Un monde en perte d’équilibre – Prévisions de Saxo Bank

Communiqué, Saxo Bank

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«Dans un contexte de désendettement sous l’effet de la panique, la formule «l’argent comptant est roi» refait surface», déclare Steen Jakobsen de Saxo Bank.

Saxo Bank, spécialiste du trading et de l’investissement en ligne, a publié aujourd’hui ses prévisions pour le deuxième trimestre 2020 pour les marchés mondiaux, ainsi que ses principales idées de trading concernant les actions, le marché des changes, les devises, les matières premières, les obligations et toute une série de thèmes macroéconomiques centraux ayant un impact sur les portefeuilles des clients.

«L’épidémie de coronavirus a déclenché trois grandes impulsions macroéconomiques: une crise mondiale de la demande, une crise mondiale de l’offre et une guerre du pétrole qui a poussé les cours à leurs niveaux les plus bas depuis des années. Ce dernier rebondissement va mener à une énorme destruction de capital et, bientôt, à un chômage structurel», déclare Steen Jakobsen, économiste en chef et CIO de Saxo Bank.

«Le triple coup porté à l’économie mondiale garantit une année 2020 perdue sur le plan économique, et les dirigeants politiques devront lever tous les freins afin d’empêcher une forte récession mondiale. La perturbation actuelle relègue déjà aux oubliettes le chaos de 2008 sur certains marchés, alors que nous nous retrouvons soudain dans une période où certains marchés peuvent gagner ou perdre plus en un jour que pendant toute une année, symboles de l’illiquidité actuelle des marchés. Dans un contexte de désendettement sous l’effet de la panique, la formule «l’argent comptant est roi» refait surface. Les fonds, les banques, les investisseurs et mêmes les sociétés sont soudain témoins non seulement d’une spectaculaire dépréciation de la valeur des actifs, mais aussi des variations de corrélation spectaculaires entre les portefeuilles, tout comme des fluctuations au niveau des pertes et profits. Pendant ce temps, les banques centrales tentent de fournir rapidement leur «soutien» sous la forme de baisses de taux et d’apport de liquidités. Pour une société ou un fonds dépendant du crédit pour une partie de ses opérations, cela peut être utile au niveau du futur coût de financement du passif. Mais cela n’aide en rien le cours de l’action ou le coût du crédit du côté de l’actif, provoquant des ventes considérables d’actifs souvent très peu liquides afin de se désendetter. Ce cycle est encore pire que ceux que nous avons connus auparavant, parce que la faiblesse et la négativité des rendements ont provoqué une «chasse au rendement» qui pousse les acteurs du marché à prendre encore plus de risques et à s’intéresser aux actifs financiers extrêmement illiquides, comme le private equity et le crédit aux entreprises à haut risque. Nous sommes donc maintenant dans un contexte de détermination des prix, qui va entraîner une volatilité beaucoup plus élevée et une remise en cause des modèles d’évaluation du private equity et des autres actifs à haut risque fondés sur des taux d’intérêt bas, l’intervention des banques centrales et l’hypothèse quelque peu naïve d’une augmentation infinie des multiples. Le choc auquel nous assistons en ce premier trimestre va bouleverser le paysage de l’investissement et la tolérance au risque jusqu’en 2021. Il va aussi faire passer le modèle d’allocation à long terme d’une répartition obligations/actions 60/40 à une couverture proprement dite, par l’exposition aux matières premières et une volatilité longue.»

Dans ce contexte de montée de la crise du COVID-19, voici les principales idées et principaux thèmes de trading de Saxo Bank pour le deuxième trimestre.

Les perspectives pour les actions n’ont jamais été aussi sombres depuis 2008

La crise actuelle survient juste après la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine qui a perturbé la demande et ralenti la croissance l’année dernière. Nous vivons actuellement une crise de l’offre et de la demande, ainsi qu’une guerre des prix du pétrole entre la Russie et l’Arabie Saoudite qui menace de peser lourdement sur les investissements mondiaux. Les actions devraient souffrir et, dans le scénario le plus pessimiste, le S&P 500 pourrait tomber à 1600.

Peter Garnry, chef stratégiste en actions, explique: «Les cours des actions reflétant les perspectives d’avenir et de croissance, ils sont les plus sensibles à la crise actuelle. Les investisseurs veulent à tout prix liquider et encaisser leurs profits après des années de vaches grasses. Les pandémies mondiales de ce genre étant très rares, tous les modèles de prévision de PIB sont à jeter par la fenêtre, et les spectaculaires confinements européens, associés à la possibilité de voir le COVID-19 devenir saisonnier, signifient que l’impact pourrait être plus fort et plus long que prévu. Nous nous trouvons dans une phase où les dirigeants politiques vont fortement stimuler l’économie, par divers programmes de prêt gouvernementaux et la prolongation des délais de paiement des impôts. Les deux baisses de la Fed, inspirées par la panique et qui ont fait passer le taux directeur à 0,25%, vont inciter les autres grandes banques centrales à se rapprocher encore davantage du zéro. Selon nous, toutes ces mesures pourraient profiter au climat et aux cours des actifs, mais avec la publication des chiffres de l’activité économique, les investisseurs vont se rendre compte qu’il en faut plus, et les marchés des actions vont rechuter. Au final, l’économie aura été assez stimulée pour préserver l’équilibre, mais les actions auront atteint des planchers.»

Le grand redémarrage nous guette, et prendra fin quand le dollar aura atteint son pic

La crise du COVID-19 est très différente de la crise financière mondiale de 2008. Au lieu de se produire dans un contexte de relative faiblesse du dollar et de liquidité extrême des devises, elle survient cette fois en pleine vigueur du dollar, avec des niveaux de liquidité plus faibles. Notre opinion est que nous aurons besoin d’une baisse du billet vert pour mettre fin à la chute des actions et du risque.

John Hardy, chef stratégiste Opérations de change, commente: «Le déclencheur de cette crise du crédit est bien sûr l’épidémie de coronavirus, mais la gravité des répercussions est le résultat d’une financiarisation du système mondial que l’effet de levier et les assouplissements quantitatifs utilisés pour calmer la crise précédente ont rendu incroyablement fragile. Il faudra donc peut-être au moins quelques trimestres pour atteindre un plancher durant ce cycle de marché et un plafond pour le dollar, même si les gouvernements agissent avec plus de détermination que nous ne leur en avons jamais connu. Concernant la crise financière mondiale, le médicament consistera cette fois davantage bien plus en un «hélicoptère» monétaire qu’en des assouplissements quantitatifs. Le PIB réel mettra peut-être du temps à s’en remettre, mais l’hélicoptère monétaire va aider le PIB nominal à faire tôt ou tard un retour tonitruant. Un signe encourageant est que les investisseurs à long terme savent que les crises représentent les meilleures opportunités pour ceux qui ont des liquidités en réserve, et les six à douze prochains mois vont apporter énormément de valeur à divers actifs survendus, à diverses régions et à leurs devises. Les marchés des devises devraient passer en phase de reprise en U, avec un plancher agité en 2021. Les pressions et moteurs actuels sont très différents de ceux du passé récent et d’avant 2008, lorsque le carry et les flux d’investissement attiraient toute l’attention du système financier mondial.»

Les matières premières attendent un soutien fiscal massif

Il est probable que l’impact sur les cours de la baisse considérable de la demande en certaines matières premières clés – du pétrole brut aux métaux industriels en passant par certains produits agricoles – retienne toute l’attention au cours du second trimestre. Vraisemblablement, si l’épidémie de coronavirus se poursuit, les perspectives d’offre seront également perturbées.

Ole Hansen, chef stratégiste en matières premières, commente: «Les mineurs et producteurs vont peut-être commencer à ressentir l’impact des réductions de personnel et des ruptures de la chaîne d’approvisionnement. L’impact de la baisse des prix des combustibles se ressent de l’agriculture à la mine, car elle fait baisser les coûts de production, mais avec les risques potentiels pesant sur l’offre, certains marchés pourraient trouver du soutien plus tôt que ne le laissent entendre les perspectives de la demande.»

  • Pétrole – «L’effet le plus important a jusqu’à présent été constaté dans le secteur de l’énergie. La combinaison de la forte croissance de l’offre des pays hors OPEP et de la perspective d’affaiblissement de la demande mondiale a entraîné une rupture inévitable de la coopération de l’OPEP+ le 6 mars. En outre, l’aggravation de la crise du COVID-19 a depuis fait passer le Brent brut à son niveau le plus bas depuis 18 ans.
    Malgré l’agitation des marchés, étant donné que la plupart des producteurs de pétrole vendent actuellement à un cours bien inférieur à la rentabilité budgétaire, le marché finira par se ressaisir à mesure que le virus va se replier ou nous constaterons une baisse significative des entreprises de production pétrolières ayant des coûts élevés, dans des pays comme les États-Unis ou le Brésil.
  • Or – «L’échec de l’or à se reprendre, alors que le COVID-19 et l’incertitude économique se répandaient n’a pas été sans rappeler la crise financière de 2008. Au début de celle-ci, les investisseurs ont vendu tous leurs actifs pour encaisser leurs revenus ou payer leurs dettes. Dans les premières semaines, l’or a subi une liquidation de 27%, tombant à 725 dollars l’once, avant d’entamer une remontée qui l’a amené à 1920 dollars l’once.
    Nous sommes d’avis que les raisons à long terme pour détenir de l’or ont été renforcées par la situation actuelle. Alors que les taux d’intérêt officiels ont été réduits, les rendements des obligations d’entreprise ont gagné du terrain, et les rendements réels américains à 10 ans ont fortement augmenté en réponse à des perspectives d’inflation nettement revues à la baisse.
Démographie: la pièce manquante

La crise actuelle se produit juste avant un changement démographique d’importance, puisque les babyboomers prennent leur retraite dans un contexte de problèmes structurels du système financier mondial. Cela pourrait signifier que les impacts économiques du COVID-19 pourraient se faire sentir plus longtemps que et contribuer à la fin du règne du marché haussier.

Christopher Dembik, chef analyste en macroéconomie, commente: «À l’ère du coronavirus, les gouvernements sont prêts à faire «tout ce qu’il faudra» pour atténuer la crise. Nous passons du «sauvetage des banques» en 2008 au «sauvetage des PME et de tout le reste» en 2020. L’énorme stimulus fiscal qui arrive va probablement accroître la pression inflationniste dans les mois à venir. Contrairement à l’opinion générale, nous doutons que la crise du coronavirus soit temporaire. Nous pensons que le COVID-19, allié à certains facteurs démographiques, va provoquer la fin du règne du marché haussier. Selon nous, la démographie est l’indicateur suprême de l’évolution de l’économie et des marchés au cours des prochaines décennies. Le départ à la retraite des baby-boomers va avoir lieu au pire moment pour les places boursières, alors que d’autres facteurs structurels affectent déjà les perspectives macroéconomiques. Les politiques monétaires souples, par exemple, ont fortement augmenté les ratios dette/PIB, qui se situent à présent à des niveaux insoutenables, et détourné les capitaux d’un investissement productif. La quantité de dettes dans le système, notamment dans le secteur privé, plombe la productivité et l’ensemble de l’économie. Le système actuel, axé sur l’apport inconditionnel de liquidités de la part des banques centrales, est inefficace et n’a pas permis à des innovations de rupture décisives de voir le jour. Nous atteignons les limites de ce système, avec des spreads sur les hauts rendements qui atteignent des niveaux de crise au vu de l’épidémie de COVID-19.»

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