Un été 2018 sous la menace des nuages

François Savary, Prime Partners

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A l’aube de l’été, notre exposition en actions serait beaucoup plus faible si nous craignions une catastrophe sur les marchés. La vigilance est de mise.

 

On entend parfois dire que les météorologues ont de meilleures capacités prédictives que les économistes, ce qui relativise, pour ne pas dire plus, l’intérêt d’écouter ces derniers…. Alors que l’été s’installe, on souhaiterait que la météorologie puisse nous venir en aide afin d’y voir plus clair sur les perspectives conjoncturelles et financières, en raison du climat délétère qui se développe sur la scène internationale depuis quelques mois. Essayer de se frayer un chemin sur les marchés dans de telles conditions marqués par les tweets, les déclarations à l’emporte pièce ou encore les revirements incessants de certains est loin d’être aisé.  

Avec un peu de recul, on peut afformer que le début de l’année 2018 reposait sur des vœux pieux plutôt que sur une réalité tangible, au regard de l’entrée en fanfare des actifs risqués dans la nouvelle année. Dubitatifs, nous avions pris l’option de rester sur une position défensive dans l’attente d’une corrrection qui a fini par se matérialiser. Gérer le risque global des portefeuilles nous avait conduit, dès la fin de l’année dernière, à recommander de renforcer les stratégies alternatives, de réduire l’exposition aux dettes d’entreprises et d’accroître le cash dans les comptes. Nous ne trouvions pas le courage de nous surexposer sur les actions. Notre incomfort face à certains développements, particulièrement sur le front commercial, ne nous incite pas à changer de position.

Les investisseurs ont déjà dû se faire à l’idée que leurs attentes
d’accélération de la croissance mondiale en 2018 étaient exagérées.

Faut-il parler d’une guerre commerciale? S’il ne faut pas aller trop vite en besogne, il faut reconnaître que l’escalade des mesures-rétorsions n’est pas rassurante. Ce facteur n’est pas étranger au comportement erratique des marchés depuis quelques semaines. Il est vrai que les perspectives économiques pourraient souffrir d’un environnement résolument anti libre-échange, d’autant plus que les investisseurs ont déjà dû se faire à l’idée que leurs attentes d’accélération de la croissance mondiale en 2018 étaient exagérées. Dans ce contexte, on peut légitimement considérer que la visibilité réduite sur les perspectives de croissance bénéficiaire, que ces développements induisent, compense la compression des multiples à laquelle nous avons assisté sur les indices boursiers depuis février.

Le nuage commercial pourrait se renforcer au cours de l’été, sans une volonté des parties de trouver des compromis. Malheurseusement, on connaît désormais la méthode Trump! Force est de constater qu’il ne faut pas partir du principe que les propos ne seront pas suivis d’actes, quand il s’agit de jauger les actions possibles du Président des Etats-Unis.

Comme les problèmes ne viennent jamais seuls, le nuage européen n’est pas à occulter. Comme nous nous y attendions, les espoirs de Monsieur Macron de relancer la contruction européenne se heurtent à un mur, celui du populisme qui redistribue les cartes du jeu, même en Allemagne. Ce n’est pas l’accord franco-allemand a minima sur un budget européen qui peut réduire le sentiment légitime des investisseurs que l’Europe est à nouveau sujette à des tensions «destructrices». Comment sortir le Vieux Continent de l’ornière? Une lancinante question à laquelle nous nous sommes habitués depuis des années. L’été pourrait accroître le risque d’orages inopportuns, sous la forme d’une pression supplémentaire de l’administration Trump, dési-reuse de revoir le financement de l’OTAN. Incapable de gérer ses tensions internes, l’Europe pourrait ainsi sortir de l’été 2018 avec un coup de canif dans une alliance transatlantique, ce qui n’est pas de nature à rassurer les investisseurs.   

L’environnement global a clairement changé au premier semestre
et il serait illogique de ne pas en tenir compte.

Il y a un front sur lequel on peut se sentir rassuré a priori, c’est celui des politiques monétaires. Les réunions de la Fed et de la BCE en juin ont permis de clarifier la feuille de route pour les 18 prochains mois. Pas de réelle surprise dans le processus de resserrement des politiques monétaires que nous anticipions. Cet élément positif doit pourtant être relativisé, car on sait que les grands argentiers sont avant tout engagés dans un travail de communication pour gérer au mieux les anticipations des investisseurs. Le pendant de ce constat est la flexibilité dont ils savent faire preuve au gré de l’évolution des conditions économiques et financières. A cet égard, les incertitudes susmentionnées pourraient affecter la capacité des banquiers centraux à concrétiser leur plan d’actions. Le marché testera-t-il la résolution de Monsieur Powell à maintenir le cap du resserrement monétaire annoncé? Ce qui conduit à une interrogation plus large: les investisseurs en sont-ils venus à craindre que nous soyons désormais proches de la «zone d’ereur» qui pourrait conduire à une mauvaise décision monétaire, susceptible de renforcer le risque de récession?

On le voit, l’entrée récente dans l’été a peut-être amené le soleil dans les cieux, il ne faut pas pour autant en déduire qu’il en ira de même sur les marchés financiers. L’avancée dans le cycle économique et financier a déjà conduit les opérateurs à se détourner des investissements en dettes d’entreprises, qui n’ont plus la cote après un rallye important au cours des dernières années. Les pays émergents font l’objet de désengagements importants de la part des investisseurs depuis quelques mois. Certains s’inquiètent de la faible base des progressions sur les indices actions, principalement tirés par les valeurs de momentum, les titres technologiques en particulier. Enfin, la mise en place d’un nouveau régime de volatilité sur les bourses se confirme au fil des mois. L’environnement global a clairement changé au premier semestre et il serait illogique de ne pas en tenir compte.

Notre prudence légitime n’a pas de raison d’être remise
en cause au regard du contexte international incertain.

Notre volonté de privilégier la gestion du risque ne se dément pas, d’autant plus si l’on considère les conditions décrites ci-dessus. Ainsi, le cash et les placements alternatifs nous semblent toujours devoir être bien représentés dans une allocation, tandis que les actions ne peuvent décemment pas être surpondérées. Les obligations restent largement sous-pondérées et nous conservons un fort biais tactique dans la gestion de nos investissements à revenus fixes.

Les paragraphes précédents peuvent paraître alarmistes, nous les considérons plutôt comme réalistes. A cet égard, notre exposition en actions serait nettement plus faible si nous craignions une «catastrophe» sur les marchés au cours des prochaines semaines. Nous avons dit dès la fin de l’année dernière que nous ne pensions pas surpondérer les actions en 2018, au regard de notre scénario conjoncturel. Notre prudence légitime n’a pas de raison d’être remise en cause au regard du contexte international incertain. En outre, la gestion des risques restera une priorité pour le second semestre 2018, ce qui pourrait nous conduire à réduire notre pondération en actions au cours des prochaines trimestres. Un tel choix dépendra très largement des développements conjoncturels, que le risque de guerre commerciale pourrait péjorer! Nous n’en sommes pas encore là.