Vigilance sur le sustainability washing

Salima Barragan

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«Une approche constructive, critique et sélective est nécessaire pour éviter le risque de 'sustainability washing'», estime Jean-Philippe Desmartin.

© Keystone

Partis d’une initiative macro-économique s’adressant d’abord aux Etats, les Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations Unies atteignent la sphère micro-économique. Cette année, les entreprises ont entrepris d’importants efforts afin d’adresser ces objectifs. Mais, selon Jean-Philippe Desmartin, Directeur de l’investissement responsable d’Edmond de Rothschild Asset Management, il faut rester vigilant sur le risque de «sustainability washing», qui se matérialise par une posture marketing au sein de certaines entreprises ne correspondant pas à une réelle démarche de durabilité.

Une hiérarchisation des ODD

Les ODD sont nés d’un dialogue entre les Nations Unies et les 200 Etats de la planète. D’ici 2030, les Etats impliqués vont contribuer aux 17 objectifs sociaux et environnementaux des Nations Unies. Ils recouvrent des domaines aussi différents que le changement climatique, l’éducation, la réduction des inégalités, la justice ou la paix.

Aujourd’hui, 15% des investisseurs intègrent de façon sérieuse
le développement durable dans leurs investissements.

Un nombre croissant d’acteurs privés, entreprises comme investisseurs, sont également sollicités et y contribuent. Mais les entreprises ne peuvent pas prendre en compte tous ces objectifs et doivent choisir lesquels intégrer dans leur stratégie. «La plupart des entreprises cotées s’efforcent de répondre aux objectifs de développements durables, mais il est difficile de se positionner sur certains objectifs comme la justice ou la paix. Toutes les entreprises sont concernées par l’éthique, la gouvernance, l‘égalité hommes-femmes mais la réduction de la faim et de la malnutrition se reflète dans la stratégie d’environ 20% d’entre elles, qui opèrent principalement dans les domaines des filières agricoles, de l’agroalimentaire et de l’alimentation et cela dans certaines zones géographiques comme l’Afrique ou l’Asie du Sud», explique Jean-Philippe Desmartin. Par exemple, les secteurs directement concernés par les risques changement climatique sont en priorité les utilities, l’acier, l’énergie, le transport ou le ciment. La thématique de l’eau sera davantage importante pour le secteur agricole qui utilise 70% des ressources mondiales de l’or bleu.

Ainsi, il incombe aux investisseurs de réfléchir à comment réduire les risques et orienter les flux de leurs placements vers les opportunités en actions ou obligations corporates comme souveraines et hiérarchiser les priorités.

Vers un risque de «sustainability washing»?

Depuis 2000, la finance durable a gagné en visibilité. «A l’époque, ce thème était marginal, 0,1% environ des actifs gérés, mais aujourd’hui, 15% des investisseurs intègrent de façon sérieuse le développement durable dans leurs investissements», observe Jean-Philippe Desmartin, optimiste sur la montée en puissance de l’Investissement responsable, et qui estime que d’ici l’horizon 2030, près de 30% du marché de la gestion sera durable. «Dans un certain nombre de sujets, nous arrivons à un sentiment d’urgence par rapport à certaines décisions, comme un screening des portefeuilles par rapport aux enjeux climat de l’accord global de Paris», explique le spécialiste.

Bien que les ODD constituent pour la décennie à venir un fort levier d’action et d’impact positif en matière de développement durable, Jean-Philippe Desmartin estime que nous ne sommes pas pour autant à l’abri d’une désillusion si l’on n’y prend pas garde: «À titre d’exemple, un producteur de bière indique une contribution positive à l’objectif de réduction de la famine dans le monde,  difficilement réalisable pour un producteur d’alcool». Face à ces travers, Jean-Philippe Desmartin redouble de vigilance dans les détails de la communication des entreprises. Sous pression, ces dernières tentent d’intégrer un maximum d’objectifs et certaines exploitent cette thématique à des fins marketing. «Très peu d’entreprises communiquent sur les contributions négatives, alors que dans nos analyses, on en voit», déplore le spécialiste. De même, certaines agences de notation extra-financière analysent des univers d’actions en se concentrant uniquement sur les contributions positives sans intégrer le risque de contributions négatives. Or, c’est le solde net des contributions positives et négatives qui compte.

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