Vers une convergence généralisée des taux

Peter De Coensel, Degroof Petercam Asset Management

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L’effort mené conjointement sur les fronts monétaires et budgétaires commence à porter ses fruits, mais la vigilance reste de mise.

Les banques centrales des marchés émergents continuent de réduire leurs taux directeurs, alors que celles de la plupart des marchés développés ont déjà quasiment épuisé leur marge de baisse. Elles se trouvent en quelque sorte contraintes de signifier aux acteurs du marché que leurs taux se maintiendront au niveau actuel ces prochaines années. Pour la Fed, l’horizon retenu semble être 2023. Pour la BCE, les indicateurs de marché montrent qu’elle ne devrait pas modifier ses taux avant 2026.

Par ailleurs, les mesures mises en place à la suite de la crise montrent que l’engagement des autorités est non seulement monétaire, mais aussi budgétaire. Le maintien de la politique d’assouplissement quantitatif permettra aux gouvernements de financer leurs déficits massifs tout en facilitant l’accès au crédit pour les entreprises. Les effets de cette puissante conjugaison des efforts ont déjà commencé à se faire sentir.

Les zinzins mis à l’écart

Les taux d’intérêt des emprunts d’Etat des marchés développés se trouvent sur une trajectoire de convergence durable. Les programmes d’achats d’actifs, du fait de leur ampleur, placent les banques centrales dans une position dominante pour l’achat de duration. Par conséquent, pour les emprunts d’Etat, le «flottant» ne cesse de s’amenuiser. Le maintien de la politique d’assouplissement quantitatif amènera la Fed, la BCE et la Banque d’Angleterre à détenir une part de 35 à 50% des emprunts d’Etat en circulation. Cette tendance est tout à fait claire: elle aura pour conséquence d’écarter les investisseurs institutionnels du marché.

Les rendements des obligations d'État
néo-zélandaises et australiennes à 10 ans sont intéressants.

L’appétit pour la dette gouvernementale de qualité se propage sur l’ensemble des marchés. Ces quatre derniers mois, la convergence des taux a été assez nette sur le 10 ans qui se situe dans une fourchette de -50 à 100 points de base (pb) pour les marchés développés. A l’avenir, cet écart de 150 pb devrait encore se réduire. 

Les rendements des obligations d'État néo-zélandaises et australiennes à 10 ans à respectivement, 92 et 85 pb, sont intéressants. Et pour les investisseurs internationaux, les 10 ans américains et canadiens à respectivement 64 et 50 pb continuent d’offrir une bonne protection. En comparaison, les rendements des emprunts d’Etat à 10 ans des pays les plus solides de l'UEM paraissent maigres (-15 pb pour la France et la Belgique à -50 pb pour l'Allemagne et la Suisse). Les seules exceptions dans ce paysage de faibles rémunérations sont souvent des pays caractérisés par un environnement politique incertain: Italie (1,28%), Corée du Sud (1,30%), Pologne (1,35%) et Hongrie (2,05%).

Finie la spéculation intra-européenne?

Durant ces trois dernières semaines, les emprunts d’Etat de l’UEM ont réalisé de belles performances (+ 1,75%) et ils terminent ce premier semestre avec une hausse d’environ 2% depuis le début de l’année. Si l’on s’en tient au scénario central, il ne devrait plus y avoir de crises de la dette souveraine en Europe. En effet, l’entente franco-allemande et le soutien général apporté aux propositions de la Commission européenne (budget pluriannuel accru pour l’UE et financement conjoint d'un fonds de relance de l'UE) sont des éléments clés qui permettent de contrecarrer toute tendance à la divergence des taux, telle que nous les avons connues durant ces douze dernières années.

Dans l’ensemble, les investisseurs taux fixes
ont su tirer leur épingle du jeu au premier semestre.

La BCE et les différents dirigeants politiques de l’UEM ont envoyé un signal clair aux spéculateurs : leurs actions potentielles seront contrées au moyen des achats d’actifs et par la solidarité fiscale entre les différents pays. La baisse des tensions au niveau des différentiels de taux qui interviendra ces prochaines années pourrait s’apparenter à ce qui a été observé durant la seconde partie des années 1990, lorsque la spéculation sur les différentes monnaies nationales de l’UE avait progressivement diminué.

Les investisseurs en obligations de l'UEM devront accepter le ralentissement de la progression de leur capital, mais ils pourront néanmoins apprécier les rendements positifs émanant de courbes de rendement nationales toujours relativement pentues. 

Dans l’ensemble, les investisseurs taux fixes ont su tirer leur épingle du jeu au premier semestre, malgré le choc systémique provoqué par le coronavirus. Cependant, le chemin de la reprise sera encore long et pavé d’incertitudes. Les marchés financiers continueront d’être soutenus par les mesures mises en place tant au niveau monétaire que budgétaire, mais ce soutien pourrait parfois ne pas suffire. C’est la raison pour laquelle les portefeuilles doivent être élaborés avec le plus grand soin, en sélectionnant les Etats et les entreprises qui présentent de solides bilans.

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