La propagation du nouveau coronavirus a déjà eu des répercussions significatives sur les voyages professionnels et personnels. Nombreux sont ceux d’entre nous dont les voyages ou les participations à des conférences ont été annulés au dernier moment. Par conséquent, il n’est guère surprenant que les compagnies aériennes aient refusé de rembourser les billets, d’autant plus qu’elles subissent de fortes pressions sur leurs revenus.  En témoigne l'effondrement de la compagnie aérienne régionale britannique Flybe la semaine dernière.

En revanche, la tarification très agressive pratiquée par certaines compagnies aériennes est préoccupante, comme en témoigne l’exemple suivant.  A la suite du report d’une grande conférence qui devait se tenir la semaine prochaine, ses participants se sont vus refuser le remboursement de leurs billets dont les prix étaient pourtant déjà exorbitants en raison de l’importance de l’événement.  En recherchant les prix de vols pour les nouvelles dates probables de la conférence, il s’est avéré que ces derniers se situaient au-dessous de 50 livres sterling (environ 61 francs suisses) à l’aller comme au retour.

Cependant dès le moment où ces dates ont été rendues publiques, le prix du vol simple est passé à 700 livres sterling (856 francs suisses). Faut-il y voir une adaptation normale de l’offre à la demande ou un exemple de prix abusifs? Étant donné que le nouveau prix fixé pour chaque vol est nettement supérieur au prix initial pourtant déjà très élevé, la 2e proposition paraît la plus plausible. Vient d’ailleurs ’ajouter à cela que la compagnie aérienne en question a même refusé que le montant versé pour le billet initial annulé soit décompté du prix du nouveau billet!

On pourrait arguer qu’il s’agit d’une mesure de protection naturelle prise par une entreprise confrontée à de fortes pressions sur ses marges et qui cherche à protéger ses flux de trésorerie dans un marché difficile. Cependant, dans un monde où les préoccupations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) priment, on est en droit de se demander si un tel comportement peut être considéré comme acceptable par les investisseurs.

Chacune de nos décisions d’investissement incorpore une analyse ESG et les prix abusifs sont l’un des facteurs constitutifs de notre analyse des éléments sociétaux. Par conséquent, ils ont un impact significatif sur la notation finale de chaque entreprise. Dans le cas de la compagnie aérienne concernée, le fait qu’elle recourt à une tarification abusive implique qu’elle sort de notre univers investissable d’un point de vue ESG (de fait, nous n’avons jamais détenu d’obligations de cette entreprise).  Ce cas n’est pas isolé: au Royaume-Uni, les prix de vente en ligne de désinfectants pour les mains ont augmenté alors que la tendance a été de limiter les ventes plutôt que d’augmenter les prix dans les pharmacies ayant pignon sur rue. En d’autres termes, chaque entreprise dispose de plusieurs options et certaines nuisent à ses clients et d’autres ne le font pas. La France par exemple a récemment décidé d’imposer un contrôle des prix des désinfectants.

Toutes les entreprises, y compris celles dont les marges bénéficiaires se trouvent sous pression, seraient bien inspirées de réfléchir sérieusement aux conséquences de décisions qui visent à embellir leurs comptes de pertes et profits à court terme sur le coût de leur financement à long terme. Pour chacune d’entre elles, la clientèle devrait être une partie prenante appréciée et respectée. Cet aspect sociétal de la durabilité ne devrait pas être ignoré, car les investisseurs qui ont adopté une approche ESG ne se préoccupent pas seulement d’environnement et de gouvernance!