conformité de leurs systèmes de notification.

Le second semestre sera plus équilibré
au fur et à mesure que les titrisations STS se mettront en place.

Bien entendu, sur le long terme, nous anticipons que chaque émetteur pouvant satisfaire aux exigences des titrisations STS ne manquera pas de le faire, étant donné que les avantages d’une base d’investisseurs plus large résultant du traitement plus favorable des fonds propres entraîneront certainement, à terme, des conditions d’émission plus favorables (c’est-à-dire des spreads plus serrés).

En résumé, nous attendons un certain resserrement du marché dû à des contraintes techniques au premier semestre de l’année prochaine. Le second semestre sera plus équilibré au fur et à mesure que les titrisations STS se mettront en place et qu’elles deviendront la norme, et que l’on pourra alors assister à un certain retour à la normale (malgré le maintien probable de niveaux de spreads globalement plus serrés). Tandis que 2018 touche à sa fin et que la plupart des opérations en pipeline ont été réalisées, les opportunités d’investissement supplémentaire qui se présenteront cette année pourraient devenir de plus en plus limitées.

A lire aussi...