Vers une devise BRICS?

Thomas Adelson, IG Bank

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Le sommet 2023 des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), qui aura lieu du 22 au 24 août, a fait couler de l’encre concernant la possible création d’une monnaie commune.

Dans le cadre du sommet des BRICS fin août, la question de la création d'une monnaie commune entre les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) soulève de nombreuses interrogations sur le futur équilibre géopolitique mondial.

Comprendre le principe de la monnaie BRICS

Le sommet 2023 des BRICS qui aura lieu du 22 au 24 août a fait couler de l’encre concernant la possible création d’une monnaie commune entre les BRICS.

Cette idée vient d’un constant simple: 88% des transactions internationales se font actuellement en dollars, alors que les BRICS représentent actuellement 31% du PIB, soit plus que les pays du G7 (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni) réunis.

Principales devises utilisées pour les trades FX

Source: Bis.org, 2022 Triennial Central Bank Survey

N.B.: Il s'agit de paires de devises, chaque patte est représentée, raison pour laquelle la somme dépasse 100%.

Cette situation engendre pour les BRICS plusieurs inconvénients: premièrement, les Etats-Unis sont maîtres de leur monnaie et peuvent par conséquent utiliser le dollar comme une arme de sanction. On a notamment vu l’utilisation contre la Russie, lui interdisant les transactions en dollar, forçant la fédération à trouver des alternatives au billet vert.

Cette dépendance au dollar signifie également que les BRICS sont exposés aux politiques monétaires et budgétaires des Etats-Unis.

L’idée semble donc sur le papier relativement simple: permettre à ces pays de ne plus avoir à déprendre des Etats-Unis pour leurs échanges commerciaux.

Retour à l’étalon or?

Pour mieux comprendre le principe d'une monnaie adossée à l'or, nous allons voir quelles seraient les différentes étapes pour mettre en place cette monnaie commune.

Dans un premier temps, le cours de la devise serait fixé par rapport à un poids en or.

Les pays utilisant cette monnaie commune constitueraient ensuite des réserves en or, afin d’assurer la convertibilité de la devise en fonction des réserves d’or de chaque pays.

Cela permettrait de limiter la quantité de monnaie en circulation, dépendant des réserves d’or de chaque pays, laissant la banque centrale de chaque État libre de poursuivre sa propre politique monétaire.

Réserves d’or en tonnes des BRICS

Source: World Gold Council

Il s’agirait donc d’une différence fondamentale avec l’euro qui doté de la BCE voit une politique monétaire unique pour tous les membres l’ayant adopté, impactant de ce fait les politiques budgétaires des états membres.

Des limitations évidentes

Malgré un narratif qui semble attrayant, plusieurs points rendent peu probable une adoption immédiate.

Le premier obstacle semble être la grande disparité entre les états composant les BRICS. De par leurs systèmes politiques tout d’abord, allant de l’autoritarisme à la démocratie mais également par leur appétit concernant les matières premières.

La Chine et l’Inde sont principalement importateurs tandis que le Brésil et la Russie sont de gros exportateurs. Cela signifierait que les pays importateurs devraient réinjecter de l’or afin de le convertir en monnaie commune pour acheter de matières premières, tandis que les pays exportateurs accumuleraient de la monnaie commune en vendant leurs matières premières. Cela poserait donc une question sur le long terme quant à la convertibilité de la devise.

Le deuxième point est l'asymétrie de l'économie chinoise par rapport aux autres membres, dont le PIB est plus de deux fois supérieur à la somme des autres Etats membres. Cela créerait une association dans laquelle la Chine serait la puissance dominante, tandis que les autres membres pourraient être relégués au rang de satellites.

Enfin, le volume d’échange entre BRICS reste encore aujourd’hui relativement modeste (cf tableau ci-dessous) A titre de comparaison les exportations intra-Union Européenne étaient de 360 milliards en 2022.

Volume d’échange entre les différents BRICS

Source: Silkroad Briefing, UN Comtrade 2021

D'un point de vue plus global, une adoption généralisée nécessiterait de gagner la confiance des utilisateurs, qui bénéficient aujourd'hui d'un marché liquide et standardisé grâce au dollar, dont la convertibilité est assurée. La question se pose également concernant le marché des futures permettant de se couvrir sur les matières premières, qui se traitent principalement en dollar.

Conclusion

Le sommet des BRICS à Johannesburg sera très intéressant à suivre, compte tenu du contexte géopolitique actuel.

Bien qu'il semble y avoir une volonté commune des Etats membres de devenir moins dépendants du dollar, la solution ne semble pas à portée de main.

La position dominante de la Chine au sein du groupe pourrait entraîner les BRICS dans un bras de fer entre les deux mastodontes que sont les États-Unis et la Chine.

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