Prime de risque du S&P500: déjà au plus bas depuis 2007

Thomas Planell, DNCA Invest

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Selon l’économiste austro-américain Ludwig von Mises, on ne peut soigner la dépendance au crédit par plus de crédit.

©Keystone

Pour l’économiste libéral Ludwig von Mises, qui pensait que «L'expansion du crédit est bâtie sur les sables des billets de banque et des dépôts» et qu’elle «doit nécessairement s'effondrer», le credit crunch discret actuellement à l'œuvre aux Etats-Unis est donc logique. Quelque 30 grandes sociétés américaines ont en effet fait défaut sur leur dette sur les cinq derniers mois (contre 40 l'an dernier). Le taux de défaut du crédit high yield américain s’envole à 3,1%, contre 1,9% en décembre 2022… Pour les petites entreprises, l’accès à la liquidité bancaire devient toujours plus difficile.

L'économiste austro-américain, né 10 ans après la Commune de Paris, verrait donc d'un bon œil la fin de la trêve sur les taux sonnée par la Bank of Canada et la Royal Bank of Australia (qui emboitent le pas à la Norges Bank). Depuis, les taux à 2 ans y atteignent respectivement leurs plus hauts à 16 et 12 ans.  

S’il devait susurrer quelque conseil à l’oreille des membres de la FED et de la BCE qui se réuniront mi-juin, ce serait certainement de suivre leurs homologues australiens ou canadiens. D’autant que, l’inflation «core» reste persistante en Europe, où elle progresse de 5,3% en mai, en rythme annualisé. Tandis qu’aux Etats-Unis, les tensions sur le marché du travail (chômage inférieur à 4%) ne militent pas en faveur d’un retour imminent de l’inflation sous 3%.

La capacité des banques centrales à contenir la volatilité des taux réels n’est pas sans effet sur celle des actifs risqués.

Cela n’empêche pas les marchés actions de persister dans leur progression. Difficile de dire de quoi leur optimisme tient le plus: hypothèse croissante d’un soft landing économique aux Etats-Unis et d’une récession technique bénigne en Europe? Résultats résilients? Présomptions, peut-être trop complaisantes, d’une baisse de taux en fin d’année? Probablement la somme des trois. En tout cas, une chose est certaine, la capacité des banques centrales à contenir la volatilité des taux réels n’est pas sans effet sur celle des actifs risqués: le VIX cote désormais à un plus bas de deux ans, fait étonnant pour une année marquée par une incertitude économique et géopolitique évidente.

Soutenue par l’écrasement de la volatilité, la prime de risque se comprime, peut-être un peu trop… A la faveur de révisions de bénéfices à la hausse, le MSCI Europe offre 5,3% de rendement bénéficiaire excédentaire par rapport aux taux à 10 ans des obligations allemandes. Un niveau très inférieur à la moyenne 2021-2022 (6,4%, après un pic de près de 8% en mars dernier) … mais quatre fois supérieur à la prime de risque du S&P500…  A 1,3%, elle s’établit plus de deux écarts-type en deçà de sa moyenne 5 ans face à des marchés monétaires rémunérant jusqu’à 5,2% à six mois!

Le rebond des valeurs technologiques est bien sûr à l’origine de ce niveau historiquement bas. Il faut d’ailleurs remonter jusqu’à 2007 pour entrevoir une telle compression de la prime de risque de l’indice américain. De quoi donner de l’eau au moulin de ceux qui penchent en faveur d’un bear market rallye dans la continuité de 2022. Ludwig von Mises ferait très certainement partie de ceux-là… S’il comparait déjà la transformation bancaire à un château de sable, que penserait-il de la valorisation des promesses en silicone des valeurs de l’intelligence artificielle? Prudence, conseillerait-il probablement, jusqu’à ce que se présentent les preuves d’un véritable démarrage d’un cycle de capex d’IA dans l’ensemble des entreprises… Cycle qui poserait néanmoins d’autres questions, autant économiques que morales, quant à son effet sur l’emploi et le modèle économique actuel…

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