Que signifie l’invasion de l’Ukraine par la Russie pour les marchés financiers?

Chris Iggo, AXA Investment Managers

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Les pronostics de la politique monétaire ne sont plus aussi clairs et les prévisions sur le long terme concernant les coûts des titres risquent de changer.

L’insécurité continue à régner sur ce qui se passe en Ukraine et les dommages collatéraux qui, au final affecteront l’économie mondiale. Il est probable que la croissance faiblira et que l’inflation continuera d’augmenter. Par ailleurs, les pronostics de la politique monétaire ne sont plus aussi clairs et les prévisions sur le long terme concernant les coûts des titres risquent de changer. Même pour ceux qui désirent négocier, la liquidité est faible. Le US-dollar et les placements financiers aux USA avec la plus grande liquidité enregistrent donc des bénéfices et continueront à le faire jusqu’à ce que le conflit prenne une toute autre tournure.

Sanctions contre la Russie

Les pays occidentaux ont réagi à l’invasion russe en instaurant différentes sanctions. Ainsi, la Russie n’a désormais pratiquement plus accès au système financier international. En gelant les valeurs patrimoniales et les transactions, il est devenu très difficile pour la Russie d’assurer son financement en devises. Il n’est sans doute pas exagérer d’affirmer que l’économie russe s’effondre.

Augmentation des dépenses militaires

Affichant un changement d’état d’esprit historique, l’Allemagne a annoncé la hausse significative de ses dépenses défensives. Les autres nations européennes vont sans doute faire la même chose pour se protéger de l’expansionnisme russe. Du point de vue des investisseurs, cela signifie: les dépenses consacrées à l’équipement militaire, aux systèmes logistiques, aux minutions et à la technologie vont augmenter. C’est le secteur aéronautique et spatial qui va en profiter, tout comme celui de la défense, du transport et de la technologie. Du point de vue ESG, ceci soulève des questions. La stratégie militaire moderne ne se concentre pas uniquement sur les chars d’assaut et les fusées, même si le conflit actuel nous rappelle leur usage prépondérant pour assouvir des ambitions territoriales, mais aussi sur la technologie et son application en cyberstratégie. Il n’est peut-être pas si facile d’identifier les valeurs patrimoniales qui contribuent à ces activités.

Une augmentation du pouvoir d’emprunt est envisageable

Pour les investisseurs, il est aussi important de savoir ce que signifient les dépenses militaires pour les dépenses et les déficits de l’Etat. S’agit-il d’une augmentation des dépenses répartie sur plusieurs années pour permettre aux pays occidentaux de disposer de moyens militaires défensifs suffisants? Des dépenses défensives supplémentaires de l’ordre d’un à deux pour cent du PIB ou plus ne sont pas négligeables. Elles pourraient augmenter le besoin d’emprunt de l’Etat et entraîner une augmentation du taux d’intérêt.

Ne pas remettre la transition énergétique à plus tard

Pour améliorer également la sécurité énergétique, il est aussi nécessaire d’investir dans les alternatives au gaz et au pétrole russe. Bien entendu, ceci implique une augmentation des investissements dans les énergies renouvelables, mais aussi dans l’énergie atomique et les installations nécessaires à l’importation de sources d’énergie comme le gaz liquide en provenance d’autres pays du monde (surtout du Proche-Orient). Tout cela prend du temps, d’où la prime de risque énorme sur les prix actuels de l’énergie. Ceci contribue à une hausse de l’inflation et pourrait signifier une prime de risque inflationniste supérieure durable dans les taux d’intérêt. La transition énergétique va probablement entraîner une baisse des prix de l’énergie (ce qui est bon pour la croissance) tout comme une augmentation de la sécurité énergétique. Le fait que cette transition énergétique soit interrompue par la guerre et la nécessité de lutter à court terme contre une hausse des prix, retarde ce développement.

Les rendements réels diminuent de nouveau

Depuis le début de la guerre, les rendements réels ont diminué et les marchés ont été soutenus légèrement davantage par la fuite dans la qualité que par le souci de l’inflation et d’une augmentation du taux d’intérêt. Les catégories de placement qui se sont développés le mieux depuis le début de l’invasion sont entre autres les bons du Trésor européen indexés sur l’inflation, les obligations souveraines à duration longue, les actions des États-Unis à capitalisation moyenne et d’une manière plus générale, les actions Nikkei et Value. Ce sont les actions européennes, asiatiques et les titres des pays émergents à revenu fixe qui ont affiché les plus mauvais résultats (même si la Russie et l’Ukraine ne constituaient qu’une petite partie des indices). Ainsi, le 3 mars, entre l’invasion et la fermeture de la bourse, la performance des obligations asiatiques à haut risque a affiché une différence de 6,5 pour cent par rapport à celle des obligations européennes indexées sur l’inflation.

Différencier davantage

A l’heure actuelle, la liquidité est faible, ce qui reflète l’insécurité et les conséquences des sanctions sur le système financier international. Pour ce qui est des actions, les Etats-Unis ont affiché de meilleurs résultats que l’Europe, avec le secteur énergétique en haut de l’échelle et le secteur financier, de l’autre côté. Cette divergence s’explique par les prix de l’énergie supérieurs à la moyenne et le potentiel de dépréciation des valeurs patrimoniales, tout comme les défauts de paiement et l’augmentation des provisions pour risques et charges dans certaines banques. Si la situation se détend, la balance va pencher de l’autre côté. D’autant plus que les banques centrales doivent se montrer plus prudentes lors de l’annulation de l’assouplissement monétaire et que la plupart des banques n’ont que des engagements limités en Russie.

Gagnants et perdants

Mais pour le moment, on ne peut pas parler de détente. Au contraire: La situation peut s’aggraver et pourrait entraîner une baisse des actions, de l’Euro et de la performance des crédits. Jusqu’à présent, les bons du Trésor des Etats-Unis et le US-dollar ont bénéficié de l’insécurité internationale. La nervosité géopolitique va continuer à protéger ces actifs, malgré l’insécurité politique évidente concernant l’inflation exprimée la semaine dernière devant le Congrès par le président de la FED Jerome Powell. L’occident, menée par les Etats-Unis, a remporté la guerre froide et le capital mise sur le maintien durable de cette hégémonie.

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