Open bar à la Fed

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

©Keystone
Cette fois-ci le message est clair

La Fed a été au rendez-vous. Plus de hausse de taux prévue cette année et un QT qui va ralentir dès mai pour se terminer en septembre. Nous plaidions pour un arrêt brutal et immédiat du QT mais nous ne ferons pas la fine bouche. Le ralentissement est pointé du doigt et les craintes inflationnistes sont mises au placard. 

Par conséquent, la courbe des US Treasuries a considérablement évolué. La courbe s’est détendue de manière quasiment uniforme en baissant d’une quinzaine de points de base sur toutes les échéances. Le 2 ans est passé de 2,45% à 2,30% (-15bp), le 5 ans de 2,41% à 2,24% (-17bp), le 10 ans de 2,60% à 2,45% (-15bp) et le 30 ans de 3,02% à 2,88% (-14bp). Les Fed Funds étant maintenus à 2,5%, il faut aller chercher du Treasury 2036 pour trouver un rendement supérieur. Et comme le Libor 3 mois s’affiche à 2,61%, Le spread Libor / 2 ans atteint -31 bp, le Libor / 5 ans s’affiche à -37 et le Libor / 10 ans à -16 bp. 

Tous les investissements à liquidité réduite
et à risque de défaut non négligeable sont à proscrire.

Comme le disait un gourou de Wall Street récemment, les actions et les obligations ne vous racontent pas la même histoire, l’un des deux à tort et historiquement, à la fin, les bonds ont presque toujours raison. Le 30 ans a souvent été décrié mais dans des situations comme celle que nous venons de vivre, c’est un véritable booster de performance. Rappelons que (comme toute autre obligation) le 30 ans délivre une performance négative uniquement lorsque son rendement monte. Mais lorsque les taux baissent, que l’on soit en bullish flattening ou bullish steepening, plus on est loin sur la courbe, plus on gagne! A titre d’exemple, pour performer autant que le 30 ans sur la semaine qui vient de s’écouler, il aurait fallu que le 2 ans s’effondre à 1% et le 5 ans à 1,82%. 

Les stratégies de barbell ont donc, dans cet environnement, été les plus performantes. Cela dit, faut-il clouer au pilori les emprunts plus risqués, spreads corporates ou émergents? La question est compliquée car le comportement du marché est imprévisible. En théorie (et en pratique jusqu’avant 2008), compte tenu du discours de la Fed, mais également de la BCE, il faudrait privilégier les valeurs-refuge. Mais depuis l’avènement du Quantitative Easing, des comportements contre-intuitifs sont également envisageables. 

Après tout, si c’est open bar offert par la banque centrale, les investisseurs peuvent décider de poursuivre l’accumulation de risque: actions, high yield, loans… Par conséquent, à ce stade, nous ne négligerions pas les bons crédits Investment Grade, surtout à duration courte. En revanche, tous les investissements à liquidité réduite et à risque de défaut non négligeable sont à proscrire puisque dans un tel environnement, tôt ou tard, leur risque asymétrique peut provoquer des pertes infiniment plus grandes que sur le marché des actions. In fine, il vaut tout de même mieux être actionnaire d’une société correcte plutôt que créancier d’une «boîte pourrie».

Le Bund en territoire négatif!

Il fallait bien que ça arrive de nouveau. La BCE avait fait le plus gros du travail et la Fed a rajouté la touche finale au scénario prévisible depuis de nombreuses semaines (voir notre chronique du 15 janvier). Nous l’avons répété à maintes fois, la BCE risquait de se trouver dans une situation inextricable. Maintenant que du côté de la Fed il y a de grandes chances que la prochaine décision de politique monétaire soit une baisse de taux, que va faire la BCE avec ses taux de dépôt à -0,4% et Refi à 0% avec un TLTRO pas si avantageux que les précédents? Le Bund a donc passé la semaine à se détendre de 0,10% à -0,03% (donc 13 bp de détente, en ligne avec le mouvement sur les Treasuries US) tout cela malgré un bon chiffre de l’IFO hier matin. 

Il va falloir désormais nous préparer à un QE2.

En temps normal, nous aurions dû assister à un retour du Bund en territoire positif après l’IFO mais un ressort est cassé. Il va falloir désormais nous préparer à un QE2 et par conséquent aller à la chasse aux éventuels PSPP2 et CSPP2 qui offrent encore un peu de valeur. Nous avons réussi à trouver du Deutsche Bahn 10 ans vendredi dernier à 0,72% mais de telles opportunités vont se raréfier. 

Le dernier rally du Bund nous permet de mettre en avant les stratégies dynamiques appliquées depuis quelques années par de nombreux gérants obligataires en euro et franc suisse (et plus généralement dans tous les marchés à rendement nul ou négatif). Les niveaux de taux très bas les ont obligés à se remettre en question et à appliquer des politiques de gestion hyperactives pour délivrer des performances générées quasi-exclusivement par des plus-values sur les cours des obligations. Lorsqu’un emprunt – le Bund pour ne pas le citer – passe de 0,30% à -0,02%, avec une sensibilité (modified duration) de 9,5, quelle est votre performance? Pas si mal pour un investissement soi-disant inintéressant pour cause de rendement ridicule!  

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