Apple disséquée

Econopolis

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Le jeudi 2 août 2018 à 11h48 (à New York), le groupe californien est devenu la première entreprise à valoir mille milliard de dollars. 

C’est une pluie de zéros qui est tombée sur Apple la semaine dernière. Douze pour être précis. Le jeudi 2 août 2018 à 11h48 (heure de New York), le groupe californien est devenu la première entreprise à valoir 1 billion de dollars (865 milliards d’euros). Econopolis détient des actions Apple depuis juillet 2016. Analyse d’un succès durable…

Le bang des FAANG
On le sait, Apple a été fondé en 1986 dans un garage par Steve Jobs et Steve Wozniak – qui n’avaient pas 30 ans à l’époque – et le quadragénaire Ronald Wayne. Lequel a vendu les 10% d’actions qu’il détenait deux jours plus tard, pour 800 dollars. Elles auraient valu 82 milliards aujourd’hui…

Apple doit-elle son succès, non prévu par le cofondateur Wayne, à ses produits ? À sa politique financière ? À son historique ? Ou à ses investisseurs ? Une petite analyse d’Apple, membre éminent du FAANG (Facebook, Amazon, Apple, Netflix, et Google, filiale d’Alphabet). Un simple regard à l’indice Standard&Poor’s 500 permet de saisir toute l’importance de ce petit club aujourd’hui. Bien que ... chacun de ces « géants » ne se porte pas aussi bien…

Tous les géants technologiques ne sont pas aussi performants

Pendant un temps, les géants de l’industrie technologique ont fait figure de valeurs refuge en période de tensions commerciales. Mais tous n’apparaissent pas aussi solides. Les entreprises de médias sociaux Facebook et Twitter éprouvent plus de difficultés à maintenir leur rythme de croissance, en particulier Twitter qui génère trop peu de revenus publicitaires. Netflix est confrontée à des frais de production énormes. L’entreprise produit des séries et des films en masse et à un rythme record pour préserver son leadership dans le paysage du streaming. Une stratégie dangereuse.

Amazon, en revanche, se porte très bien et semble extrêmement solide, mais présente un inconvénient pour les petits investisseurs: l’action se négocie au prix élevé d’environ 1900 dollars. Ces dernières années, l’entreprise est devenue un mastodonte avec un chiffre d’affaires d’environ 235 milliards de dollars attendu pour 2018. La croissance rapide de ces dernières années est le fruit d’une vaste diversification, dont la plus réussie est Amazon Web Services. D’autres entreprises comme Microsoft et IBM ont également sauté dans le wagon des services cloud, mais c’est Amazon qui récolte – de loin – le plus de succès dans ce segment. Et pourtant, ce n’est pas Amazon, mais Apple qui a franchi le premier le seuil magique des 1000 milliards de dollars!

Chers, mais appréciés

Au soir de sa première séance de cotation en 1980, Apple valait déjà 1,7 milliard de dollars. C’était l’entrée en Bourse la plus réussie depuis celle de Ford en 1956. Et c’est donc aujourd’hui la première entreprise américaine à atteindre une valeur boursière de 1000 milliards de dollars. Certes, l’entreprise pétrolière chinoise PetroChina a été le premier fonds boursier à franchir cette barrière magique en 2007. Mais l’action s’est rapidement effondrée par la suite. Un scénario qui est peu probable pour Apple. Mais la question reste: en quoi Apple a-t-elle une longueur d’avance?

Rapidement, on a pu noter une constante chez Apple : l’entreprise lance des produits technologiques innovants qui se démarquent par leur design et leur convivialité. Ce qui lui permettait d’atteindre plus aisément le grand public – et donc pas nécessairement des gens très au fait des évolutions technologiques ou des professionnels. Un tour de force, car les produits Apple sont plutôt chers.

C’est en particulier le cas du produit phare de l’entreprise, l’iPhone lancé en 2007. Son règne n’est certainement pas terminé. Certes, le marché du smartphone semble arriver à saturation. Mais l’iPhone (versions 8 et X) continue à se porter génialement bien. Même sur des marchés inattendus à première vue comme la Chine et le Japon. Au dernier trimestre, la Chine a pris à son compte 18% des ventes totales de smartphones Apple. Apple a même enregistré une progression étonnante de ses parts de marché en Chine l’an dernier. Surtout en comparaison avec le leader du  marché local, Huawei.

Financièrement durable

Les consommateurs du monde entier continuent à apprécier le design, la convivialité et surtout l’image Apple, malgré le prix élevé des produits. Les investisseurs aussi restent fans d’Apple.

Warren Buffett – qui détenait plus de 165 millions d’actions Apple fin 2017 – a racheté 75 millions d’actions au premier trimestre ; un signal fort pour le marché. Si Apple semble un si bon investissement pour Buffett, c’est en grande partie à mettre au crédit de son CEO Tim Cook. Avec une déclaration comme « If you want me to do things only for return-on-investment reasons, you should get out of this stock » (Si vous voulez que je fasse des choses uniquement pour le retour sur investissement, vendez vos actions), il a indiqué clairement dès 2014 qu’il privilégierait la durabilité.

Sous Tim Cook, la valeur de l’entreprise que lui a laissée son prédécesseur Steve Jobs a doublé. Depuis 2014, Apple distribue un dividende stable. Mais les investisseurs apprécient encore plus les 54 milliards de dollars dépensés en rachats d’actions propres ces neuf derniers mois. Les investisseurs adorent les stratégies de ce type. Et le plan de Cook – racheter pour 100 milliards de dollars d’actions propres, soit 12% des actions en circulation ! – doit encore être exécuté à 90%!

Ajoutez-y le fait que l’entreprise a enregistré une croissance à « deux chiffres » pour le quatrième trimestre d’affilée. Apple est fondée sur un modèle financier très intelligent. C’est l’exemple ultime d’« asset light company ». L’accent est placé sur les cash-flows plutôt que sur les bénéfices rapides. Sa chaîne d’approvisionnement intelligente fait d’Apple un générateur de liquidités extrêmement efficace.

Un arrière-goût amer?

Econopolis détient des actions Apple depuis juillet 2016. Sur cette période, elle a enregistré un gain de plus de 50% par rapport à l’indice Nasdaq. On peut cependant se demander si de tels résultats sont durables.

Apple réalise des marges bénéficiaires d’environ 25%; un chiffre qui évoque plutôt le secteur du luxe que la technologie. Certes, le consommateur ne semble pas s’effrayer des prix élevés des produits, mais il ne restera naturellement fidèle à la marque que si la technologie évolue avec son temps, voire en avance sur son temps. Apple repose sur un écosystème robuste, mais la concurrence ne reste naturellement pas les bras croisés. Elle doit donc continuer à investir dans la technologie, et c’est ce qu’elle fait activement.

Par ailleurs, Apple est exposée à un ralentissement de la croissance économique générale parce que sa croissance provient moins d’une augmentation des ventes d’iPhone que des prix de l’iPhone 8 et surtout de l’iPhone X, nettement plus élevés que ceux de leurs prédécesseurs. Bien entendu, une entreprise ne peut pas augmenter éternellement ses tarifs. Reste à savoir quelles nouveautés Tim Cook sortira de ses manches toujours retroussées lors de sa Key Note de septembre… et donc ce que nous aurons sous de nombreux sapins à la fin de l’année!