Retour des problèmes de change en Suisse

Marc Brütsch, Swiss Life Asset Managers

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L’irruption du coronavirus a tiré les prix de l’énergie à la baisse, tandis que ceux des importations reculaient sous l’effet de l’appréciation du franc.

©Keystone

Apprécier les dynamiques de croissance à court terme de la Suisse est extrêmement délicat. Con-trairement aux autres grands pays, la Suisse n’a toujours pas annoncé son estimation officielle de croissance du dernier trimestre 2019. Dans l’attente des chiffres préliminaires, le 3 mars, nous avons réduit notre estimation de 0,25% à 0,15% pour ces trois mois au vu des chiffres décevants des économies voisines. Parallèlement, les enquêtes du début de l’année auprès de l’industrie électrique, des machines et des métaux, le secteur le plus touché par le ralentissement des dyna-miques de croissance mondiales, suggèrent une stabilisation, voire une légère amélioration, de l’activité des entreprises. Le bout du tunnel pourrait toutefois être encore bien loin. 

Les pertes du secteur tertiaire, et surtout du tourisme,
ne devraient pas pouvoir être compen-sées à court terme.

L’impact du coronavirus sur la demande d’exportations et sur la fréquentation touristique a entraî-né un abaissement de notre estimation de croissance pour le premier trimestre 2020, tandis que l’appréciation récente du franc pourrait constituer un vecteur supplémentaire de propagation des effets de l’épidémie. Par rapport à l’euro, le franc a progressé de plus de 5% en un an mais on ignore si cette tendance va perdurer. Comme nous prévoyons une reprise en V de l’activité chi-noise au deuxième trimestre, le secteur manufacturier pourrait récupérer l’essentiel de ses pertes de production au cours des mois suivants. En revanche, celles du secteur tertiaire, et surtout du tourisme, ne devraient pas pouvoir être compensées à court terme.

L’irruption du coronavirus a tiré les prix de l’énergie à la baisse, tandis que ceux des importations reculaient sous l’effet de l’appréciation du franc. En conséquence de ces deux facteurs, nous ta-blons sur un repli de l’inflation totale à court terme. En fonction de l’évolution des choses, les gou-lets d’étranglement sur la chaîne d’approvisionnement mondiale pourraient entraîner une aug-mentation des prix à la production et à la consommation plus tard dans l’année.

Le coronavirus est à nos portes en zone euro

Selon les derniers chiffres, le coronavirus affectera l’économie locale, au moins temporairement. Le recul de la demande chinoise, la perturbation des chaînes d’approvisionnement et le recul du tou-risme sont autant d’effets négatifs pour la croissance. Le virus se répandant en Italie à l’heure où nous écrivons ces lignes, on peut attendre un impact direct supplémentaire des mesures sanitaires dans ce pays. Le risque de propagation européenne a indéniablement augmenté. Il s’ensuit que l’incertitude règne sur toutes les prévisions. Les nôtres s’appuient uniquement sur les informations disponibles, sans extrapoler sur les prochaines zones d’extension du virus ou sur sa transformation en pandémie. Nous avons donc abaissé nos estimations pour l’Allemagne exportatrice et pour l’Italie, directement touchée, dont le PIB devrait selon nous se contracter au premier trimestre. 

La zone euro doit encourager sa demande intérieure.

Avec une croissance réelle déjà négative au dernier trimestre 2019, le pays est aujourd’hui en ré-cession technique. Toute aggravation de la situation du coronavirus pèserait lourdement sur nos projections européennes. Nos prévisions de croissance sont un peu en dessous du consensus pour 2020 et 2021 (nous prévoyons en particulier une reprise plus lente de la dynamique sous-jacente allemande). La zone euro doit encourager sa demande intérieure; à cette fin, elle pourrait mieux utiliser sa marge de manœuvre budgétaire dans le contexte de taux bas actuels.

Les dynamiques de croissance ne suffisent pas à accélérer l’inflation. Seuls six Etats membres, qui représentent moins de 6% du PIB de la zone euro, affichent aujourd’hui une inflation supérieure ou égale à 1,8%. La croissance des salaires, premier moteur de l’inflation intérieure, a amorcé un tassement, qui pourrait être compensé à court terme par le renchérissement des importations lié à la dépréciation récente de l’euro.

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