Prises de risque récompensées

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

 

Inflation salariale aux états-Unis

Les chiffres de l’emploi de vendredi dernier seraient passés relativement inaperçus si les salaires n’avaient pas affiché une solide croissance de +2,9%. Le marché, qui attendait une stabilisation à +2,7%, a été surpris par ce chiffre plus élevé qu’attendu que l’on n’avait pas vu depuis mi-2009. Aussi, les taux US se sont tendus vendredi dernier, «aidés» après la clôture européenne par de nouvelles menaces de Donald Trump contre la Chine. Cela dit, il s’agit d’une tension toute relative puisque les Treasuries à 30 ans et à 10 ans ont vu leur rendement passer respectivement de 3,05% à 3,09% et de 2,87% à 2,93%. On ne peut pas parler de sell-off…Et même si le S&P 500 est repassé sous la barre des 2'900, les marchés à risque ont toujours le vent en poupe et à très court terme rien ne semble arrêter leur progression. Par conséquent, les crédits Investment Grade et High Yield US se maintiennent à des niveaux de spread très bas au grand dam des investisseurs trop prudents qui avaient allégé leurs positions avant l’été.    

Europe: l’Italie rassure 

Monsieur Tria, Ministre italien des finances, a rassuré les marchés en affirmant que le budget en préparation prévoyait une réduction sensible de la dette publique. Il a rajouté que «la stabilité budgétaire sera respectée et, dans les prochaines semaines, avec la loi de finances, ces intentions se traduiront en actions». Dans la foulée, le vice-président de la commission européenne, Valdis Dombrovskis, a estimé que ce budget était «clairement un engagement qui va dans la bonne direction». Ainsi, portés également par un environnement global favorisant l’appétit au risque, les taux italiens se sont violemment détendus au cours de la semaine. Le 2 ans (le meilleur indicateur du niveau de stress du marché) est passé de 1,38% à 0,75% tandis que le rendement du 10 ans BTP s’est replié de 3,16% à 2,93%. 

Le risque majeur pourrait bien venir de Chine:
le ralentissement économique pourrait être plus important.

Autre indicateur de stress/confiance, l’obligation subordonnée Generali 4,596% perpétuelle a vu son cours passer de 98 à 102 en quelques séances. Il n’en a pas fallu plus pour que de nombreux investisseurs redeviennent positifs sur l’Italie au détriment de l’Espagne. Si de l’autre côté des Alpes, le budget devient raisonnable et «eurocompatible», il semblerait tentant de mettre en place une stratégie long/short périphérique Italie/Espagne en arguant du fait que L’Espagne bénéficie aujourd’hui d’une relative tranquillité alors qu’elle doit gérer deux crises, la Catalogne et son exposition aux pays émergents. 

Le QE mondial ne va pas diminuer

Aujourd’hui, nous estimons que la plus grande menace qui pèse sur les marchés n’est ni le dollar, ni la Fed, ni la guerre commerciale de Trump ou les soubresauts des émergents suite à une éventuelle contamination argentino-turque. Nous craignons que le risque majeur vienne de Chine: le ralentissement économique pourrait être plus important que ce que nous estimons et un «hard landing» ne peut être exclu, même si ce n’est pas notre scénario central. Cela voudrait-il dire que les marchés sont à la veille d’une correction de grande ampleur? Oui si les banques centrales n’étaient pas à la manœuvre. Donc la réponse est non car la PBoC saura très bien gérer le phénomène et menace de ralentissement ne rimera pas forcément avec Krach boursier. 

En revanche, les économistes qui nous annonçaient une diminution du Quantitative Easing à l’échelle de la planète vont devoir réviser leurs prévisions: la réduction de la taille du bilan de la Fed sera sans doute compensée par une politique d’assouplissement quantitatif chinois. Nous pouvons même imaginer un QE mondial plus élevé qu’aujourd’hui en 2019 dans le cas d’un ralentissement chinois plus prononcé. Par conséquent, nous pourrions assister à la poursuite de la bonne tenue des marchés dits à risque (actions, high yield, émergents…) dans un environnement de stabilité des rendements obligataires. La Fed pourrait poursuivre sa politique de hausses de taux et la BCE pourrait bénéficier du QE chinois pour amorcer un virage un peu plus restrictif. Il sera intéressant d’écouter Messieurs Draghi (le 13 septembre) et Powell (le 26 septembre). Entre temps, certains marchés à risque auront peut-être délivré des performances encourageantes. En une semaine, le rendement du 10 ans turc en dollars est passé de 9,10% à 8,30%, est-ce le début d’un rally? 

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