Vérités déplaisantes sur la fiscalité française

Bruno Cavalier, ODDO BHF

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La protestation fiscale des «gilets jaunes» illustre l’impasse où se trouve la France, réduite à faire des arbitrages entre catégories de contribuables.

© Keystone

Paradoxe? Les entreprises signalent une stabilisation du climat des affaires à un niveau associé à une croissance tendancielle. Les ménages eux sont de plus en plus déprimés. On peut penser que leur morosité exagère la détérioration réelle des conditions économiques. La protestation fiscale des «gilets jaunes» illustre l’impasse où se trouve la France, réduite à faire des arbitrages entre catégories de contribuables ou entre générations (grâce à la dette), sans jamais s’attaquer au problème de fond: le niveau des prélèvements obligatoires, et donc, le niveau de la dépense publique et le rôle de l’État dans l’économie.

C’était en 2013, un Ministre des finances socialiste disait comprendre le «ras-le bol» des Français au sujet du niveau des prélèvements obligatoires. À l’époque, la contestation fiscale était coiffée d’un «bonnet rouge», elle porte aujourd’hui un «gilet jaune». Depuis lors, le ministre est devenu Commissaire européen chargé de faire respecter les règles budgétaires au sein de l’UE. La pression fiscale en France, elle, n’a pas baissé (graphe de gauche). La vérité est qu’elle ne peut pas baisser tant qu’il n’y aura pas un effort soutenu de réduction des dépenses publiques. Rien n’indique que ce soit une priorité du gouvernement. Ce n’est même pas une réclamation des «gilets jaunes».

Les 20% situés au bas de la répartition des niveaux
de vie ont gagné environ 4% de revenu disponible.

Chaque réforme fiscale revient à répartir différemment la charge entre catégories de la population, non à réduire le niveau général de l’imposition. Qui sont les gagnants et les perdants de ces tours de passe-passe? L’INSEE donne des éléments de réponse dans le Portrait Social 2018 de la France qui vient de paraître. Un chapitre porte sur les réformes sociales et fiscales menées de 2008 à 2016. Il conclut à une réduction des inégalités. Les 20% situés au bas de la répartition des niveaux de vie ont gagné environ 4% de revenu disponible, l’équivalent de 650 euros en moyenne. Pour les ménages appartenant aux 35% les plus aisés, le revenu disponible a été amputé de 1900 euros. Pour le top 5%, la perte est de 5640 euros, ou 5,1% du revenu disponible. Les réformes des prélèvements de 2017 (sous Macron) n’ont eu aucun impact sur les inégalités de niveau de vie. Comme il n’est pas question de nier le mécontentement des classes moyennes, fortement représentées chez les «gilets jaunes», c’est qu’on a créé un système fiscal absurde où les «riches» sont toujours davantage pressurés sans que les «pauvres» n’y trouvent le moindre avantage (ou, du moins, ils ne le perçoivent pas).

Dans ces conditions, les ménages ont le moral en berne, au plus bas depuis près de quatre ans. Selon l’INSEE, ils revoient en baisse les perspectives d’emploi, leur niveau de vie futur, leurs intentions de dépense (graphe de droite). On a franchement du mal à réconcilier cet état de morosité avec les fondamentaux, mais quoi qu’il en soit, cela signale un risque baissier à court terme sur leur appétit de dépenses.

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