Tirer le meilleur parti des économies émergentes

Bertrand Badré, Blue Like an Orange

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Les économies émergentes les plus vulnérables doivent relever leurs propres défis, afin d'éviter d'en être victimes.

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Une fois de plus, les économies émergentes sont confrontées à une période d'incertitude. L'Argentine, l'Afrique du Sud et la Turquie font partie de celles qui suscitent les plus fortes inquiétudes, en raison d'une combinaison de politiques monétaires douteuses et de la dépréciation de la monnaie par rapport au dollar, qui menace de compromettre la capacité de ces pays à rembourser leurs dettes. Mais toutes les économies émergentes ne sont pas créées égales.

Certes, comme par le passé, il y a un risque notable de contagion. Les économies émergentes les plus vulnérables doivent relever leurs propres défis, afin d'éviter d'en être victimes. Les approches que prennent les pays pour relever les défis auxquels ils sont confrontés auront leurs propres répercussions.

Ce serait une erreur d'ignorer les conditions très favorables
qui existent dans certains pays émergents.

Ceci étant dit, les investisseurs peuvent trouver tentant de poursuivre une approche sans risque face à l'ensemble des pays émergents, en particulier dans le contexte de tensions croissantes au sein du commerce mondial. Mais ce serait une erreur d'ignorer les conditions très favorables qui existent dans certains pays émergents. Par exemple, un grand nombre d'entre eux ont fait des progrès importants dans la gestion leur niveau d'endettement, dans l'accroissement de la productivité, ainsi que dans l'amélioration des infrastructures et la mise en œuvre des réformes nécessaires.

Tout cela a contribué à renforcer la résilience de ces économies face aux chocs extérieurs. En effet, en dépit des incertitudes quant à leur degré de compréhension des leçons du passé, sans parler des incohérences entre les pays, de nombreuses économies émergentes ont mis au point des principes bien plus solides sur une période prolongée.

L'écart entre risques perçus et réels et la tendance à mettre toutes les économies émergentes dans le même panier n'a rien de nouveau. Mais les investisseurs devraient éviter un retrait global face aux économies émergentes en réponse aux problèmes que traversent quelques-unes. Au lieu de cela, ils devraient adopter une approche plus nuancée, axée sur l'amélioration du profil risque/rendement en investissant dans certaines régions et marchés, tout en collaborant avec les institutions appropriées.

En particulier, ce n'est pas le moment d'ignorer l'Amérique latine et les Caraïbes, qui ont une large gamme de besoins d'investissements - évoqués lors des récentes réunions du G-20 en Argentine - et qui offrent également une large gamme de possibilités de croissance. Les pays de cette région ont poursuivi des réformes substantielles qui ont stimulé la croissance économique et ont préparé le terrain pour de solides résultats financiers à plus long terme.

Le monde s'est accordé sur des feuilles de route
complémentaires pour faire face aux défis mondiaux.

De manière plus générale, les parties prenantes devraient renforcer leur engagement à utiliser l'approche «billions to trillions» pour résoudre les problèmes les plus épineux du monde. Cette approche utilise une combinaison de mesures liées aux finances, aux compétences, aux capacités et à la répartition des risques, pour tirer parti de ressources relativement limitées du capital du secteur public, afin de mobiliser des ressources plus fiables du secteur privé.

Les banques multilatérales de développement ont ici un rôle essentiel à jouer et un grand nombre d'entre elles ont fait de grands progrès pour répondre aux besoins du marché. Par ailleurs, le monde s'est accordé, sous les auspices de l'Organisation des Nations Unies, sur des feuilles de route complémentaires pour faire face aux défis mondiaux: l'Accord de Paris sur le Climat et les Objectifs de Développement Durable. En établissant des mécanismes appropriés pour tirer profit des opportunités d'investissement connexes, nous pouvons utiliser des milliards de dollars publics pour faire milliers de milliards de dollars de progrès.

Un grand nombre d'entre nous, au sein de la communauté des investisseurs, travaillons à promouvoir l'efficacité de notre travail en veillant à ce que la bonne situation financière et les mécanismes de gestion des risques soient en place pour relier les secteurs public et privé. Déjà, des mécanismes sont en place en vue de faciliter les flux de capitaux dans les économies émergentes, en particulier celles d'Amérique latine et des Caraïbes, où des opportunités attrayantes de rendement ajusté au risque sont maintenant disponibles.

Dans ce contexte, même une très modeste allocation par de gros investisseurs institutionnels aura un impact majeur sur la recherche de résultats durables, tout en offrant des rendements financiers attrayants et concurrentiels. Cette dynamique – une composante fondamentale de l'approche «billions-to-trillions» – pourrait s'intégrer, en jetant ainsi les bases d'un système plus large dans lequel il n'y a pas de compromis entre faire de l'argent et faire le bien.

La crise actuelle dans certains pays émergents ne doit pas permettre de faire avorter les progrès passés. Au contraire, elle devrait inciter les parties prenantes à redoubler d'efforts collectifs pour établir un système élargi aux effets bénéfiques. Cela signifie, d'abord et avant tout, d'adopter une approche nuancée dans l'évaluation des risques, qui tienne compte des opportunités de croissance à long terme attrayantes que proposent de nombreuses économies de marché émergentes.

Copyright: Project Syndicate, 2018.

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