Un impact marqué, mais temporaire

Frank Häusler, Vontobel Asset Management

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La propagation du coronavirus pourrait se traduire par une volatilité accrue sur les marchés et des rendements obligataires toujours plus déprimés.

© Keystone

La Chine n’est plus le seul pays au monde qui ait pris la décision de confiner des villes et des régions entières en raison de la maladie respiratoire causée par le nouveau coronavirus. L’Italie et la Corée du Sud se trouvent également dans cette situation.

Les cas avérés d’infection par le COVID-19 hors de Chine sont peu nombreux, mais en forte progression

Source: Univerité Johns Hopkins  (données à 08:50 CET)

Alors que le nombre de cas de «Covid-19» dans le pays le plus peuplé du monde a franchi la barre des 77 000 (le nombre de nouveaux cas d’infections étant apparemment en baisse), l’Italie et la Corée du Sud ont signalé respectivement 157 et 833 cas (données au matin du 24 février). Il est donc probable que les interdictions de voyage et autres restrictions soient étendues et qu’elles finissent par toucher les économies de pays autres que la Chine.

Les autorités italiennes prennent des mesures drastiques

Dans le nord de l’Italie, environ 50'000 personnes dans dix villes ont été mises en quarantaine dès le 23 février. D’autres mesures ont été prises, notamment l’annulation du carnaval de Venise ainsi qu’une interruption de quatre heures du trafic ferroviaire entre l’Autriche et l’Italie. S’il est encore trop tôt pour en évaluer l’impact sur la troicième économie européenne, il convient de relever que la plupart des cas se sont manifestés en Lombardie, la région italienne la plus prospère sur le plan économique et qui représente 25% du PIB du pays. Milan, la capitale financière de l’Italie, a également été touchée et la Vénétie, autre région importante, a fait état de quelques cas d’infection.

Alerte maximale en Corée du Sud

En Corée du Sud, les autorités ont porté leur niveau d’alerte «au plus haut», ce qui leur permet de verrouiller des villes et des voies de circulation. Cette décision a incité les États-Unis à relever leur niveau d’alerte pour les voyages en Corée du Sud et au Japon. Ce dernier, qui compte 147 cas confirmés, se classe 3e position derrière la Corée du Sud (833 cas) et l’Italie (157 cas). En outre, la Nouvelle-Zélande a prolongé ses interdictions de voyage à destination ou en provenance de la Chine.

Evolution des derniers indices PMI

Les derniers indices «flash» des directeurs d’achat (PMI) pour la zone euro se sont avérés meilleurs que prévu, mais les données sous-jacentes laissent augurer d’un affaiblissement de la croissance. Les PMI des États-Unis, du Japon et de l’Australie ont montré que le secteur des services avait été particulièrement touché, principalement en raison du coronavirus. Mais les entreprises américaines semblent également faire montre d’une plus grande prudence en matière de nouveaux investissements, en raison des craintes d’un ralentissement économique plus important que prévu et de l’incertitude quant au résultat des élections en fin d’année. La croissance du Japon a été affectée par l’augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée en octobre 2019 et, depuis lors, le climat des affaires ne s’est guère amélioré. Les indices des directeurs d’achat agrégés des PMI flash de février déjà disponibles pour les États-Unis, le Japon, la zone euro et l’Australie montrent que le climat des affaires a connu une détérioration plus importante dans les services que dans le secteur manufacturier.

Nos prévisions de croissance des PIB de la Chine (de 6,2 % à 5,5 %)
et des marchés émergents ont été révisées à la baisse pour 2020.
Un impact économique marqué, mais temporaire

Les précédentes épidémies ont eu des répercussions économiques généralement marquées, mais temporaires. Dans le cas présent, le virus provient de Chine, un pays qui génère environ 16% de la croissance économique mondiale et qui joue un rôle déterminant au niveau des chaînes d’approvisionnement ainsi que pour l’industrie du tourisme. C’est la raison pour laquelle nos prévisions de croissance des PIB de la Chine (de 6,2% à 5,5%) et des marchés émergents ont été révisées à la baisse pour 2020. Le Japon risque également d’être profondément affecté alors qu’il a démarré l’année à un bas niveau, à la suite d’un net recul de son activité économique. Les prévisions de croissance pour la zone euro ont également revues à la baisse, elles sont passées de 0,3% à 0,1% pour le 1er trimestre.

Au plan mondial, l’impact de l’épidémie sur la croissance devrait rester modéré, de l’ordre de 0.2 point de pourcentage. Ses répercussions ne devraient pas être différentes de celles des épidémies précédentes en raison de son caractère temporaire:

  1. Les nouveaux cas d’infection en Chine semblent avoir récemment atteint un pic, ce qui plaide en faveur d’un retour à la normale de l’activité (rebond de l’économie) au début du mois de mars. Il convient néanmoins de suivre en permanence ce processus de reprise et de réviser les prévisions si les progrès devaient se faire attendre.
  2. Les autorités chinoises ont mené une politique monétaire agressive et ont promis d’instaurer de nouvelles mesures de relance de l’ordre de 1 point de pourcentage du PIB.
  3. Les liquidités mondiales sont abondantes et la Fed s’oriente, selon nous, vers une nouvelle baisse des taux. Les autres banques centrales, la Banque du Japon et la Banque centrale européenne en particulier, ne devraient pas modifier l’orientation de leurs politiques monétaires à brève échéance.
L’incertitude pèsera sur les marchés

Les marchés semblent encore un peu trop complaisants par rapport à des données aussi importantes que le sentiment des investisseurs qui est encore loin de l’euphorie alors que les nouveaux cas d’infection en dehors de la Chine commencent à augmenter. Par conséquent, la volatilité des marchés devrait persister un certain temps, ce qui plaide en faveur d’un positionnement plutôt neutre sur le plan des risques. Bien que tablant toujours sur une stabilisation de l’économie mondiale à moyen terme, nous estimons que des fenêtres d’achat pourraient s’ouvrir sur les marchés développés comme sur les marchés émergents dès que l’impact du virus sera plus clairement circonscrit et que ses répercussions se matérialiseront dans les statistiques économiques de la Chine et des marchés développés.

Les perspectives d’inflation ont déjà été revues à la baisse en raison des perturbations causées par l’épidémie et du sentiment négatif du marché. Par conséquent, les attentes à court terme en matière de taux s’orientent vers un nouvel assouplissement monétaire, une évolution qui a ramené les rendements obligataires vers des niveaux très bas. Ils pourraient rapidement rebondir dès que l’impact de l’épidémie sur la croissance aura atteint son maximum. D’ici là, les marchés financiers devraient rester volatils et l’on pourrait assister à de nouveaux épisodes de fuite hors des actifs risqués tels que les actions.

L’évolution du nombre de recherches sur Google indique une progression des craintes déclenchées par le coronavirus

Ligne noire : indice MSCI monde en USD

Ligne bleue: Total des recherches «coronavirus» sur Google (échelle de droite inversée)

Source: Google Trends

Les rendements des emprunts d’Etat pourraient également rester très faibles, voire se réduire encore davantage, par exemple aux Etats-Unis.

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