Trade tantrum ou taper tantrum?

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

2 minutes de lecture

Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

 

Quelle semaine!

L’avenir nous dira si nous sommes entrés dans la semaine la plus importante de l’année. La semaine dernière nous a déjà fourni son lot de rebondissements. Les taux gouvernementaux allemand et US étaient repartis pour un rally de fuite vers la qualité, les spreads périphériques s’écartant de nouveau. Soudainement, les marchés se sont rendu compte qu’il y avait une réunion de la BCE le jeudi 14 et que l’on allait parler de la fin des achats d’obligations dans le cadre de la politique d’assouplissement quantitatif.

Dans ce contexte, monsieur Praet a mis les pieds dans le plat et ses propos ont jeté un froid. Il estime que la BCE va devoir détailler jeudi un calendrier de retrait de son programme d’assouplissement quantitatif. De là à imaginer un remake du taper tantrum américain de juin 2013… Entre temps, la volatilité a été une fois de plus incroyable puisque le Bund est descendu à 0,36% mardi dernier dans l’après-midi pour remonter brutalement mercredi et jeudi suite à l’intervention de Peter Praet, jusqu’à 0,51% puis redescendre vendredi. Nous risquons donc de faire du yo-yo jusqu’à jeudi après-midi, à moins que demain soir, la Fed surprenne les marchés.

«Jerome Powell est attendu au tournant
car il pourrait tempérer son discours restrictif.»

Du côté des taux US, le 10 ans a plus ou moins imité le comportement du Bund, en passant de 2,90% lundi et mardi à 2,99% jeudi matin. Depuis, nous sommes retournés à 2,89% puis remontés vers 2,95% au gré des informations provenant d’Italie, de la BCE, à la veille d’une semaine chargée en termes d’adjudications du Trésor mais également des tweets du Président Trump après un G7 délicat au Canada. Alors, que nous réservent les banques centrales cette semaine, sur fond de guerre commerciale US-Chine mais également US-G6?

La Fed ouvre le bal demain soir

Il n’y aura pas de surprise en ce qui concerne les taux Fed funds. Ils devraient être relevés d’un quart de point. En revanche, Jerome Powell est attendu au tournant car il pourrait éventuellement tempérer son discours restrictif en invoquant d’éventuelles incertitudes liées au commerce mondial, au niveau du dollar ou à la stabilisation de l’inflation. Ce qui est sûr, c’est qu’il se servira des derniers chiffres de l’emploi et des perspectives de croissance du deuxième trimestre pour indiquer que cette hausse de taux ne sera vraisemblablement pas la dernière.

Mais tout début d’hésitation ou tout commentaire sur des facteurs pouvant à terme modifier à la baisse le scénario des dot plots sera perçu comme le symbole d’un dovish tightening. Moins de 24 heures après la Fed, ce sera au tour de Monsieur Draghi de dévoiler la politique monétaire de la BCE. Il devra sans doute expliquer pourquoi, en pleine crise, la BCE a réduit ses achats d’obligations italiennes au profit de dette allemande mais surtout, il va devoir révéler les intentions de Francfort au sujet de la fin du QE européen prévu fin septembre.

«Le sujet d’inquiétude majeur qui refait surface cette semaine
est la politique agressive des Etats-Unis en matière de barrières douanières.»

Malgré les affirmations de Peter Praet, nous estimons que dans le contexte actuel, il va devoir maintenir le suspense. Etant donné le devoir de neutralité de la banque centrale, il ne devrait pas tenir des propos qui pourraient être perçus comme une ingérence inadmissible dans la politique italienne. Il pourrait toutefois estimer qu’il y a un risque, en commentant les écartements des spreads périphériques. Il serait étonnant que la BCE ne mentionne pas les incertitudes que les politiques protectionnistes font peser sur la croissance mondiale, surtout après le G7 du week-end dernier.

Trade tantrum

En effet, si la zone euro est de nouveau sous la menace des marchés sanctionnant les périphériques, le sujet d’inquiétude majeur qui refait surface cette semaine est la politique agressive des Etats-Unis en matière de barrières douanières. La guerre du commerce avec la Chine n’est plus qu’un volet du dossier et en se mettant à dos ses principaux partenaires, le président américain risque de déclencher une vague de craintes de ralentissement mondial qui seraient la conséquence directe d’un retour des politiques protectionnistes.

Ainsi, plus qu’un éventuel taper tantrum de la BCE, c’est bien aujourd’hui un trade tantrum mondial déclenché par les américains qui est devenu une source principale d’inquiétude. Nous sommes donc au début de la semaine de tous les dangers. Il incombe aux banques centrales des deux côtés de l’Atlantique de nous la faire traverser sans trop de dégâts. La BCE aurait dû tenir un discours un peu plus hawkish mais dans le contexte actuel, ce n’est pas le bon moment. Mario Draghi en tiendra-t-il compte? La Fed pourrait, quant à elle, maintenir un ton favorable à une politique restrictive, ce qui pourrait favoriser l’aplatissement de la courbe mais également la poursuite de l’écartement des spreads émergents.

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