1,70%-1,90%, le yoyo du 10 ans US

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

© Keystone
Désescalade

Bonne nouvelle: les occidentaux craignaient une vengeance meurtrière après la mort du Général Soleimani mais l’Iran a opté pour une réplique modérée et aucune victime américaine n’est à déplorer. Les marchés ont donc poussé un ouf de soulagement et ont poursuivi leur marche en avant, tentant au passage de démontrer que finalement, les arbres montent peut-être jusqu’au ciel. Les taux US ont donc été chahutés tout au long de la semaine, évoluant dans un couloir assez large, entre 1,70% touchés mercredi matin et 1,90% atteints jeudi après-midi, en fonction du risque d’escalade ou de désescalade. La tension est redescendue de plusieurs crans mais elle est toujours palpable, raison pour laquelle les marchés obligataires n’ont pas non plus connu de sell-off. Les marchés de crédit continuent sur leur lancée de 2019 en ce début d’année, tirés par l’euphorie boursière. Par conséquent, les spreads sont devenus très chers: le CDX Investment Grade a atteint son plus bas historique à 44 bp en fin de semaine. Il s’élevait à 79 douze mois plus tôt. Si le high yield est toujours prisé par les investisseurs, le segment noté CCC montre d’inquiétants signes de faiblesse, délivrant un message contradictoire avec celui des actions et des spreads de qualité. Les plus optimistes (voire inconscients?) y verront l’affirmation d’une dichotomie entre les entreprises à risque de défaut élevé et les autres. Les plus prudents, dont nous faisons partie, penseront plutôt à l’histoire du canari dans la mine de charbon. Quoiqu’il en soit, se mettre long crédit à 44 de spread, ce qui équivaut à peu près à un rendement moyen de 2,1% pour une maturité de 5 ans, est un pari risqué. En Europe, l’indice iTraxx s’élève également à 44 et se rapproche de son niveau record de 43 de janvier 2018. Dans ce cas précis, nous sommes plus constructifs: la BCE poursuit et va poursuivre son programme d’achats d’actifs, maintenant les spreads Investment Grade du vieux continent dans une dynamique positive. En revanche, mieux vaut ne pas trop s’attarder sur le rendement puisque ce spread de 44 équivaut à un taux de 0,30% sur 5 ans…  

Pourquoi le plein emploi ne génère-t-il pas plus d’inflation salariale
et pourquoi cette inflation salariale ne fait pas plus grimper le CPI?
Chiffres de l’emploi: toujours au top

Vendredi après-midi, le 10 ans US s’est détendu, passant de 1,85% à 1,81% après la publication des chiffres de l’emploi de décembre. Avec 145'000 emplois créés, en léger retrait par rapport aux attentes mais succédant à un 256'000 excellent en novembre, le taux de chômage s’est maintenu fin 2019 à 3,5%. La croissance des salaires a fini l’année à 2,9%, au-dessous des attentes du marché, responsable sans aucun doute de cette mini-détente du taux à 10 ans. Cela restera un des grands mystères de l’année 2019, que la Fed essaie d’élucider sans succès: pourquoi le plein emploi ne génère-t-il pas plus d’inflation salariale et pourquoi cette inflation salariale ne fait pas plus grimper le CPI? Bon nombre d’observateurs pointent du doigt que ces chiffres de l’emploi vont conforter la Fed dans sa politique de statuquo monétaire. Certains se sont même aventurés à expliquer que l’inflation étant un non-sujet, la Fed peut éventuellement se prononcer prochainement pour une hausse de taux sans problème. Nous restons extrêmement prudents et n’avons pas encore pris l’initiative de remonter la duration de nos portefeuilles après avoir coupé les positions longues mi-décembre. Si nos convictions à moyen terme sont inchangées, les statistiques économiques, l’appétit pour le risque et les différents commentaires qui vont un peu dans tous les sens nous incitent à ne pas prendre de paris trop marqués dans notre gestion du risque de duration. Un passage du 10 ans au-dessus de 2%, voire vers 2,25% n’est pas exclu dans les semaines qui viennent. Ce serait une opportunité d’achat mais en attendant, en maintenant notre duration su le niveau modeste de fin 2019, nous adoptons l’attitude de la Fed: le statuquo!

Trade deal et Brexit, on en reparle quand?

Cette semaine devrait marquer la signature du premier volet de l’accord commercial sino-américain. Depuis le temps que nous l’attendions, cet événement devrait pousser les marchés actions (et les taux US) un peu plus haut mais la nouvelle est sans doute déjà dans les prix et Donald Trump a révélé que les volets suivants seraient plutôt signés après sa réélection. Nous allons donc suivre ce premier pas avec attention, sans oublier le retour de la procédure de destitution (après la parenthèse du conflit avec l’Iran). Il sera temps aussi de se pencher de nouveau sur le Brexit, que les marchés semblent avoir oublié. Le mois de janvier promet d’être encore long et semé d’embûches!

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