Pétrodollars vs Pétroyuans

Philippe Szokolóczy-Syllaba

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Chronique d’une combustion annoncée.

Le saviez-vous, Le Conseil de sécurité des Nations Unies avait autorisé en novembre 2000 l'Irak à libeller ses transactions commerciales et notamment ses exportations de pétrole en euros?

Et la Lybie de Khadafi avait le plan de créer une monnaie panafricaine sur base du dinar lybien couvert par ses 143 tonnes de réserves d’or, ainsi que cela ressort d’un email d’avril 2011 de Sidney Blumenthal, retrouvé dans les documents de Clinton livrés en pâture sur le Net par Wikileaks. Kadhafi s’imaginait briser l’hégémonie française sur les ex-colonies africaines en offrant une alternative au franc CFA et en utilisant le poids de ses près de 2 millions de barils de production journalière de pétrole. 

La Syrie s’était jointe aux rangs des rebelles en 2011 avec l’annonce d’un accord pour la construction d’un «gazoduc islamique» entre Damas, Bagdad et Téhéran, soit un conduit de transport du gaz vers l’Est (Chine, Inde).

«Le Qatar a accepté de vendre son gaz naturel
à la Chine en renminbis.»

L'Iran avait ensuite décidé en 2012 de vendre ses hydrocarbures – gaz et pétrole – non plus en dollars mais en Yuan à la Chine et à la Russie, suivie d’ailleurs pour son gaz par la Russie en 2015.

Plus récemment le Qatar, le plus grand exportateur mondial de gaz, a accepté de vendre son gaz naturel à la Chine. Non pas en dollars américains, mais en renminbis. 

Enfin, Nicolas Maduro a annoncé en septembre 2017 son intention de vendre du pétrole et autres matières premières ou métaux en devises autres que le dollar... pour libérer l'économie du Vénézuela du dollar américain.

Serait-ce une coïncidence que l’Irak se soit retrouvé pulvérisé en 2001, la Lybie atomisée en 2011 et que la Syrie échappe de peu au même sort si ce n’avait été pour l’interposition de la Russie? De même, est-ce toujours un hasard si les principaux pays dans la ligne de mire des US et de l’Europe se trouvent être la Russie, l’Iran, le Vénézuela et dernièrement le Qatar, puni par Washington par une avalanches de déboires avec ses voisins et partenaires du Conseil de coopération du Golfe (CCG), notamment sous forme d’accusations de financement du terrorisme.

«La Chine ne se trouve-t-elle pas dans la position
des Etats-Unis dans les années 1970?»

Qu’adviendrait-t-il si le petrodollar cessait d’être un passage obligé ou du moins devenait aisément contournable par l’utilisation d’autres devises, notamment le Yuan? Surtout que celui-ci est dorénavant librement convertible en or physique depuis que la Chine vient de lancer avec succès en janvier un contrat à terme sur le pétrole libellé en yuans et convertible en or.

La Chine, désormais premier importateur de pétrole au monde, depuis que les Etats-Unis ont mis en place leur stratégie d’indépendance énergétique avec le gaz de schiste, ne se trouve-t-elle pas dorénavant dans la position des Etats-Unis dans les années 1970? A savoir celle d’imposer un petroyuan comme l’avaient fait les US avec le dollar. Pour le moment l’Arabie Saoudite reste de loin le plus gros producteur de pétrole au monde et continue à jouer le jeu du petrodollar. Mais au cours du baril actuel, elle a réalisé un déficit budgétaire de 8,9% du PIB en 2017 alors qu’au même cours, la Russie, deuxième exportateur mondial, contient son déficit budgétaire à 1,4% du PIB.

En d’autres termes, en raison de sa plus faible dépendance aux exportations de pétrole pour survivre, la Russie peut bien mieux se permettre un prix du baril bas que l’Arabie Saoudite. Est-ce que la Chine pourrait en profiter pour imposer à l’Arabie Saoudite d’accepter ses yuans pour son pétrole, sinon elle se tournerait vers la Russie qui serait ravie de les accepter? Une chose est sûre, Les US et l’Europe ne peuvent réserver à la Chine le même sort qu’à l’Irak et à la Lybie? Et la Russie en se positionnant comme arbitre potentiel de ce nouveau défi de titans, ne peut qu’être dans les mauvais papiers du monde occidental qui ne veut pas accepter que l’on passe d’un monde unipolaire sous influence américaine à un monde tripolaire. Peut-être que le principal crime de lèse-majesté que Trump est entrain de commettre aux yeux d’une partie de l’establishement américain, c’est d’avoir réalisé que la partie est déjà jouée et qu’il vaut mieux s’asseoir à table avec Putin et Xi pour discuter d’une nouvelle distribution des cartes. Il est possible que cette faction de l’Amérique préfère une bonne guerre de plus, de préférence mondiale, plutôt que de capituler.

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