Mauvaises surprises dans l’investissement immobilier en France

Stéphanie Barreira, FBT Avocats

3 minutes de lecture

L’instabilité des décisions jurisprudentielles françaises contribue à obscurcir la situation fiscale en France des investisseurs immobiliers étrangers.

Si d’importants progrès ont été effectués et d’autres sont en voie d’aboutir, il existe encore un certain nombre d’obstacles à l’attractivité des investissements étrangers sur le sol français.

Force est de constater une certaine défiance de la part des pouvoirs publics pour les investissements immobiliers réalisés en France sous couvert de structures d’investissement.

Si l’assimilation en droit fiscal français des titres de sociétés immobilières françaises à des immeubles constitue la règle en droit interne, en revanche ces titres ne sauraient recevoir cette qualification pour l’application des conventions fiscales internationales. Des jurisprudences récentes nous rappellent l’insécurité fiscale entourant les investissements immobiliers sur sol français.

Les règles entourant les cessions immobilières
au travers de sociétés immobilières sont plus incertaines.

Bien que l’acquisition d’un bien immobilier ne présente pas de spécificité fiscale particulière pour les non-résidents, les règles entourant les cessions immobilières au travers de sociétés immobilières sont plus incertaines. Ce même constat peut être opéré lors de la taxation de ces mêmes titres en matière de droits de succession.

(i) Conséquences fiscales en France de la cession de titres de sociétés immobilières

Pour tenir en échec l’excès d’habileté fiscale, les cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière françaises sont assimilées fiscalement en France à des cessions immobilières. Par les dispositions combinées des articles 244 Bis A et 209 I du Code général des impôts, et sous réserve des exonérations éventuellement applicables, il ne fait pas de doute qu’en droit interne français, les plus-values de cession de titres de sociétés immobilières françaises réalisées par des non-résidents sont imposables en France, au taux de 19% de la plus-value, majorée des prélèvements sociaux au taux de 17,2% (ou 7,5% pour les résidents européens non affiliés au régime de sécurité sociale en France).

En droit conventionnel, la France est parvenue à insérer dans plusieurs conventions fiscales récentes, un alinéa disposant que l’expression «biens immobiliers» comprend aussi «les actions parts, ou autres droits dans une société ou personne morale dont l’actif est constitué pour plus de la moitié, directement ou par l’interposition d’une ou plusieurs autres sociétés ou personnes morales, d’immeubles situés dans un Etat contractant ou de droits portant sur de tels biens». Ces actions, parts ou autres droits sont ainsi considérés comme situés dans l’Etat contractant où les immeubles sont situés. Il s’agit notamment des conventions fiscales conclues avec les Etats-Unis, l’Allemagne, l’Espagne, la Turquie, l‘Italie, les Emirats Arabes Unis et l’Espagne.

Le fisc français cherche à procéder de manière extensive en matière
de qualification des gains des cessions de titres de sociétés immobilières.

En revanche, si la convention fiscale ne qualifie pas les titres de sociétés immobilières de biens immobiliers ou ne prévoit pas spécifiquement que les plus-values résultant de la cession de tels titres sont imposables en France, la France ne devrait pas avoir la possibilité d’imposer de telles plus-values. Dans cette hypothèse, les cessions relèveront alors du régime des biens mobiliers, ce qui conduit en général à réserver l’imposition à l’Etat de résidence du cédant.

Telle n’est pas la position de l’administration fiscale française, qui cherche systématiquement à procéder de manière extensive en matière de qualification des gains attachés aux cessions de titres de sociétés immobilières. Validant la position hautement contestable du fisc français, le Tribunal Administratif de Montreuil, par deux décisions en date du 17 avril 2017 (n°1701414) et 26 juin 2018 (n°1703431), a en effet considéré que la convention franco-belge, qui ne contient pas de clause spécifique aux gains de cession, attribue néanmoins le droit d’imposer les plus-values de cession de titres de sociétés immobilières à la France.

Adoptant un raisonnement totalement contraire à la position constante et sécurisante du Conseil d’Etat en la matière, le Tribunal considère que la convention fiscale doit être interprétée par référence au seul droit fiscal français. Le doit fiscal français assimilant les titres de sociétés immobilières à des immeubles, le droit d’imposer les plus-values de cession de ces titres est donc attribué à la France par l’article 3 de la convention relatif aux revenus immobiliers.

Or, l’orthodoxie juridique aurait conduit à se référer aux règles du droit civil français pour interpréter la convention fiscale franco-belge et qualifier les titres de sociétés immobilières. En droit civil, les parts d’une société, fût-elle à prépondérance immobilière, sont des biens de nature mobilière et non des immeubles. Cette qualification de biens mobiliers aurait ainsi réservé à la Belgique le droit d’imposer cette plus-value de cession de titres de sociétés immobilières.

Gageons que la Cour Administrative d’Appel, qui se prononcera très prochainement sur ces litiges, fera preuve de sagesse.

(ii) Modalités de taxation des titres de sociétés immobilières en droits de succession

Rappelons que d’une manière générale, le droit fiscal français s’arroge le droit d’imposer en droit de succession, les titres de sociétés immobilières, françaises ou étrangères dont l’actif est principalement constitué d’immeubles ou de droits immobiliers sur le territoire français, même en l’absence de résidence fiscale en France du défunt et des héritiers.

Le étrangers souhaitant investir en France devront prendre
en compte les éventuels frottements fiscaux français.

Par un arrêt de principe de l’Assemblée plénière de la Cour de Cassation du 2 octobre 2015 (n°14-14.256), la Cour Suprême a rappelé la primauté du droit conventionnel, qui définit les titres de telles sociétés comme des «autres biens», et non comme des immeubles (ce qui exclut en principe l’imposition en France de titres de sociétés immobilières françaises lorsque le défunt n’est pas résident de France, si la convention suit le modèle OCDE). Il a donc été jugé que compte tenu de la nature mobilière des titres d’une société civile monégasque à prépondérance immobilière en France, qui appartenait à un défunt domicilié à Monaco, ces titres ne sont pas taxables en France au titre des droits de succession.

Insatisfaite de la perte de masse taxable en France en raison de l’interposition de ces structures de détention, la France n’a eu de cesse ces dernières années que de renégocier ses anciennes conventions fiscales en étendant le champ des biens immobiliers considérés comme imposables en France (cas des Etats-Unis et de l’Allemagne notamment).

Les acteurs internationaux souhaitant investir sur le sol français devront nécessairement évaluer dans leur stratégie d’investissement les éventuels frottements fiscaux français, et devront surtout adapter la structuration de leurs investissements au gré de l’évolution des règles fiscales françaises.

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