La semaine des banques centrales (mais pas seulement)

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Siège de la BCE à Francfort. ©Keystone
266'000 créations d’emplois

Nous avons vécu une semaine agitée sur les taux mais en fin de compte nous avons plutôt traversé une tempête dans un verre d’eau! Le 10 ans US s’est en effet maintenu légèrement au-dessus de 1.80%. Entre-temps, les taux se sont tout d’abord détendus suite à l’annonce par Donald Trump à Londres, en marge du sommet de l’OTAN, que l’accord commercial avec les Chinois serait probablement signé en 2020, sans doute après l’élection présidentielle. Le 10 ans Treasury est descendu jusqu’à 1,69% et le 30 ans a atteint 2,14% au plus bas. Au cours de la semaine, la crainte d’une telle extrémité, alors que les marchés s’attendaient à l’annonce imminente de la signature du premier volet de l’accord, a diminué petit à petit et les marchés obligataires ont légèrement corrigé leurs excès dans le sillage de marchés actions euphoriques. Ils ont même vu rouge dans l’après-midi de vendredi après la publication des chiffres de l’emploi. 

Depuis quelques semaines, nous nous préparons
à un éventuel retour du 10 ans vers 2%, sur exagération.

Avec 266'000 créations d’emplois, contre 180'000 attendues, le chiffre du mois précédent révisé de +128'000 à +156'000, un taux de chômage qui redescend à 3,5%, une inflation salariale à +3,1%, dans un passé pas si lointain, les taux longs auraient fortement décroché! On a eu droit, certes, à une correction mais le 10 ans est «seulement» passé de 1,79% à 1,86% pour redescendre à 1,81% au cours de la séance d’hier. Depuis quelques semaines, nous nous préparons à un éventuel retour du 10 ans vers 2%, sur exagération, suite à un événement exceptionnel (accord Chine-US, statistique économique meilleure qu’attendue…). La séance de vendredi aurait pu (aurait dû?) être l’occasion d’aller tester ce niveau mais visiblement les taux longs refusent de monter.

La Fed demain, la BCE jeudi

Demain soir, les taux Fed funds s’afficheront sans nul doute à 1,50%-1,75%. Le suspense a disparu depuis bien longtemps et les marchés estiment désormais que la première baisse de taux de 2020 (l’unique pour certains…) aura lieu au cours du deuxième trimestre. Le ton qu’adoptera Jerome Powell lors de son intervention sera donc l’unique sujet d’intérêt, mis à part un hommage appuyé à Paul Volcker. 

Le bras de fer FOMC-taux longs est toujours engagé
et perdurera sans doute tout au long du premier trimestre.

La plupart des banques d’investissement estiment que si le ton est dovish, les taux finiront l’année plus ou moins sur les niveaux actuels mais que si la Fed durcit son discours, nous aurons droit à un steepening de courbe avec correction des taux longs. Nous estimons que tout comportement hawkish de la Fed déclenchera tôt ou tard un flattening. Les taux longs ne croient pas que la banque centrale américaine a le choix de pouvoir faire une pause. 

A chaque velléité de Monsieur Powell d’infléchir son discours, le 10 ans et le 30 ans lui répondent par une détente. Le bras de fer FOMC-taux longs est toujours engagé et perdurera sans doute tout au long du premier trimestre. 

Du côté de la BCE, ce sera le véritable baptême du feu pour Christine Lagarde. Nous attendrons sa prise de parole avec curiosité. Certains indicateurs économiques, de plus en plus nombreux sauf en Allemagne, semblent indiquer un léger redressement de l’économie européenne ou tout du moins l’arrêt de la dégradation. Par conséquent, Madame Lagarde va se retrouver devant un dilemme. Va-t-elle mentionner avec insistance ces améliorations? Dans ce cas, elle risquera de prendre à revers les marchés qui s’attendent au maintien, voire à l’amplification, d’une politique monétaire ultra-accommodante. De plus, elle devra justifier avec plus de difficultés pourquoi elle réclame tant l’aide des gouvernements de la zone euro pour prendre le relais de la BCE dans la lutte contre la «japonisation» de l’économie européenne. Par conséquent, il ne serait pas étonnant que la nouvelle Présidente de la BCE insiste sur les points faibles plutôt que sur les améliorations afin de laisser la porte ouverte à des politiques volontaristes pour sortir le vieux continent de son marasme actuel.

élections au Royaume-Uni et guerre commerciale

Une fois passés les deux comités de banques centrales, nous ne serons pas encore tout à fait en trêve de Noël. Nous reparlerons de Brexit jeudi à l’occasion du scrutin électoral majeur qui attend les Britanniques. Un des grands sujets d’inquiétudes de 2019 ne trouvera pas son épilogue après-demain mais nous saurons sans doute un peu mieux ce qui risque de se passer dans les semaines qui viennent. Enfin, n’oublions pas que théoriquement, Washington peut enclencher le 15 décembre une nouvelle série de sanctions douanières contre des biens chinois pas encore taxés si aucun accord n’a été trouvé avant cette date-butoir. Il serait surprenant que l’administration Trump relance la guerre de cette manière mais nous ne pouvons rien exclure. Il sera temps, alors, de songer à la trêve de fin d’année!     

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