Rebond des actions et tension sur les taux avant les mid-terms

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Bons chiffres de l’emploi 

Vendredi dernier, les chiffres de l’emploi ont été vigoureux. Les créations d’emplois ont atteint 250'000 le mois dernier, ce qui est excellent. Toutefois, si l’on fait une moyenne avec les 118'000 révisées du mois précédent, nous tombons sur une moyenne de 184'000 créations d’emplois sur deux mois, en ligne avec les attentes des marchés. Aussi, le taux de chômage est resté à 3,7%. La surprise est encore une fois venue de l’inflation du salaire horaire qui a bondi de +2,8% à +3,1%. Est-ce un pic provisoire ou l’amorce d’une nouvelle phase de hausse des salaires qui pourrait relancer l’inflation? Le PCE deflator qui était sorti la veille à +2% est plutôt rassurant mais soyons vigilants. 

Ces statistiques encourageantes pour l’économie US ont participé activement à la correction sur les taux du Trésor US. Le rendement du 30 ans, qui s’affichait sous le niveau de 3,35% en début de semaine dernière est remonté rapidement vers 3,40% puis aux abords de 3,45% vendredi. Cette dizaine de points de base de tension (et avec une sensibilité proche de 20 ce n’est pas anecdotique) est imputable pour moitié au rebond des actions et pour moitié aux bons chiffres de l’emploi. En effet, le S&P 500, après avoir atteint un plancher à 2'603 points lundi 29 octobre, est remonté jusqu’à 2'756 vendredi. Le cauchemar d’Halloween est passé, les marchés rebondissent et les taux se retendent, mais le risque de revoir le niveau de 2'532 du 9 février (donc de revoir un 30 ans Treasury dans la zone 3%-3,20%) n’a pas disparu. 

Mid-terms et Fed

Les élections de mi-mandat ont lieu aujourd’hui et la Fed se réunit jeudi soir. L’incertitude du scrutin est plus élevée que celle du comportement du FOMC. Une fois les résultats définitifs connus demain matin vers 9 heures (après la fermeture des bureaux de vote en Alaska), nous verrons si ces élections ont un véritable impact sur les marchés. Pour l’instant, les pics de volatilité que l’on craignait ne se sont pas manifestés. Jeudi soir, nous aurons confirmation de la prochaine hausse des Fed funds le 19 décembre mais l’incertitude autour de la hausse suivante, a priori prévue le 20 mars 2019, grandit. Entre la baisse récente des marchés actions et les saillies anti-Fed de Donald Trump, les investisseurs sont de plus en plus à se demander si une pause dans la normalisation des taux est possible après le 19 décembre. 

«Nous restons persuadés que la courbe des taux US sera influencée
d’une manière prépondérante par le comportement des marchés actions.

Cette semaine est également chargée sur le front des adjudications du trésor. Hier a eu lieu l’adjudication de 3 ans, c’est au tour du 10 ans aujourd’hui et surtout du 30 ans demain pour 19 milliards de dollars. Toutefois, nous restons persuadés que la courbe des taux US sera influencée d’une manière prépondérante par le comportement des marchés actions. Un accord commercial avec la Chine, la signature d’un accord sur le Brexit ou toute autre nouvelle atténuant le niveau de stress des marchés sera favorable à la poursuite du bull market actions et, par conséquent, à un bear steepening - provisoire selon nous - sur la courbe des Treasuries. 

Rally sur la dette italienne

Pierre Moscovici a indiqué hier que la rumeur de sanctions européennes contre l’Italie dévoilées le 21 novembre était une «fake news». Auparavant, le BTP avait connu une semaine faste, passant de 3,50% mardi dernier à 3,29% vendredi. Finalement, l’allié le plus convaincant des Italiens a été Mario Draghi lorsqu’il a soigneusement évité d’accabler le gouvernement en laissant entrevoir des possibilités de discussions. Par conséquent le niveau de stress de marché a fortement diminué au cours de la semaine et le BTP à 2 ans (notre indicateur préféré du stress à court terme) est passé de 1,15% à 0,80%. Plus dure a été la digestion de la défaite d’Angela Merkel en Hesse et surtout de ses conséquences. Le Bund est remonté d’une dizaine de points de base dans la semaine dont la moitié était imputable à l’incertitude politique, l’autre moitié résultant, comme aux Etats-Unis, du rebond des marchés actions. Le niveau actuel du Bund, entre 0,40% et 0,45%, paraît approprié compte tenu des circonstances de marché actuelles. Nous sommes loin des projections fin 2018 publiées en début d’année qui prévoyaient un 10 ans allemand entre 0,80% et 1% voire au-dessus. 

S’il est encore trop tôt pour dresser le bilan de cette année (en deux mois il peut se passer beaucoup de choses), nous pouvons d’ores et déjà conclure que l’inflation n’aura pas été au rendez-vous de la BCE et que c’est maintenant à la croissance de faire faux bond, surtout en France. Si la Fed a pris le risque de monter les taux trop haut trop rapidement (dixit Trump), elle aura au moins la satisfaction d’avoir rempli sa boîte à outils en prévision d’un ralentissement. La BCE risque de se mordre les doigts d’avoir à affronter des temps difficiles avec des taux négatifs et une promesse d’arrêt de sa politique d’assouplissement quantitatif fin décembre.

Note de la rédaction: la chronique hebdomadaire des taux de la banque Eric Sturdza ne paraîtra pas les mardis 13 et 20 novembre. 

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