Marchés obligataires 2018: le point à la mi-temps

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

2 minutes de lecture

Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Taux US, l’aplatissement avant l’inversion 

Il y a six mois, peu d’investisseurs auraient misé sur des Fed funds à 2% (fourchette haute), un 10 ans à 2.8% et un 30 ans au-dessous de 3%. La courbe des swaps est déjà inversée sur sa partie très longue et ce phénomène est sur le point de se propager sur la courbe du Trésor US. Il faudra sans doute attendre la prochaine hausse de taux de la Fed, peut-être en septembre, dans un environnement macroéconomique toujours bien orienté qui milite pour deux hausses de taux supplémentaires au cours du second semestre. L’appétit pour les Treasuries semble revenir et bon nombre de banques d’investissement, Morgan Stanley et Citigroup en tête, recommandent de favoriser de nouveau cette classe d’actif. Les alternatives ne sont pas légion. 

Les spreads Investment Grade se sont écartés durant ce premier semestre, d’une vingtaine de points de base pour le CDX 5 ans. En revanche, dans une logique «buy and hold», des opportunités d’investissement sont apparues durant ces deux derniers mois: étant donné que le 2 ans Trésor US a dépassé 2.5% et que le 2 ans swap est au-dessus de 2.8%, il redevient tentant de construire des portefeuilles corporates single A de maturité 2 ans offrant un rendement supérieur à 3%. Enfin, le seul véritable concurrent des Treasuries, c’est le cash! En effet, suite aux récentes hausses de taux de la Fed, avec un Libor 3 mois USD supérieur à 2.3%, le cash est redevenu une classe d’actif à part entière, à considérer dans une période estivale propice aux accidents de volatilité. Même les bons du Trésor US redeviennent intéressants, avec un rendement (certes annualisé) de 1.95%, juste au-dessus du rendement moyen des dividendes du S&P 500.

Bund et périphériques, voies divergentes

Que dire du parcours du Bund? Tout le monde – ou presque - s’attendait à subir une tension du 10 ans allemand de 0.4% à 0.8%, voire 1% sur exagération. Le début d’année semblait donner raison à ce scénario mais après avoir atteint ce fameux 0.8% le 8 février, le Bund a fait fi des prévisions en repartant à la baisse pour atteindre 0.3% fin juin, avec une incursion en-dessous de 0.2% le 29 mai, au plus fort des craintes Ligue du Nord – 5 étoiles en Italie. Trois grandes raisons ont poussé le Bund à ce niveau-là à mi-parcours de cette année 2018. Tout d’abord, le comportement de la courbe des Treasuries US a influencé celui de son homologue allemande. Ensuite, la prudence redoublée de la BCE qui annonce tardivement une feuille de route pour préciser dans la foulée que, compte tenu de la faiblesse de l’inflation en zone euro, celle-ci ne sera peut-être pas mise en œuvre. Enfin, la crise italienne a provoqué un mouvement classique de fuite vers la qualité au profit du Bund. 

Les ETFs font face à des vagues de rachats massifs et c’est tout le marché,
haute qualité comprise, qui voit ses spreads s’écarter.

Cette crise italienne, qui nous a fait oublier (trop?) rapidement que Monsieur Rajoy a pris la porte en Espagne, a provoqué des dégâts: le 2 ans italien est passé, en 6 mois, de -0.25% à 0.70% (2.84% fin mai quand le Bund 10 ans a atteint 0.19%). Dans le même temps, le 10 ans BTP a grimpé «seulement» de 2% à 2.70%, avec un plus haut à 3.44% le 29 mai. Cette volatilité laissera des traces car si dans une logique «buy and hold», des opportunités investissements en BTP ou corporates italiens apparaissent, les gestions actives tenant compte de la volatilité et de la liquidité ne pourront pas se permettre d’être en permanence surpondérées en dette italienne. Toutefois, la BCE peut tout à fait se porter acheteur en dernier recours d’obligations transalpines, remettant à plus tard, pour la bonne cause, l’arrêt de son programme d’achats dans le cadre de sa politique d’assouplissement quantitatif. 

émergents: un semestre à oublier

Cette classe d’actif, qui avait bénéficié jusque-là d’un ajustement des planètes idéal, a brutalement décroché, en ligne avec le plongeon de certaines devises. Les plus spectaculaires contre-performances se sont concentrées sur l’Argentine et la Turquie. Mais la poursuite des sanctions contre la Russie (affaire Rusal), les élections au Mexique, la hausse du dollar, la poursuite de la politique monétaire plus restrictive de la Fed ont semé le trouble. Dans ces cas-là, les ETFs font face à des vagues de rachats massifs et c’est tout le marché, haute qualité comprise, qui voit ses spreads s’écarter.

Nos convictions pour le second semestre
  • Marché US: cash, crédits Investment Grade 2 ans et Treasuries longues
  • Marché euro: credits Investment Grade “out of scope” du QE de la BCE, quelques corporates hybrides et crossovers, Bund 
  • Marchés émergents: Investment Grade et BB+ (crédits et gouvernements) en USD 

A lire aussi...