Une accalmie de courte durée?

Axel Botte, Ostrum AM

3 minutes de lecture

Les marchés veulent croire à une trêve dans la guerre commerciale Chine/Etats-Unis et rêvent du retour du put de la Fed.

L’issue du G20 a été perçue positivement par les marchés. La hausse des tarifs douaniers américains prévue le 1er janvier est reportée. Les actions amplifient ainsi le rebond consécutif au discours de Jerome Powell en milieu de semaine dernière.  

Le corollaire de ce mouvement haussier commun à la plupart des actifs risqués est une baisse du dollar, notamment vis-à-vis des devises des pays émergents. Le réal et le peso mexicain gagnent 2% sur la semaine. Les spreads émergents se resserrent sous le seuil de 400pb. L’embellie sur les marchés profite aussi à la dette italienne dont le spread à 10 ans diminue vers 285pb. Les spreads français sont inchangés.  

Les marchés de taux restent bien orientés.

Le crédit obligataire est en retard de performance malgré le net resserrement des spreads sur les indices synthétiques. L’iTraxx Crossover s’échange sous le niveau de 330pb. Les marchés de taux restent bien orientés: le Bund cote 0,31% et le rendement américain à 10 ans s’échange juste au-dessus de 3%.  

Enfin, l’intention affichée par l’Arabie Saoudite et la Russise de réduire de nouveau la production d’or noir provoque un sursaut des prix du pétrole. Cela contribue à une stabilisation des points morts d’inflation.

Marché des CDS: ITraxx IG (pb)
Le marché du crédit reste lourd au début de décembre malgré le regain d’intérêt sur les actifs risqués. L’indice iTraxx du marché des CDS s’échange à 79pb actuellement en léger resserrement depuis les points hauts de fin novembre. Les obligations d’entreprise cotent à un spread moyen de l’ordre de 98pb contre swap. Les bancaires attendent l’annonce de la BCE au sujet d’un éventuel TLTRO en 2019.

 

Les marchés veulent croire à une trêve 

La hausse du marché des actions observée la semaine passée semble répondre aux signaux de détente monétaire aux Etats-Unis et de trêve dans la guerre commerciale opposant la Chine aux Etats-Unis. Cette lecture des derniers développements nous parait cependant incomplète voire erronée. 

Jerome Powell s’exprimait au sujet de l’approche de la Fed en matière de surveillance des risques d’instabilité financière. Le paragraphe consacré à la situation conjoncturelle laisse transparaitre un certain optimisme. La politique monétaire est brièvement évoquée. Une phrase tronquée semble à l’origine d’importants rachats d’actions, notamment sur les marchés émergents. Les gestions algorithmiques ont sans doute exacerbé le mouvement. Les médias ont rapporté que Jerome Powell avait indiqué que les taux étaient «juste au-dessous» de la neutralité, suggérant une pause dans le cycle de resserrement à brève échéance. Plus précisément, le président de la Fed juge que les taux se situent juste en-dessous d’une «large» fourchette d’estimations du taux neutre pour l’économie. La veille, Richard Clarida, gouverneur de la Fed, estimait que la neutralité se situait entre 2,5 et 3,5%. 

La Fed craint peut-être une résurgence de la guerre des monnaies.

Il n’est donc pas évident que le message de Jerome Powell soit incompatible avec la poursuite du cycle de relèvement des taux inscrit dans les projections du FOMC. Le président de la Fed visait peut-être Mario Draghi qui s’exprimera le 13 décembre prochain. La baisse de la croissance en zone euro, l’inertie de l’inflation sous-jacente, la situation des banques et le Brexit constituent des arguments en faveur de la «prudence» pour la BCE. La Fed craint peut-être une résurgence de la guerre des monnaies alors que l’euro (1,13 dollar) s’est déjà fortement ajusté à la baisse. L’issue du G20 est également plus incertaine qu’il n’y parait. La hausse du 1er janvier n’aura pas lieu mais les négociateurs américains conditionnent désormais l’évolution des tarifs douaniers à un accord commercial sous 90 jours. Les chinois ne font pas mention de l’ultimatum mais indiquent des discussions en vue d’un accord de libre-échange global. En outre, la reprise immédiate des achats de denrées agricoles américaines ou la lutte contre les transferts de technologie forcés ne trouvent aucun écho du côté des autorités chinoises.  

Rebond fragile des marchés d’actions 

Le regain d’intérêt pour les marchés d’actions semble davantage traduire des couvertures de positions vendeuses qu’un réel retournement de tendance. L’automobile ne participe pas au rebond de près de 5% du S&P 500 aux Etats-Unis. Les pertes enregistrées par les constructeurs américains, malgré des ventes de véhicules record aux Etats-Unis, illustrent les effets néfastes des mesures protectionnistes de l’Administration Trump. Cela met aussi une pression particulière sur les entreprises allemandes en visite à la Maison Blanche cette semaine. Les cours boursiers des constructeurs européens perdaient encore 3,5% la semaine passée après une année particulièrement difficile. 

La situation britannique se reflète dans la forte pentification
du spread 10-30 ans sur le marché du Gilt.

Sur les marchés de taux, le discours de Jerome Powell a provoqué un rally portant le taux à 10 ans américain brièvement sous le seuil de 3%. Certes, la croissance américaine milite pour des rendements plus élevés mais le risque de shutdown et l’issue du vote sur l’accord de Brexit au Parlement britannique prévu le 11 décembre pourraient déclencher des achats de Treasuries. La neutralité en sensibilité traduit une position d’attente. La situation britannique se reflète dans la forte pentification du spread 10-30 ans sur le marché du Gilt. L’écart de rendement a doublé depuis mi-octobre à 70pb aujourd’hui. La probabilité d’un rejet de l’accord défendu par Theresa May engendre des craintes sur la capacité du pays à se financer sur le long terme. En zone euro, le marché reste cadré par les bornes d’une fourchette 0,30-0,50%. Une accélération baissière n’est pas à exclure mais la neutralité est maintenue cette semaine. Le BTP profite du rebond des actifs risqués et des déclarations d’intention de Giuseppe Conte au sujet du déficit. Là aussi, l’optimisme des intervenants apparait à contre-courant de la décélération marquée de l’activité en Italie et des difficultés d’accès au marché du Trésor.

Le marché du crédit sans relief 

Le resserrement des indices synthétiques (-20pb lundi sur l’iTraxx Crossover), souvent plus réactifs au sentiment des investisseurs en actions, est à l’opposé de la lourdeur du marché des obligations d’entreprises. La dégradation des spreads des sociétés investment grade s’est accélérée depuis le début du mois de novembre. Le spread moyen cote 98pb contre swap alors qu’en janvier l’écart n’était que de 35pb. La profondeur du marché se réduit à mesure que les teneurs de marché diminuent leurs positions, conscients des effets d’affichage en fin d’exercice annuel. Les flux finaux vers la classe d’actifs restent très limités.  

Sur le plan sectoriel, les obligations subordonnées assurantielles continuent de sous-performer le marché du crédit dans son ensemble. Le secteur de l’énergie, en retrait sur le mois novembre, bénéficiera sans doute des annonces préfigurant une réduction de l’offre de l’OPEP élargie. Les déclarations d’intention de l’Arabie Saoudite et de la Russie ont permis un rebond de l’or noir au-dessus de 50 dollars (WTI). Cela étant, la reprise de la production de pétrole de schiste risque de recréer un excès d’offre significatif. En 2016, un excédent d’1,5mn barils par jour avait engendré un plongeon des prix sous 30 dollars. La stabilisation des prix pourrait s’avérer de courte durée. Les spreads émergents se détendent également. L’indice EMBI Global Diversified ressort à 395pb. Les devises latino-américaines fortement chahutées ces dernières semaines se redressent. Le réal reprend 2,6% à 3,80 et le peso cote sous 20,30.

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