Non! à la monnaie pleine

Jean-Pierre Roth, Ancien Vice-président de la BNS

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Les partisans de l’initiative nous promettent un système financier plus stable. Les trois arguments de Jean-Pierre Roth pour justifier son rejet.

 

La campagne en vue de la votation du 10 juin sur la Monnaie Pleine bat son plein. Les partisans nous promettent un système financier plus stable et des ressources fiscales nouvelles. Ils veulent lancer la Suisse sur la piste d’une réforme monétaire purificatrice. Trois arguments très simples justifient un rejet de l’initiative:

Cette initiative est inutile

La Suisse n’est pas un casino comme le prétendent les initiants. Son système bancaire est étroitement réglementé, certainement parmi les plus réglementés des pays industrialisés. Prétendre que nos banques ne tarderont pas de s’effondrer n’a que pour but de faire peur comme si l’on exigeait d’évacuer immédiatement les villages valaisans situés en aval du barrage de la grande Dixence avant que la catastrophe ne survienne! Par ailleurs, une assurance des dépôts a été mise en place pour faire face à d’éventuelles difficultés d’établissements bancaires. Ici, les initiants agitent également les esprits en argumentant que cette assurance serait insuffisante si tous les établissements étaient simultanément en difficulté. C’est une nouvelle fois vouloir faire peur: demande-t-on à une compagnie d’assurance contre les incendies de pouvoir faire face à un embrasement général de tous les bâtiments assurés? En cas de difficulté majeure, nos autorités sauront prendre les mesures exceptionnelles qui s’imposeront.  La Banque nationale et la Commission fédérale des banques ont démontré en 2008 leur capacité de gérer une crise financière que la monnaie pleine n’aurait d’ailleurs pas permis d’éviter.

«Même les coûts entraînés par les retraits au bancomat
devront être couverts par la clientèle.»
Cette initiative est coûteuse

Car l’initiative limite la capacité de crédit des banques, c’est un fait. Demander, comme ils le font, que la BNS devienne alors la source générale du crédit conduirait à centraliser le crédit dans les mains publiques comme on a pu le voir dans les pays communistes… La BNS dit haut et fort qu’elle ne pourrait assumer cette responsabilité.

De plus, comme les banques ne pourront plus faire fructifier les avoirs de leurs clients en comptes-courants, le trafic des paiements sera frappé de nouvelles commissions et même les coûts entraînés par les retraits au bancomat devront être couverts par la clientèle. Dans le domaine des paiements, les initiants ont totalement oublié les difficultés que rencontrerait Postfinance, une entreprise qui est placée au cœur de notre système de paiements et qui verrait toutes ses sources de bénéfice disparaître puisque les avoirs en comptes de chèques devraient être totalement placés en actifs non rémunérés à la BNS.

«Les partisans de l’initiative sont des apprentis sorciers.»
Cette initiative est dangereuse

Car elle prévoit que désormais la politique monétaire de la BNS sera mise en œuvre au travers d’allocations annuelles de liquidités à la Confédération, au Cantons et au public (ce que l’on appelle familièrement la planche à billets). Cet aspect, qui a été largement ignoré dans le débat public, placerait notre pays en marge des règles internationales de bonne gouvernance monétaire. En effet, les allocations directes de ressources monétaires au budget sont aujourd’hui interdites par la loi, chez nous comme à l’étranger, car elles mettent les banques centrales sous la pression politique «d’en faire plus», avec le risque d’une dépréciation monétaire progressive.  Recourir à la planche à billets, c’est créer de la monnaie ex nihilo alors qu’aujourd’hui la création monétaire s’appuie sur des achats de titres ou de devises, par le passé sur l’or. En fait la monnaie que les initiants veulent voir ainsi créée serait TOTALEMENT VIDE!

Il ne faut pas se le cacher, les partisans de l’initiative sont des apprentis sorciers qui se bercent d’illusions et veulent enfumer l’électorat par des slogans souverainistes. 

Rejetons-là massivement, ne cassons pas un système monétaire qui a démontré sa stabilité et qui participe à la réputation d’excellence de notre pays.