Ré-écrire l’histoire - Perspectives de Swiss Life

Swiss Life Asset Management

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Le PIB de la Suisse a réellement augmenté de 1,7% en 2017 et non de 1,1% comme annoncé. Nous devons donc réécrire l’histoire économique.

A retenir:

  • Etats-Unis: le pic de l’inflation est passé malgré des droits de douane plus élevés.
  • Brexit: l’incertitude gagne du terrain.
  • L’économie Suisse ne peut plus compter sur les principaux moteurs de la croissance récente.
Prévisions comparées

Au lendemain de la grande récession de 2008, on redoutait une forte inflation après que les banques centrales avaient réagi en intensifiant leur politique monétaire. C’est un tout autre scénario qui s’est déroulé. Les régions développées ont plutôt frôlé la déflation en 2015 et 2016. Grâce à la reprise synchrone de l’économie mondiale entamée mi-2016 et l’assouplissement continu de la politique monétaire, les taux d’inflation sont revenus aux niveaux des objectifs des banques centrales.

Graphique du mois

 
Etats-Unis – PME: baromètre au beau fixe
Croissance du PIB
  Swiss Life Asset Managers Consensus
2018 2,7% 2,9%
2019 2,2% 2,6%

Si la personnalité du président Trump ne cesse de susciter la controverse, sa politique économique est saluée par les Américains: la confiance des consommateurs a atteint son plus haut des 18 dernières années selon le Conference Board. De plus, le moral des PME n’a jamais été aussi bon depuis le lancement du Small Business Optimism Index par la NFIB (National Federation of Independent Business) en 1974. La réforme fiscale engagée par Trump et le marché de l’emploi tendu ont stimulé les revenus disponibles des ménages. Les entreprises bénéficient de fortes incitations, la plupart des investissements fixes non résidentiels étant immédiatement déductibles des impôts. Selon les estimations en temps réel, l’économie américaine a poursuivi sa croissance annualisée d’environ 4% au troisième trimestre 2018. Comme l’économie dépend étroitement de la réforme fiscale, l’issue du scrutin de mi-mandat du Congrès reste incertaine. Si les Républicains confirment leur majorité aux deux chambres, les politiques fiscales procycliques seront certainement maintenues, avec un accent sur les dépenses d’infrastructures. La qualité de la croissance pourrait se dégrader car l’essor qu’a connu le secteur privé de l'investissement cette année ne se répétera pas, que le président sorte renforcé ou affaibli des élections du 6 novembre.

Inflation
  Swiss Life Asset Managers Consensus
2018 2,5% 2,5%
2019 2,1% 2,3%

L’effet global sur l’inflation des droits de douane plus élevés sur les biens chinois ne devrait pas dépasser 0,2%. Toutefois, l’annonce de droits de douane sur 200 milliards de biens fait naître un risque de hausse de l’inflation à court terme, tout comme la flambée continue des prix de l’énergie. A moyen terme, l’accélération de la croissance des salaires devrait stimuler le pouvoir de fixation des prix des prestataires nationaux. Mais il semble peu probable que l’inflation annuelle globale soit supérieure en moyenne l’année prochaine par rapport à 2018, l’effet de base des prix de l’énergie plus élevés pesant de moins en moins dans les statistiques.

Zone euro – Retour à un rythme plus durable
Croissance du PIB
  Swiss Life Asset Managers Consensus
2018 2,0% 2,1%
2019 1,4% 1,8%

Depuis 2014, la zone euro connaît une croissance solide au-dessus de son potentiel à long terme. Cela a profité au marché de l’emploi dans tous les Etats membres. Au total, le taux de chômage est passé de 11,9% en février 2014 à 8,2% actuellement. Le processus a atteint la maturité suffisante pour accélérer la croissance des salaires, soutenant fortement la demande intérieure. L’accélération de la croissance des salaires est un phénomène de fin de cycle et la zone euro ne fait pas exception. La croissance du PIB a déjà nettement ralenti au premier semestre 2018. En comparaison avec les 5 trimestres d’octobre 2016 à décembre 2017, les taux de croissance trimestriels du PIB ont baissé, de 0,7% à un peu moins de 0,4%. L’activité économique annualisée devance encore le taux de croissance potentiel de la zone, de 1,4% environ. Mais au vu des premiers indices français et allemands des directeurs d’achat, l’activité industrielle a poursuivi son ralentissement à la fin du troisième trimestre. Les prévisions du consensus pour 2019 nous semblent trop optimistes, car il faudrait que les taux de croissance renouent avec leur rythme de 2017, année de fort essor économique. Ce scénario paraît peu probable au vu des incertitudes politiques et du durcissement attendu des politiques monétaires dans la plupart des économies développées.

Inflation
  Swiss Life Asset Managers Consensus
2018 1,8% 1,7%
2019 1,6% 1,6%

L’inflation globale a légèrement baissé, à 2,0% au mois d’août. Le prix du pétrole reste un des moteurs de l’inflation globale, l’énergie contribuant à hauteur de 0,9 point de pourcent à l’inflation actuelle. En janvier 2017, Mario Draghi affirmait que pour la BCE, une hausse de l’inflation égale ou supérieure à son objectif politique de «presque 2%» ne serait durable que si elle ne résultait pas de composants volatils comme les prix de l’énergie ou des denrées alimentaires. Cette condition est loin d’être remplie, malgré l’inflation globale actuellement de plus 1,8% dans 12 des 19 Etats membres de l’UEM.

Royaume-Uni – Un Brexit à l’aveugle
Croissance du PIB
  Swiss Life Asset Managers Consensus
2018 1,2% 1,3%
2019 1,2% 1,5%

Lors de la rédaction de cet article, le Congrès du Labour était en cours et la convention du Parti conservateur n’avait pas commencé. Nous n’attendons pas plus de clarté sur la forme du Brexit avant janvier 2019. Il faudra encore composer avec de l’agitation politique, même après les rassemblements des partis. Tous les scénarios sont évoqués, de l’absence d’accord à l’abandon du Brexit. Le risque que la Grande Bretagne quitte l’UE sans traité reste selon nous élevé, car les plus fervents partisans du Brexit défient le leadership de Theresa May. Nous n’excluons pas non plus un rejet parlementaire du traité que la Première ministre ramènera de Bruxelles. Ces deux scénarios pourraient entraîner une autre élection générale avant le printemps 2019. D’ici là, notre scénario de référence reste un Brexit à l’aveugle, avec accord sur la durée de la période de transition mais peu de visibilité quant aux autres aspects de la relation future. Dans ce scénario, nous tablons sur une croissance modérée, car les investissements d’entreprises frileux et la baisse de la migration nette réduisent le potentiel de croissance de 0,2% à 0,3% du PIB à court terme. Plus le traité sera clair quant à l’accès au marché unique européen, plus les perspectives à court terme seront favorables. Mais un scénario aussi idéal est très peu probable. Une issue sans accord au cours des deux ans à venir pourrait se solder par 2 points de pourcent en moins de croissance du PIB par rapport à notre scénario de référence, avec une forte probabilité de récession au premier semestre 2019.

Inflation
  Swiss Life Asset Managers Consensus
2018 2,6% 2,4%
2019 2,3% 2,1%

En août, les effets exceptionnels comme la hausse des prix du théâtre ont fait grimper l’inflation annuelle de 2,5% à 2,7%. Un Brexit sans accord pourrait affaiblir encore la livre sterling et provoquer une inflation forte en 2019. En cas d’accord avec l’UE, la livre plus forte et la poursuite de la normalisation de la politique monétaire devraient atténuer la pression inflationniste.

Suisse – Ré-écrire l’histoire
Croissance du PIB
  Swiss Life Asset Managers Consensus
2018 2,9% 2,6%
2019 1,2% 1,8%

Le mois dernier, nous évoquions le risque que nos prévisions de croissance du PIB de 0,5% au deuxième trimestre 2018 soient trop prudentes. Les solides données du PIB des partenaires commerciaux de la Suisse et les droits touchés par la FIFA ont été des risques de hausse. Nous avons appris depuis que le PIB avait gagné 0,7% au deuxième trimestre. Mais ce sont les corrections des données historiques du SECO (Secrétariat d’Etat à l’économie) qui ont créé la surprise: le PIB a réellement augmenté de 1,7% en 2017 et non de 1,1% comme annoncé. Nous devons donc réécrire l’histoire économique puisque la Suisse a bénéficié plus rapidement que prévu de la reprise mondiale depuis 2016. Ces nouvelles données entraînent aussi des corrections des prévisions 2018, car la base des calculs de la croissance n’a plus rien à voir avec celle d’il y a un mois. Nos prévisions sont à présent de 2,9% contre 2,1% avant. Malgré ce tableau plus réjouissant du passé, nous maintenons nos prévisions d’un avenir moins dynamique: pour 2019, nous prévoyons un ralentissement de la croissance au niveau du potentiel économique, car les principaux moteurs de la performance des années précédentes soutiendront moins la croissance dans les trimestres à venir, notamment les taux d’intérêt très faibles, la migration nette, l’augmentation des revenus disponibles, la reprise mondiale synchrone de 2016 à 2018 et l’affaiblissement temporaire du franc suisse. Selon une étude du KOF, l’industrie et le bâtiment attendent un net recul des nouvelles commandes.

Inflation
  Swiss Life Asset Managers Consensus
2018 1,0% 1,0%
2019 0,8% 1,1%

En juillet, l’inflation générale annuelle de 1,2% a constitué le pic du cycle. Nos prévisions pour 2019 sont bien inférieures au consensus: la valeur du franc pondérée a encore gagné près de 5% par rapport à 2017. Au vu de la hausse du taux de vacance, la composante des loyers dans l’indice des prix à la consommation devrait peser sur l’inflation pour le trimestre à venir.

Japon – Gagnant du conflit commercial?

Depuis qu’il est une démocratie, le Japon n’avait jamais connu une telle période de stabilité politique: alors que Shinzo Abe remporte un troisième mandat à la tête du PLD, il pourrait devenir le premier ministre le plus longtemps en exercice. A son arrivée au pouvoir, nous doutions que les mesures de son «Abenomics» parviennent à relancer l’économie et à réformer certains secteurs très réglementés. Il semblait difficile de mettre en oeuvre une stratégie de réflation quand la majorité des pays développés subissaient des mesures d’austérité et étaient au bord de la déflation. Mais récemment, cette politique a marqué des points: depuis mi-2016, la croissance moyenne du PIB annualisée a atteint 1,5% contre 0,3% durant les débuts d’Abe. La croissance des salaires s’accélère et l’inflation suit. Le conflit commercial sino-américain pourrait profiter à l’économie japonaise: tant que la politique commerciale américaine reste concentrée sur la Chine, les exportateurs de machines et de produits chimiques japonais pourraient bénéficier des mesures de réorientation des échanges.

Chine – Une aide fiscale à l’exportation

Depuis le 24 septembre, la moitié des exportations de biens chinois vers les Etats-Unis pâtit de sanctions douanières. La Chine affichant un excédent commercial avec les Etats-Unis, elle peut difficilement riposter en surtaxant les biens américains. Mais elle a d’autres options: les entreprises américaines redoutent un accès restreint au marché chinois. Malgré le conflit commercial, la majorité des prévisionnistes n’envisage pas de baisser les prévisions de PIB pour la Chine. Selon Consensus Economics, les prévisions consensuelles de croissance du PIB en 2019 s’établissent à 6,4% contre 6,3% en début d’année. Nous maintenons nos prévisions, un peu plus prudentes pour l’année, à 6,1%. Le gouvernement chinois tente de compenser l’essoufflement de la croissance par des mesures fiscales. Baisses d’impôt pour les entreprises et subventions pour les entreprises exportatrices sont les mesures envisagées. Jusqu’ici, cette stratégie paraît crédible vu la hausse des indices des directeurs d’achat et le ralentissement modéré de la croissance des exportations.

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