Le 10 ans US à 10 bp des plus bas

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

2 minutes de lecture

Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Les craintes COVID de retour

Certes, au cours de cette fameuse séance du 9 mars dernier, le rendement du 10 ans Treasury s’était détendu jusqu’à 0,31% mais il avait clôturé à 0,54%. En retournant à 0,64% vendredi soir (niveau qui se maintenait hier), nous sommes de nouveau proche de niveaux de crise. Il aura fallu que le doute s’installe à Wall Street, de nouveau inquiet au sujet de la propagation du coronavirus. Les spreads de crédit se sont stabilisés puis légèrement écartés. Si l’Investment Grade US ne s’est écarté que d’une dizaine de points de base, le High Yield s’est retendu d’une trentaine de bp sur la semaine. Pas (encore) de quoi s’exciter d’autant plus que la Fed confirme être acheteuse de risque. Dans le segment de la dette souveraine, les TIPS ont également participé au rally. Si le 30 ans traditionnel est passé de 1,46% à 1,37% (-9bp), le 30 ans indexé inflation est passé de -0,10% à -0,21% soit 11 bp de détente. Une fois de plus, il était judicieux d’être positionné en TIPS plutôt qu’en taux nominaux. 

Nous avons l’impression que les craintes
d’une deuxième vague de coronavirus seront les plus fortes.

La semaine va être sans doute dominée par les publications demain soir des minutes du dernier FOMC et par les chiffres de l’emploi jeudi (vendredi 3 sera férié pour l’Independance Day). Toutefois, nous avons l’impression que les craintes d’une deuxième vague de coronavirus seront les plus fortes et que certains marchés redouteront un risque de reconfinement, d’autres craignant des mesures de durcissement des relations sociales. Les Etats-Unis sont en première ligne à double titre. Tout d’abord, il s’agit de la première puissance mondiale et les marchés ne peuvent ignorer le comportement de ce leader incontestable. Ensuite, les mesures adoptées ont été moins strictes qu’en Europe et le décalage est flagrant entre la perception du problème par la Maison Blanche et par certains états. La situation en Floride et au Texas, notamment, est un sujet de préoccupation majeur. En tout cas, quoi qu’il arrive dans les jours qui viennent, le temps de l’insouciance et du V-shape recovery semble derrière nous. 

Ces considérations font passer – pour l’instant – l’échéance présidentielle au second plan. Au plus tard à la rentrée de septembre, les marchés devront évaluer le risque de défaite du Président actuel et si son adversaire est bien moins à gauche qu’un Bernie Sanders, il n’en est pas moins Démocrate. Cela signifierait pour Wall Street un chef d’état beaucoup moins business-friendly et des hausses d’impôts pour les entreprises. En théorie, cela devrait militer pour une légère correction des actions et des spreads de crédit mais rien n’est moins sûr puisqu’un mot de Jerome Powell semble suffire à étouffer dans l’œuf toute velléité de baisse du marché.

Gestion active

Dans cet environnement incertain, il faut à la fois gérer la stratégie et la tactique. En ce qui concerne la stratégie, nous militons depuis quelques semaines pour un accroissement de nos investissements en crédits émergents de haute qualité (voir notamment notre chronique de mardi dernier, paragraphe «émergents: le bon moment?»). Nous sommes également à la recherche d’une fenêtre de tir adéquate pour retourner sur le segment des corporates hybrides beaucoup trop chers actuellement. 

Lorsque le doute apparaît, il est plus sage d’augmenter
sa protection et plus cette dernière est initiée tôt, moins elle est chère.

Par conséquent, nous avons mis en œuvre cette stratégie, en faisant d’une pierre deux coups grâce à une perle rare. Nous avons investi dans la dette hybride d’un crédit émergent, et pas n’importe lequel. Depuis plusieurs années, Bimbo (crédit de nationalité mexicaine, noté BBB, secteur de la boulangerie industrielle) fait partie de nos émetteurs préférés. Nous avons pu saisir l’occasion de rentrer dans son obligation hybride call 2023 à un rendement proche de 5,5%. Nous avons également renforcé légèrement notre position en Italie 2029 en dollars à 3%. 

En ce qui concerne la tactique, le retour des craintes et doutes à propos du COVID nous ont amenés à augmenter la duration pure du portefeuille en augmentant une fois de plus l’allocation en 10 ans Treasury. Même si à l’heure actuelle nous n’envisageons pas une forte détente des taux longs US, nous allons sans doute nous rapprocher du fameux 0,54%, clôture du 9 mars. Si l’inquiétude des marchés à l’égard du coronavirus devait grandir, la Fed soutiendrait les marchés, achèterait plus de titres et piloterait la pente de la courbe plus énergiquement. Lorsque le doute apparaît, il est plus sage d’augmenter sa protection et plus cette dernière est initiée tôt, moins elle est chère. Toute médaille a son revers: augmenter la duration aujourd’hui présente le risque d’être trop exposé en cas de très bons chiffres de l’emploi jeudi à 14h30. C’est la raison pour laquelle cette tactique est appliquée à la marge. Ensuite, en cas de statistiques de l’emploi de bonne facture, les spreads de crédit (a fortiori les hybrides) réagiront favorablement. C’est tout l’intérêt d’une gestion balancée risque de duration / risque de crédit à la fois diversifiée et dynamique.

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