Le 10 ans US n’est pas resté longtemps à 2,4%

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

©Keystone
Guerre commerciale, encore et toujours

Cette semaine a été marquée par la poursuite de la guerre commerciale US-Chine. Par conséquent, les marchés de taux se sont très (trop?) bien comportés et nous espérions une légère correction pour augmenter nos positions en durations longues, 10 et 30 ans. Il suffisait pour cela d’une moins mauvaise nouvelle sur le front économique ou politique voire d’un tweet un peu plus conciliant de Donald Trump. Force est de constater qu’à l’heure actuelle, les marchés obligataires restent sourds envers ce genre d’information qui pourrait leur permettre de souffler quelque peu dans cette course effrénée vers les taux bas. 

Par exemple, la décision des Etats-Unis de reporter de six mois la hausse des tarifs douaniers contre le secteur automobile européen et asiatique n’a pas eu l’effet escompté. Hier matin, le fort rebond de la croissance japonaise n’a pas pesé lourd dans la balance face aux conséquences potentiellement désastreuses de l’affaire Huawei. Il faut dire que le risque de contagion à toute la chaîne d’approvisionnement dans le secteur est bien réel. 

Les marchés de taux s’accrochent au scénario de ralentissement mondial,
de faible inflation, de montée des protectionnismes et de craintes géopolitiques.

Autre motif de correction potentielle sur le marché obligataire: l’Opep, via notamment les Saoudiens, a déclaré son intention de maintenir des quotas de production limités afin de soutenir le prix du baril de brut. 

Enfin, le risque politique diminue en Asie-Pacifique avec la victoire miraculeuse des conservateurs en Australie ainsi que le maintien de Monsieur Modi aux commandes de l’Inde. 

Nous avons beau retourner le problème dans tous les sens, les marchés de taux s’accrochent au scénario de ralentissement mondial, de faible inflation, de montée des protectionnismes et de craintes géopolitiques (élections européennes ce week-end, Iran). Dans ces conditions, le taux US Treasury à 5 ans est allé tester les 2,12% alors qu’il s’élevait encore à 2,40% il y a à peine un mois! Nous nous retrouvons à des niveaux bien en-dessous des taux Fed funds (2,5%) et Libor 3 mois (2,52%). 

Une baisse de taux de la Fed est redevenue le scénario le plus plausible et les taux longs lorgnent désormais vers des objectifs beaucoup plus ambitieux avec un taux à 10 ans qui pourrait se retrouver entre 2% et 2,1%. Bien entendu, un tel rally aura besoin d’un événement majeur pour se mettre en place et, sauf accident, cet événement ne pourra être que le retour des indices boursiers sur des niveaux-clés, comme par exemple 2'650 sur le S&P 500. Il reste dix jours aux partisans du «sell in May» pour nous prouver qu’ils ont raison!

Italie et Autriche, meilleurs alliés du Bund

Monsieur Salvini n’en est pas à son coup d’essai mai au cours de la semaine dernière, il a fortement perturbé les marchés avec ses propos sur le respect des critères européens, dont le fameux ratio dette/PIB. Les marchés ont vite réagi et comme toujours, dans de telles circonstances, ce sont les taux courts qui se sont tendus le plus violemment. Le 2 ans BTP est allé tester le niveau de 0,80% alors qu’il culminait à 0,60% mardi dernier (venant de 0,45% en début de mois). 

Nous ne savons pas si le plus inquiétant est le discours de Monsieur Salvini ou le refus catégorique de son allié Di Maio de partager ses opinions sur l’endettement du pays. En effet, en plus de provoquer une fois de plus le courroux de Bruxelles, la coalition risque de ne pas passer l’été, voire le mois si les résultats de dimanche sont décevants. Espérons simplement que les vociférations de Monsieur Salvini n’avaient d’autre objectif que de remobiliser ses troupes à dix jours d’un scrutin majeur. 

La valeur-refuge par excellence,
le Bund, s’est maintenue aux alentours de -0,10%.

L’Autriche était également sous les feux de l’actualité le week-end dernier et la décision du Chancelier de provoquer des élections anticipées rajoute un peu plus d’incertitude à un moment où nous aurions pu nous en passer. Par conséquent, la valeur-refuge par excellence, le Bund, s’est maintenue aux alentours de -0,10%, profitant également de la bonne tenue des taux outre-Atlantique. 

Que faut-il faire aujourd’hui en Europe en termes de stratégie obligataire? Nous avons récemment réinvesti dans des crédits de très bonne qualité que nous nommons CSPP2, autrement dit émetteurs qui figureront dans la liste d’achats du QE2 de la BCE. Nous nous sommes également intéressés aux breakevens d’inflation allemands. 

Nous avons déjà évoqué notre frustration de ne pas trouver sur le marché des US Treasuries de fenêtre de tir sur les TIPS, le breakeven d’inflation US à 30 ans restant invariablement scotché ente 1,9% et 2%. Les investisseurs qui s’intéressent aux Bunds indexés sur l’inflation ont plus de chance: en effet, les breakevens d’inflation à 10 ans et 30 ans s’élèvent respectivement à 1% et 1,3%. Certes, nous sommes les premiers à dire que l’inflation outre-Rhin est (et va rester) faible mais de tels niveaux sur du long terme nous fournissent sans doute des opportunités d’achat. 

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