Faiblesse des obligations high yield: un risque pour les CLO?

Elena Rinaldi, TwentyFour Asset Management

3 minutes de lecture

L’endroit où l'on se situe dans la structure du capital est déterminant.

Ce lundi, mes confrères du bureau de négociation des obligations multi-secteur de TwentyFour ont publié un blog sur la montée du risque de défaut dans le domaine du crédit à haut rendement. Dummen Orange, Douglas, Boparan, Moby, Galapagos et CMC Ravenna figurent parmi les noms de titres détenus dans des fonds de prêt et dans des portefeuilles CLO qui, de toute évidence, subissent actuellement de fortes pressions et se négocient à un escompte important.

Une hausse potentielle des taux de défaut devrait-elle inquiéter les investisseurs en CLO? Pour répondre brièvement: cela dépend de l’endroit où l'on se situe dans la structure du capital.

Prenons l’exemple de la société italienne CMC Ravenna, principalement en raison de la détérioration extrêmement rapide et prononcée de son crédit. Lundi dernier, le prix au comptant des obligations 2022 et 2023 de ce groupe de construction a plongé respectivement à 14 et 13, soit une chute de 80% par rapport au mois précédent, après l’annonce par la société qu’elle ne paierait pas le prochain coupon dû sur l’obligation 2023 en raison de «problèmes de trésorerie».

Le degré de sérénité avec lequel
un investisseur lit les gros titres est différent
selon qu'il a investi dans la dette ou dans la composante actions des CLO.

Ces positions ne sont détenues que par deux gestionnaires de CLO sur leur plateforme, à savoir Accunia et GLG. À l’évidence, la reprise attendue est nettement moins bonne que les 60-80% que nous avons pu observer traditionnellement dans ce secteur. La dette CMC est non garantie de premier rang – alors que normalement, les CLO nécessitent un minimum de 90% de dette garantie – et ses difficultés démontrent pourquoi la reprise peut varier considérablement au sein du secteur du crédit à haut rendement.

Bien évidemment, rien de tout cela n’est de bon augure, mais le degré de sérénité avec lequel un investisseur lit ces gros titres est différent selon qu'il a investi dans la dette ou dans la composante actions des CLO.

Premièrement, à l’intention de ceux qui ne connaissent pas les produits CLO, il convient de préciser que ces structures comportent différents tests de couverture (tests de surdimensionnement portant sur la valeur nominale) à chaque niveau de tranche. Ces tests constituent en quelque sorte l’exigence minimale en matière de soutien au crédit pour les investisseurs dans des titres de dette. Si ce test échoue, le produit des intérêts qui aurait servi à payer les intérêts sur les actions et les autres titres doit être réaffecté et utilisé pour le rachat des tranches notées, ce qui a pour effet de raccourcir la durée de la transaction. Généralement, à la clôture, une tranche d’actions B individuelles offrira un coussin de 4% entre le seuil de déclenchement et le niveau réel de soutien au crédit.

L’avantage d’une exposition à des obligations à haut rendement
via un produit structuré comme les CLO est énorme
par rapport à une exposition directe à ces titres.

Prenons comme exemple le CLO GLG 2, qui a une exposition de 1% à CMC. En cas de défaillance de la société, le test de surdimensionnement portant sur la valeur nominale chuterait d’environ un point, ce qui est insuffisant pour que le seuil de déclenchement soit atteint, compte tenu du coussin de 4% sur la tranche d’actions B individuelles. Le CLO nécessiterait au moins une position de 6% dans ce type de titres avec une valeur de marché ou un taux de recouvrement très faible pour que les investisseurs dans des titres de dette subissent des retards dans le paiement des intérêts ainsi que, le cas échéant, un remboursement anticipé. En revanche, avec l’exposition actuelle de 1%, un détenteur d’actions serait à même d’absorber l’intégralité de la perte qui serait une réduction de 9% de la valeur des actions.

Il faut à présent entrer dans des détails un peu plus techniques, mais qui ont leur importance: en cas de défaillance de CMC et des quatre autres sociétés en difficulté mentionnées plus haut, la perte globale subie s'élèverait déjà à 4% la première année. Si, en plus de cela, l'on ajoute un scénario de base comportant un taux annuel de défaut de 2% ainsi que, pour faire bonne mesure, une flambée des prix durant les deux prochaines années, nous obtenons les résultats suivants:

Tranche Base (CDR de 2% – RR de 70%) CDR de 2% pendant 2 ans, puis hausse de 4% du CDR – RR de 60% CDR de 2% pendant 2ans, puis hausse de 5% du CDR – RR de 50%
BB Pas de report du paiement des intérêts, recouvrement du capital de 100% Pas de report du paiement des intérêts, recouvrement du capital de 100% Pas de report du paiement des intérêts, recouvrement du capital de 100%
B Pas de report du paiement des intérêts, recouvrement du capital de 100% Paiement des intérêts reporté, paiements d’intérêts reçus à raison de 100%, recouvrement du capital de 100% Paiement des intérêts reporté, paiements d’intérêts reçus à raison de 100%, recouvrement du capital de 100%
Actions Recouvrement total de 65% (recouvrement des fonds propres de 27% + paiements excédentaires de 38%) Recouvrement total de 45% (recouvrement des fonds propres de 23% + paiements excédentaires de 22%) Recouvrement total de 25% (recouvrement des fonds propres de 8% + paiements excédentaires de 17%)
Taux de défaut cumulé sur 4 ans 9% 13% 15%
* sur la base d’une échéance dans 4 ans et d’une valeur de 100% dans le fonds, sans refinancement à l’échéance.

 

Les résultats présentés ci-dessus montrent qu’il est vraiment difficile d’investir dans ce type d’actions, même dans le scénario de base. Mais comparons ce qui est comparable: l’avantage découlant d’une exposition à des obligations à haut rendement via un produit structuré comme les CLO est énorme, si on le compare à une exposition directe à ces titres, même sans effet de levier. La perte sans effet de levier s’élèverait à 6,5% dans le scénario de base et à environ 13% dans le cas de figure baissier.

Chez TwentyFour, nous continuons de croire que la sélection du gestionnaire et la documentation permettant d'évaluer la dette supportée par une entreprise constituent des éléments clés à cette étape du cycle du crédit. Nous ne pensons pas que les rendements ajustés aux risques dans les actions de CLO soient convaincants si on les compare à la détention de titres de créance cotés présentant des rendements potentiels similaires, mais avec l’avantage supplémentaire d’une subordination de la dette offrant une protection en cas de repli.

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