Volatilité dans le secteur bancaire

Felipe Villarroel, TwentyFour

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Les banques centrales ont les outils pour gérer la volatilité dans le secteur bancaire.

© Keystone

La volatilité se poursuit dans le secteur bancaire, et donc dans la plupart des classes d’actifs. La situation des banques régionales américaines reste instable, mais nous pensons que la solution pourrait venir d’une action coordonnée des banques centrales pour raffermir la confiance dans le système. La problématique à laquelle les banques européennes et les grandes banques américaines sont actuellement confrontées est en effet la confiance. Ce n’est pas le capital, ce n’est pas une augmentation des prêts non performants (NPL) et ce ne sont pas non plus les faibles ratios de liquidité. Les consommateurs sont inquiets car ils voient certaines banques faire faillite: ils se demandent donc s’il y aura un effet de contagion à d’autres banques, et s’ils devraient ou non retirer leurs avoirs en dépôt ou vendre leurs actions bancaires. La mission des banques centrales étant de préserver la stabilité financière, voici les trois questions qui se posent.

Les banques centrales pensent-elles devoir agir?

La semaine dernière, Jerome Powell a entamé la conférence de presse de la Fed par une mise au point au sujet du secteur bancaire. Voici ce qu’il a déclaré: «Au cours des deux dernières semaines, de graves difficultés sont apparues pour un petit nombre de banques. L’histoire nous a montré que les problèmes bancaires isolés, s’ils ne sont pas traités, peuvent saper la confiance dans les banques saines et menacer la capacité du système bancaire dans son ensemble à jouer son rôle crucial, à savoir soutenir l’épargne et le besoin de crédit des ménages et des entreprises.» Il a ensuite expliqué les mesures décisives prises jusqu’à présent en coordination avec le Trésor, qui incluent notamment les lignes de liquidité annoncées il y a quelques jours. En résumé, la Fed (et le Trésor) ont bien reconnu l'existence d’un problème touchant un petit nombre de banques et la nécessité de s’y attaquer, de sorte qu’ils ont déjà pris des mesures en conséquence. Ils ont également souligné qu’ils étaient prêts à étendre ces mesures et à en prendre d’autres si nécessaire.

Les problèmes rencontrés par certaines banques ces dernières semaines sont isolés.
Les banques centrales ont-elles les bons outils?

Après l’expérience de 2008 et le Covid en 2020, nous estimons que les banques centrales ont à leur disposition assez d’outils pour remédier aux difficultés localisées dans le système bancaire. La BCE dispose d’innombrables facilités de trésorerie qu’elle a créées au fil des ans et auxquelles elle n’a parfois même pas eu besoin de recourir à grande échelle, leur simple annonce ayant suffi à rassurer les marchés. Outre le QE, ces instruments englobent aussi les LTRO ou encore le dispositif ELA (fourniture de liquidité d’urgence). L’histoire montre également que les banques centrales ont la flexibilité requise pour créer de nouveaux outils adaptés à la résolution de problèmes spécifiques. De son côté, la Fed vient tout juste de créer une nouvelle facilité de prêt d’une durée maximale d’un an en échange de garanties éligibles évaluées au pair à des fins d’opérations repo. Concrètement, si une banque a des pertes non réalisées sur un bon du Trésor à 10 ans dans son portefeuille d’obligations détenues jusqu’à l’échéance (‘Held to Maturity’ - HTM), elle peut se procurer des liquidités en l’utilisant comme garantie sans subir de décote. Étant donné qu’une partie du problème des banques régionales américaines réside justement dans les pertes non réalisées au sein des portefeuilles HTM, cela montre à quel point les nouvelles facilités peuvent être flexibles et conçues sur mesure.

Ces outils sont-ils suffisants?

La réponse à cette question dépend de la nature exacte du problème. La qualité de crédit du secteur bancaire s’est-elle fondamentalement détériorée? Les notes de crédit résument bien l’évolution des ratios financiers au fil du temps. Si nous regardons la façon dont les notes de Moody’s ont évolué ces dernières années pour les valeurs financières d’Europe de l’Ouest, nous constatons que le nombre de notes relevées a dépassé celui des notes dégradées chaque année durant la décennie écoulée, à l’exception de 2020. En d’autres termes, la qualité de crédit des financières d’Europe de l’Ouest a tendance à s’améliorer depuis près de 10 ans. Selon les rapports de Moody’s, le secteur compte 2,45 notes relevées pour une note dégradée depuis le début de l’année. On pourrait exprimer un doute sur le fait que les outils des banques centrales suffisent à protéger un secteur bancaire sous-capitalisé ou confronté à de graves problèmes de NPL, mais rien ne nous semble le corroborer. En conséquence, il devrait être plus facile et moins cher d’agir rapidement, à grande échelle et de manière coordonnée afin de parvenir à résoudre ces problèmes bancaires isolés auxquels Jerome Powell faisait référence il y a quelques jours sans ébranler la confiance à l’égard des banques saines.

En conclusion, il ne fait certes aucun doute que les enjeux sont élevés, mais nous sommes convaincus que les problèmes rencontrés par certaines banques ces dernières semaines sont isolés; selon nous, les banques centrales ont la volonté et les outils nécessaires pour en venir à bout et empêcher l’effet de contagion qui semble lié à la confiance davantage qu’à des problèmes fondamentaux dans l’ensemble du secteur bancaire. Dans ce contexte, nous ne serions pas surpris qu’une action coordonnée soit annoncée cette semaine.

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