Vigilance requise sur le front des débiteurs

George Curtis, TwentyFour AM

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Même si le taux de défaut des obligations à haut rendement vient à doubler en 2020, l’investisseur n’aura aucune raison de céder à la panique.

©Keystone

Le taux de défaut sur le marché européen des obligations à haut rendement est resté relativement stable cette année et il est difficile de prévoir son évolution, d’autant plus que les achats d’actifs de la BCE continuent de lui servir de soutien. On peut néanmoins affirmer avec une certaine conviction que le taux de défaut a dépassé son point le plus bas de ce cycle et qu’il devrait remonter en 2020. L’ampleur de sa progression dépendra de différents facteurs et en particulier des perspectives de croissance en Europe. Cependant, il est déjà possible d’identifier les secteurs problématiques, de repérer les éventuelles lignes de faille et d’anticiper des mesures de protection pour les investisseurs.

La question du renouvellement des emprunts européens à haut rendement n’est
pas préoccupante, la majorité des échéances se situant en 2023 au plus tôt.
Une grande inconnue: les liquidités

En général, les entreprises se trouvent acculées à la faillite pour deux raisons: soit elles sont dans l’incapacité de renouveler un emprunt arrivé à échéance (qu'il s'agisse d'une obligation, d'un prêt à terme ou d'une facilité de crédit renouvelable), soit leurs liquidités sont insuffisantes et les entreprises ne sont pas en mesure de payer les intérêts de leurs emprunts, voire de faire face à leurs dépenses courantes. Ces dernières années, les conditions de refinancement ont été quasiment idéales pour les émetteurs, si bien que la question du renouvellement des emprunts européens à haut rendement n’est nullement préoccupante, la majorité des échéances se situant en 2023 au plus tôt. 

Le problème le plus immédiat pourrait être celui des liquidités dont disposent les entreprises. Il convient donc de lui accorder toute son attention et de s'interroger sur les points suivants: quel est le profil de trésorerie des entreprises? Quelle est la proportion de liquidités réellement disponibles? L’emprunteur a-t-il accès à des lignes de crédits renouvelables? Ces derniers sont-ils fermes ou la banque créditrice a-t-elle la possibilité de les bloquer si l’entreprise se trouve en difficulté? Toutes ces questions doivent être posées et traitées trimestre après trimestre, en particulier pour les obligations dont la notation est B ou inférieure à B. 

Petites marges, gros leviers

Sur le segment du haut rendement, la plupart des accidents surviennent dans la catégorie de notation CCC. Sur le plan financier, la marge de manœuvre des entreprises dotées d’une telle notation est évidemment étroite, voire très étroite. Selon Fitch, leurs marges bénéficiaires (avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement), sont en moyenne de 6,9% contre 14,1% pour les débiteurs européens notés B- et de 19% pour ceux notés B. De plus, les débiteurs notés CCC affichent un levier brut moyen de 8 fois (contre 4,9 fois pour ceux notés B-) et leur marge de free cash-flow se situe à environ -2,5%, ce qui signifie que le débiteur CCC moyen peut se trouver dans l’incapacité de dégager suffisamment de liquidités pour maintenir sa structure déjà endettée. Moody’s relève d’ailleurs que lors de ses tests de liquidité plus de 60% des entreprises du segment CCC n’obtiennent que des notes médiocres, alors que cette proportion descend à 4% lorsque les tests portent sur le segment des entreprises notées B-.

Des coupons de 10% et plus

Tous ces éléments incitent à la prudence vis-à-vis des obligations CCC. Bien que leur proportion dans l’indice européen des obligations à haut rendement soit minime (environ 6%), ces obligations représentent néanmoins un montant conséquent qui correspond à une valeur nominale de l’ordre de 20 milliards d’euros. Le cours moyen des obligations CCC de l'indice s’établit à d'environ 88,75 et le niveau moyen de leurs pires rendements (yield to worst) se situe à 9,7%. 

Un coût que la plupart des débiteurs CCC
ne seraient pas en mesure de supporter.

Ces titres se traitent donc déjà avec une décote importante par rapport au pair, ce qui implique que les débiteurs CCC devraient offrir un coupon de 10% ou plus pour parvenir à se refinancer. Or il s’agit d’un coût que la plupart d’entre eux ne seraient pas en mesure de supporter (au vu des cash-flows négatifs dont nous avons déjà fait état ci-dessus et qui s’ajoutent à une charge d’intérêt accrue). Cela explique également pourquoi les emprunts les plus mal notés peinent à trouver preneur en fin de cycle. 

Pour revenir à la question initiale de l’évolution possible du taux de défaut des obligations européennes à haut rendement l’année prochaine, la réponse est qu’une forte progression du taux de défaut, voire son doublement en 2020, ne devrait pas être une surprise pour les investisseurs. Cette évolution ne serait en aucun cas suffisante pour déclencher une panique. Moody’s estime en effet que le taux de défaut actuel sur 12 mois est de 1,2% pour le haut rendement européen alors que sa moyenne historique se situe à 3,2%. La forte hausse du taux de défaut sera néanmoins une raison suffisante pour redoubler de vigilance vis-à-vis des débiteurs de l’univers du haut rendement.

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