Do you speak ma…Chine?

Harry Haller

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Les actions domestiques chinoises – 8'000 milliards de dollars – se prêtent assurément à une gestion systématique. Pour un alpha algorithmique.

Fondamentaux, évolution macroéconomique, flux de capitaux, dynamique concurrentielle, qualité du management et fluctuations de l’offre et de la demande, pour les investisseurs, ces déterminants de la génération d’alpha ne changent pas. En revanche, la manière d’appréhender ces déterminants se trouve profondément modifiée par l’utilisation des informations qui peuvent être extraites des mégadonnées (big data), une utilisation qui peut permettre d’accéder à de nouvelles sources d’alpha. C’est ce que semble démontrer Rui Zhao, gérante de fonds et membre du groupe Systematic Active Equity de BlackRock, qui arpente depuis cinq ans le marché chinois des actions «A» avec tous les outils de la révolution numérique qui vont de l’apprentissage automatique (machine learning) au traitement automatique du langage naturel en passant par au traitement des données issues des médias sociaux ou de l’analyse des images satellite.

«Nous pensons que la capacité à analyser un nombre croissant de données complexes sera la clef du succès des investissements à l’avenir», affirme la gérante qui ajoute que «la Chine est un terrain particulièrement propice pour l’exploitation de mégadonnées». En effet, outre sa taille remarquable et son évolution rapide, ce marché est riche en données. Ainsi, BlackRock disposait chaque mois d’un millier d’avis émis par les entreprises, de 10'000 rapports de courtiers (30'000 aux Etats-Unis mais 5'000 au Japon) et les flux de nouvelles sur les actions se montaient à 100'000. Il recensait sur les blogs plus de 2 millions de messages (à comparer avec 50'000 sur Yahoo! aux Etats-Unis).

Cette avalanche de données peut être mise à profit pour identifier les actions qui possèdent des fondamentaux attrayants, celles dont les cours sont soutenus par un sentiment favorable ainsi que celles qui devraient bénéficier des tendances macro-économiques actuelles. Par exemple, grâce au décryptage des images satellite, il est possible pour un investisseur de voir les activités au sol sans être sur place. L’activité industrielle étant importante pour l’économie chinoise, un accroissement de cette dernière est potentiellement porteur pour les entreprises concernées et donc pour les cours de leurs actions.

Sur le marché chinois, la compréhension du sentiment des investisseurs individuels qui sont à l’origine de quelque 80% des transactions, est cruciale. L’analyse des informations que ces derniers partagent sur les réseaux sociaux représente donc une source d’alpha intéressante, d’autant plus que leur sentiment peut assez nettement diverger de celui des courtiers. Cette analyse a par exemple permis de constater qu’une activité extrême sur les blogs signale généralement un changement de tendance ou encore qu’un sentiment positif constant se traduit par une surperformance du titre concerné.

L’approche systématique paraît d’autant plus importante que le marché des actions domestiques chinoise évolue rapidement. Difficilement accessible jusqu’à l’introduction du programme Stock Connect en 2014, il est dorénavant beaucoup plus ouvert, les investisseurs institutionnels pouvant traiter plus de 1’300 actions cotées à Shanghai et Shenzhen via la plate-forme qui les relie à la bourse de Hong Kong. De plus, les suspensions de cotation sont devenues beaucoup moins fréquentes car davantage réglementées depuis le krach de 2015. Ces évolutions ont amené le fournisseur d’indices MSCI à décider d’inclure le MSCI China A Shares dans l’indice émergent global à hauteur de 70 points de base (222 titres) en 2018. Ainsi, 5% du marché des actions domestiques chinoises de catégorie A seront pris en compte cette année, mais ce ratio augmentera au cours des dix prochaines années, à mesure que le marché intérieur continuera de s'ouvrir. Il est donc probable que le marché des actions domestiques chinoises prenne une place plus importante dans les portefeuilles. Au vu de la part insignifiante des investisseurs étrangers à ce marché, elle est inférieure à 3%, les spécialistes de BlackRock estiment que le flux de capitaux en direction de ces actions (A-shares) pourrait être de l’ordre de 100 à 200 milliards de dollars une fois que toutes les actions seront incluses dans l’indice MSCI.