Qualcomm paie la dot, mais le mariage n’aura pas lieu

Bernard Thant, Econopolis

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Après près de deux ans de négociations et d’attente d’approbations, Qualcomm a abandonné son projet de racheter NXP Semiconductor.

Si le marché a réagi avec enthousiasme à l’information (l’action Qualcomm a gagné 7%), Qualcomm ne nous convainc pas totalement.

Leader mondial dans les puces pour smartphone

Qualcomm est la référence dans les puces électroniques pour smartphones. En outre, l’entreprise détient plus de 30.000 brevets dans la technologie mobile. Résultat: Qualcomm passe à la caisse chaque fois qu’un smartphone est vendu dans le monde. Le problème est que le marché du smartphone est saturé. C’est pourquoi l’entreprise veut investir de nouveaux marchés de croissance, comme les puces pour applications sans fil, l’industrie automobile et l’Internet des Objets. L’acquisition prévue de NXP s’inscrit parfaitement dans cette stratégie puisque NXP est un des principaux acteurs dans le développement et la production de puces pour l’industrie automobile. Ce marché recèle encore un énorme potentiel, les nouvelles évolutions comme les voitures hybrides, électriques et autonomes étant beaucoup plus exigeantes en composants électroniques.

Forces supérieures

En octobre 2016, Qualcomm lançait une offre de 38 milliards de dollars sur NXP, qu’elle relèvera ensuite à 44 milliards de dollars. Comme il n’y a guère de chevauchements entre les activités des deux entreprises et parce que Qualcomm était prête à de nombreuses concessions, l’approbation de la transaction ne semblait pas devoir poser de difficultés.

C’était cependant compter sans les autorités chinoises. Celles-ci ont tergiversé si longtemps – Qualcomm a prolongé son offre à d’innombrables reprises – que Qualcomm n’avait finalement guère d’autre choix que d’abandonner son projet. Contractuellement, Qualcomm est cependant tenue de verser à NXP une indemnité de rupture de 2 milliards de dollars.

La direction de Qualcomm est un peu encline
à une nouvelle grande acquisition.

La véritable raison de la résistance chinoise n’a probablement pas grand-chose à voir avec Qualcomm, bien que l’entreprise n’ait pas toujours entretenu les meilleures relations avec les producteurs de smartphone chinois (et soit toujours en litige avec Huawei). Sans doute les relations commerciales très troublées entre les États-Unis et la Chine, les actions américaines contre le fournisseur de télécommunications chinois ZTE, le veto de Trump à l’acquisition de Qualcomm par le groupe semi-asiatique Broadcom et la volonté des Chinois de renforcer leur position dans l’industrie des semi-conducteurs ont-elles également pesé sur le refus implicite des autorités chinoises de donner leur aval à Qualcomm.

Croissance intrinsèque

La direction de Qualcomm est un peu encline à une nouvelle grande acquisition et veut désormais privilégier la croissance intrinsèque, en misant d’une part sur de nouvelles puces adaptées à la mobilophonie de prochaine génération (5G) et d’autre part sur des puces pour des marchés de croissance en dehors de l’industrie du smartphone (lesquelles représentent environ 20% du chiffre d’affaires de Qualcomm).

En outre, l’entreprise entend accroître le bénéfice par action via un plan de rachat d’actions propres. Qualcomm compte racheter pour quelque 30 milliards de dollars d’actions propres, dont l’essentiel au cours de l’exercice à venir. Comme la position nette de trésorerie (qui atteint aujourd’hui quelque 13 milliards de dollars) et les free cash-flows ne suffiront pas pour financer le plan de rachat, Qualcomm devra s’endetter pour y parvenir.

Valorisation réduite, mais pas sans raison

Pour les investisseurs attentifs, l’échec de la transaction n’est pas une surprise. L’action NXP s’échangeait en effet plus de 15% sous le prix proposé, ce qui indiquait que le marché n’y croyait plus. Nous attribuons surtout le rebond de l’action au fait que l’incertitude se soit enfin dissipée. En outre, le plan de rachat d’actions propres annoncé peut également soutenir le cours.

Pourtant, Qualcomm ne nous convainc pas totalement. La valorisation est basse, mais le marché des smartphones est mature et on peut se demander si la nouvelle technologie 5G sera un succès. En outre, Qualcomm est en bisbille avec de grands clients. Huawei ne paie qu’une partie des royalties qu’elle doit à Qualcomm parce qu’elle réclame de meilleurs tarifs. Un arrangement devrait être trouvé au cours des mois à venir. Qualcomm est également en litige avec Apple. Le directeur de Qualcomm Steve Mollenkopf a reconnu que son entreprise ne pourra sans doute plus fournir de jeux de puces pour la prochaine génération d’iPhone. En outre, Apple ne verse plus de royalties à Qualcomm depuis un an. Ce dernier conflit devrait également faire l’objet d’un accord, mais l’affaire pourrait traîner en longueur. L’issue des litiges sur les brevets est très importante pour Qualcomm, parce qu’elle participera à déterminer ce que lui rapportera son portefeuille de brevets au cours des années à venir.