Le pétrole joue les trouble-fête

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

© Keystone
Le baril à 66 dollars, le 30 ans à 3%  

Le comportement des marchés s’apparente à une équation à plusieurs inconnues et depuis le début de l’année, de nombreuses incertitudes entourent toujours le Brexit, la guerre commerciale mondiale, les ralentissements chinois et européen, les élections européennes, les changements de cap des banques centrales (ainsi que la composition de leurs membres)… Comme si tout cela ne suffisait pas, un invité surprise s’est de nouveau manifesté: le prix du baril de brut. Ce dernier, sur fond de tensions géopolitiques plus ou moins avérées (la Lybie, il y a dix jours était un prétexte), a poursuivi son mouvement de hausse quasi ininterrompue depuis le début de l’année. Sur le premier trimestre, le WTI est passé de 45 dollars à 60 dollars, ce qui n’est pas négligeable du tout. Mais alors que l’on semblait avoir atteint un plafond, la hausse s’est poursuivie en avril et les derniers développements relatifs aux sanctions US contre le pétrole iranien nous font craindre une escalade non maîtrisée.

Par conséquent, alors que les banques centrales continuent d’évoquer une inflation proche de l’objectif de 2% aux Etats-Unis et au-dessous de cet objectif dans la zone euro, les marchés commencent à percevoir des risques sur les CPI avec des indices core toujours stables mais des indices globaux pris d’un accès de fièvre dû à la flambée des matières premières, pétrole en tête. C’est la raison pour laquelle, les breakevens d’inflation US n’ont pratiquement pas baissé alors que les minutes des derniers FOMC auraient pu plaider pour une détente significative.

Cette hausse du prix peut-elle se poursuivre? La réponse est compliquée
car elle contient plus de critères politiques qu’économiques.

Le breakeven à 30 ans se situe toujours aux alentours de 1,98%, proche de l’objectif à long terme de 2% de la Fed. Dans ces conditions, un retour du taux nominal à 30 ans vers 3% est logique, d’autant plus que dans le même temps, le S&P 500 a franchi les 2'900 points. Cette hausse du prix du baril peut-elle se poursuivre? La réponse est très compliquée car elle contient plus de critères politiques qu’économiques. Imaginez la tête de Donald Trump lorsqu’il s’apercevra qu’en voulant punir l’Iran, il donne un coup de pousse à la Russie et au Venezuela! C’est, certes, caricatural mais pas totalement faux.

Comme l’Arabie Saoudite est une pièce maîtresse dans cet échiquier, il va falloir être un fin tacticien politique pour imaginer les scénarios possibles. En attendant, les graphiques nous indiquent que le mouvement haussier pourrait se poursuivre. En analysant la dernière vague de baisse entre le plus haut du 3 octobre dernier (76,90 dollars) et le plus bas du 24 décembre (42,36 dollars), nous avons déjà dépassé le retracement 61,8 à 63,71 dollars. Nous semblons nous diriger tout droit vers le prochain objectif à 68,75 dollars et si nous le franchissons, rien ne s’opposerait à tester de nouveau le niveau du 3 octobre.

Conclusion: à court terme, prudence sur les taux US, surtout sur la partie longue (simplement parce que le risque de perte est plus élevé à cause de l’effet duration). La partie courte risquerait de ne pas être épargnée non plus car toute poussée inflationniste pourrait remettre en cause les récents discours très dovish de la Fed. On reparlerait dans ce cas de hausse de taux d’ici la fin de l’année.

Les banquiers centraux poursuivent leur réflexion sur un sujet brûlant:
comment réduire les dommages collatéraux que subissent les banques?
Détente des taux longs allemands

La fin de semaine dernière a permis aux taux européens de se détendre légèrement à la veille du long week-end de Pâques. Les indices PMI ont été décevants en zone euro, mais également en France et en Allemagne. Ainsi, le Bund 10 ans, qui était retourné à 0,10% dans le sillage de la correction des taux US, a terminé la semaine à 0,02%.

La dernière réunion de la BCE, le 10 avril dernier, a confirmé que la situation économique de la zone euro reste préoccupante et que les banquiers centraux poursuivent leur réflexion sur un sujet brûlant: comment réduire les dommages collatéraux que subissent les banques à cause de la politique de taux négatifs, tout en restant ultra-accommodants? Mario Draghi a admis que les débats n’étaient pas clos et qu’il n’y avait pas unanimité. Super Mario a confirmé que la boîte à outils de la BCE n’était pas vide et que plusieurs options étaient sur la table en cas de nécessité.

Nous persistons à penser que le meilleur moyen serait d’annoncer un QE2, si possible en même temps que les modalités du TLTRO III. Une chose est sûre, les prochaines réunions de la BCE se tiendront sans Peter Praet, chef économiste d’un apport précieux. Quel dommage qu’il n’ait pas la double nationalité belge et américaine, il aurait pu être nommé à la Fed suite au renoncement d’Herman Cain. Plus sérieusement, Peter Praet est une personnalité brillante et attachante qui a fait la quasi-unanimité autour de lui et pour un banquier central, par les temps qui courent, c’est déjà un exploit!

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