Les réseaux sociaux: un nouvel eldorado pour le fisc français?

Stéphanie Barreira, FBT Avocats

2 minutes de lecture

L’émergence des réseaux sociaux donne l’accès au fisc français à une masse considérable d’informations, désormais exploitables grâce au «data mining».

Ces dix dernières années, l’administration fiscale a vu son arsenal de moyens d’enquêtes et de contrôle s’enrichir, pour des résultats pourtant non convaincants.

En 2013, la Cour des comptes dressait un rapport relativement sévère sur la qualité du contrôle fiscal en France, le qualifiant d’insuffisant et dépassé.

Face à ce constat, l’administration fiscale a dû faire évoluer ses politiques de contrôle afin de cerner de manière efficace les comportements frauduleux jugés de plus en plus sophistiqués et complexes. Cette modernisation du contrôle fiscal devait inéluctablement passer par le développement de nouveaux outils informatiques, tel que le data mining.

Le data mining permet une recherche
des comportements frauduleux par profilage informatisé.

Dans un discours prononcé le 13 septembre 2018 en vue de l’adoption de la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale (promulguée le 23 octobre dernier), M. Gérard Darmanin, Ministre de l’action et des comptes publics, faisait état d’un manque d’efficacité en termes de détection de la fraude fiscale et de l’exploitation insuffisante des données fiscales et sociales. 

Le data mining était alors présenté comme la réponse parfaite aux insuffisances constatées.

Appliqué au contrôle fiscal, le data mining permet ainsi une recherche des comportements frauduleux par profilage informatisé en utilisant un grand nombre de données financières et fiscales issues principalement:

  • des données recueillies auprès d’administrations nationales et étrangères, notamment grâce à l’échange international de renseignements;
  • des données en provenance  d’organismes sociaux, de consultation de fichiers mis à disposition des agents des impôts, tels que les ouvertures et clôtures de comptes bancaires (FICOBA) ou des contrats d’assurance vie (FICOVIE).

Les données publiques sur les réseaux sociaux vont également être analysées, via un algorithme dédié, en vue notamment de détecter d’éventuelles anomalies du train de vie des contribuables au vue de leurs déclarations fiscales, ou traquer l’organisation fictive d’une domiciliation à l’étranger.

Cette expérimentation devrait débuter en janvier 2019, sous réserve de l’accord de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

Les réseaux sociaux sont déjà exploités dans le cadre d’enquêtes judiciaires.

Rappelons qu’à l’heure actuelle, les réseaux sociaux sont déjà exploités dans le cadre d’enquêtes judiciaires. Le siège français de Walt Disney a d’ailleurs eu la désagréable surprise de subir une perquisition fiscale en octobre 2017, justifiée par des informations recueillies sur le réseau social professionnel LinkedIn. L’analyse des profils sur le réseau social de certains salariés dévoilait, selon le fisc, l’exercice sur le sol français, (et pour le compte de la Walt Disney Company Limited immatriculée au Royaume-Uni) d’«activités de concessions de licence Disney, commercialement stratégique pour le groupe» et la conclusion de partenariats importants avec des enseignes internationales dans le domaine de l’alimentation. Il s’agissait alors pour le fisc d’indices sérieux de l’existence d’un cycle commercial complet sur le territoire français, générateur d’impôts normalement dus en France.

L’émergence des réseaux sociaux, mais surtout le narcissisme des contribuables qui ont à cœur de se présenter sous leur meilleur profil, pourrait ainsi constituer une ressource précieuse pour le fisc français. Notons toutefois que ces informations ne pourront à elles seules fonder un redressement fiscal, mais seraient néanmoins suffisantes à encourager l’administration fiscale à mettre en œuvre les moyens d’enquête dont elle dispose, tel que son droit de communication auprès de tiers.

Cette expérimentation prend place dans le cadre d’un renforcement de la lutte contre la fraude fiscale, avec la création notamment d’une nouvelle police fiscale, laquelle pourra s’appuyer sur l’exploitation plus fine et systématique des données personnelles des contribuables.

A lire aussi...