Orage boursier – Weekly Note de Credit Suisse au 9 février

Burkhard Varnholt, Credit Suisse

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Nous voyons que le dicton «An apple a day keeps the doctor away» s’applique également à la bourse.

La récente agitation boursière est-elle seulement une tempête dans un verre d’eau – ou davantage? À quoi les investisseurs doivent-ils faire particulièrement attention pendant cette période? Il semble que la technologie, en tant que «Supertrend», offre de nouvelles opportunités de positionnement. Mais où  en particulier? Nous voyons que le dicton «An apple a day keeps the doctor away» s’applique également à la bourse. Et pour conclure, les décisions actuelles du Comité de placement du Credit Suisse.

1. Chute des cours boursiers: faut-il s’inquiéter?

 

«On ne peut pas prédire ce que va faire une action... à court terme, mais on peut prédire
que des entreprises se développeront bien au fil du temps.»
Warren Buffett
 
«Ils l’appellent un lundi orageux, mais mardi est tout aussi mauvais.
Mercredi est encore pire; jeudi terriblement triste.
L’aigle s’envole vendredi, et je sors samedi pour jouer...»
Eric Clapton – «Stormy Monday Blues»

 

La chanson d’Eric Clapton intitulée «Stormy Monday Blues» (déprime d’un lundi orageux) se fait l’écho de l’expérience intemporelle d’une semaine exécrable. L’année dernière, j’ai expliqué que la hausse continue des marchés boursiers depuis 2009 avait été interrompue par 47 crises de panique au total. La dégringolade des derniers jours est-elle la 48e ou s’agit-il d’un tournant? Les médias insufflent déjà la crainte d’une répétition du «lundi noir» de 1987 ou de la crise financière de 2008. Alors, à quoi les investisseurs doivent-ils s’attendre? Le Credit Suisse Global CIO Note de Michael Strobaek et le rapport actuel de notre Comité de placement relativisent la situation et expliquent pourquoi la correction des derniers jours ne constitue pas un tournant mais pourrait peut-être même se révéler bénéfique à long terme. Une comparaison réalisée sur une période prolongée met également en évidence que le récent recul des marchés ne doit pas inquiéter.

Déraillement?

La comparaison avec le «lundi noir» de 1987, si tant est qu’on puisse la faire, semble moins structurée que celle avec la crise financière de 2008. En effet, en 1987, nous avions connu une correction endogène, tandis que la faillite de Lehman le lundi 15 septembre 2008 avait déclenché une crise exogène. Le «lundi noir» de 1987 était survenu de manière soudaine et s’était évanoui tout aussi vite. Les systèmes de négoce automatique avaient, comme cette semaine, mis de l’huile sur le feu. Par la suite, ils avaient accéléré le redressement des cours.

Pourtant, les fondamentaux de l’époque étaient parfaitement d’équerre, en rétrospective tout au moins. Il en est allé différemment en 2008: les choses déraillaient depuis longtemps déjà lorsque la banque d’investissement américaine Lehman Brothers a annoncé son insolvabilité. Au même moment, la crise hypothécaire aux États-Unis a dégénéré en une crise bancaire nationale puis internationale. Dans le monde entier, des gouvernements ont dû sauver des banques et des compagnies d’assurance. Outre-Atlantique, par peur de la déflation, les taux directeurs ont été abaissés de cinq points de pourcentage en l’espace de six semaines seulement! Pourtant, le dollar est resté solide. Ce n’est qu’en 2009 que les marchés financiers ont commencé à entrevoir la fin de la récession du siècle. Actuellement néanmoins, la situation économique mondiale se présente de manière inverse à certains égards.

Du déjà vu?

Les parallèles entre les circonstances actuelles et celles de 1987 vont de la réforme fiscale au changement de direction de la Réserve fédérale en passant par la dynamique des taux d’intérêt, des monnaies et de la conjoncture.

Le président américain Ronald Reagan avait adopté sa grande réforme fiscale en 1986, mais elle avait failli échouer peu avant le «lundi noir». Comme aujourd’hui, un nouveau président avait été nommé à la tête de la Fed. Il s’agissait d’Alan Greenspan qui, parmi ses premières mesures, avait procédé à un relèvement prudent des taux au vu de la croissance dynamique de l’économie. De même qu’actuellement, la crainte de l’inflation, d’un affaiblissement du dollar et d’un déficit de la balance commerciale américaine avait dopé les rendements à dix ans. En 1987, ceux-ci avaient progressé de 7,2% à 10,2%, ce qui, sur une base relative du moins, est comparable à la récente hausse de 1,6% à 2,8%. Le «lundi noir», l’indice Dow Jones avait perdu plus de 500 points sans crier gare, ce qui correspond à la moitié «seulement» de la baisse de mercredi dernier, mais représente une chute cinq fois plus importante sur une base relative, à savoir un recul de 22%. Alors, lesquels de ces parallèles sont pertinents? Il y en a deux: le rôle des systèmes de négoce automatique en premier lieu, et le débat naissant sur l’inflation en deuxième lieu.

Qu’est-ce que l’inflation et le dentifrice ont en commun?

On relève un paradoxe: une croissance trop forte peut-elle être néfaste? Quand la croissance crée-t-elle de l’inflation? Et quelles pourraient être les conséquences de l’inflation pour les investisseurs?

«L’inflation présente le même inconvénient que le dentifrice» a expliqué il y a une trentaine d’années Karl-Otto Pöhl, ex-président de la Banque fédérale d’Allemagne, «une fois sortie du tube, il est difficile de l’y remettre». Je n’ai jamais oublié son avertissement.

Mais dans quelle mesure le risque d’inflation est-il réel? Des forces cycliques temporaires ne luttent-elles pas avec des forces structurelles? Or, sur le plan structurel, il existe de nombreux facteurs qui s’opposent à l’inflation, notamment la numérisation, la mondialisation, les gains de productivité, les réserves de main-d’oeuvre et l’absence de salaires indexés sur l’inflation. Néanmoins, sur le plan cyclique, on ne peut pas ignorer une pression inflationniste isolée, qui n’est probablement que temporaire. Pourtant, aux États-Unis en particulier, la baisse des impôts, l’augmentation des dépenses publiques et le déficit croissant de la balance commerciale dans un contexte d’affaiblissement du dollar ont un impact inflationniste compte tenu du dynamisme conjoncturel. Mais de telles évolutions se corrigent généralement d’elles-mêmes, et il semble improbable que la fourchette d’inflation ciblée par la politique monétaire puisse être dépassée de manière durable.

Alors, qu’est-ce que la hausse modérée de l’inflation visée par la politique monétaire depuis plusieurs années signifierait pour les actions? Il y a fort à parier qu’elle leur conférerait un nouvel élan une fois la tempête actuelle apaisée. Il y a plusieurs raisons à cela. Premièrement, une inflation modérée augmente la probabilité que les investisseurs procèdent à des remaniements en faveur des actions, aux dépens des obligations. Deuxièmement, une élévation des taux d’intérêt fait mathématiquement baisser la valeur actualisée des pensions de retraite futures. Or cet effet augmente la propension au risque des institutions de prévoyance, lesquelles devraient accroître la part des actions dans leurs portefeuilles. Troisièmement, une inflation modérée soutient les branches ayant des engagements élevés, comme le secteur financier. Nous avons adopté un avis positif à l’égard de ce dernier lors de la récente réunion du Comité de placement du Credit Suisse.

Qu’est-ce qui se maintient? Qu’est-ce qui change?

Pour être bref, je dirai que l’économie mondiale reste robuste. L’inflation semble être d’une nature plus cyclique que structurelle. Pour l’exprimer simplement, elle finira par n’être plus qu’un vieux souvenir, tout comme la 48e crise de panique actuelle. La technologie stimule la productivité et les investissements. La consommation mondiale paraît demeurer stable. Les valorisations des actions sont modérées par rapport à celles des obligations et même bien souvent inférieures aux niveaux d’il y a douze mois en termes absolus.

Il y a autre chose qui ne change pas non plus, ce sont les qualités de notre processus de placement: focalisation, rigueur et prudence. En effet, un processus de placement solide dégage durablement davantage de rendement que s’il s’alignait sur les tendances à court terme. Warren Buffett l’a parfaitement résumé: «Price is what you pay, value is what you get» (le prix, c’est ce que vous payez, la valeur, c’est ce que vous obtenez). Nos mandats le confirment – par beau temps comme par mauvais temps.

Qu’est-ce qui change? Les secteurs à forte efficacité du capital tels que les banques et les assurances tirent profit de la hausse modérée des taux d’intérêt, tandis que les branches dont les capitaux sont fortement immobilisés en souffrent. Des propriétaires immobiliers vont peut-être opter pour des taux hypothécaires fixes. Pour l’instant néanmoins, la hausse de la volatilité offre surtout de nouvelles possibilités de placement dans les produits structurés. Mais les marchés boursiers vont se redresser, et les investisseurs «se mettront en quête de bonnes affaires», se souvenant alors de la devise asiatique: «La nuit est la plus sombre avant le lever du soleil».

2. Amélioration de la santé grâce à la technologie numérique?
Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais il y a des jours où je préférerais débrancher ma connexion Internet. Cela m’arrive par exemple lorsque, comme cette semaine, des algorithmes de négoce semblent temporairement dominer les marchés, le tout accompagné d’un grand tapage médiatique. Cela me déplaît au plus haut point. Mais qui en responsable: la technologie ou moi-même? La question se pose au vu du contexte actuel, car, premièrement, mes produits de placement à long terme préférés s’inscrivant dans notre Supertrend «La technologie au service de l’être humain» sont devenus meilleur marché ces derniers jours. Deuxièmement, la technologie fait progresser de nombreuses autres branches, comme la santé. Troisièmement, des acteurs tiers inattendus tirent souvent profit de celle-ci. C’est le cas des télécommunications, un secteur que nous apprécions particulièrement. J’y reviendrai en détail dans une prochaine communication.

«An Apple a day keeps the doctor away»

Quel prix sommes-nous disposés à payer pour prolonger notre vie en restant en forme? L’explosion des dépenses de santé se heurte à des limites financières. En Suisse, ces dépenses dépassent 10 000 francs par habitant/an. Selon des études de l’OCDE, c’est seulement aux États-Unis que la santé coûte encore plus cher1. À titre de comparaison: la Turquie a atteint ces dernières années une élévation équivalente de l’espérance de vie de ses 80 millions d’habitants pour environ un dixième seulement des dépenses de santé par personne enregistrées aux États-Unis.

Comment les choses vont-elles évoluer sans qu’il soit nécessaire de réduire les prestations? «Une pomme par jour» peut-elle permettre de diminuer les coûts? Peut-être, car Apple compte parmi les principales entreprises qui se disputent des parts sur le marché en croissance rapide des offres numériques dans le domaine de la santé. Avec ses applications d’entretien de la forme physique et de la santé, elle associe de nombreuses avancées technologiques telles que la mesure de la glycémie ou du rythme cardiaque, la collecte de données pertinentes relatives à la santé, ou encore l’administration de traitements numériques médicalement validés.

Plusieurs centaines de millions de clients procurent à des sociétés comme Apple, Amazon, Alphabet ou Facebook des avantages exceptionnels en matière de recensement et d’utilisation ciblés de données concernant la santé. Cela fait longtemps déjà qu’elles ont lancé des offres numériques dans ce domaine. Des cabinets médicaux numérisent les dossiers de leurs patients, par exemple pour envoyer automatiquement des recommandations en matière de vaccination. Alphabet entretient des partenariats fructueux avec le service national de santé britannique (NHS). Des entreprises à la croissance rapide telles que Pear Therapeutics, BlueStar, RockHealth ou Teladoc développent et vendent des traitements numériques ou prescrits par télémédecine, qui sont soumis à homologation.

En 2017, plus de six milliards de dollars de capital-risque ont été investis dans des entreprises du secteur de la santé informatisée, lesquelles proposent via smartphone ou smartwatch des traitements numériques pour des affections courantes telles que la grippe, le diabète, les problèmes cardiovasculaires, les douleurs chroniques, les insomnies, la dépression et Parkinson. Un nombre croissant d’États apportent leur soutien à ces solutions, car elles permettent d’améliorer la prévention, le diagnostic et le traitement pour un coût avantageux.

L’annonce de «Not-for-Profit Digital Health-Joint Ventures» (jointventures à but non lucratif pour la santé numérique) par Amazon, Berkshire Hathaway et JPMorgan Chase a provoqué le jour même (avant la tempête boursière actuelle) une baisse de 3% de l’indice américain de la santé, tandis qu’elle faisait progresser le Credit Suisse Global Digital Health Equity Fund. Le moment est-il propice pour investir sur ce marché en pleine expansion? Probablement plus que jamais. Paul Sonnier, un expert en matière de santé, expose clairement ci-dessous comment la technologie, au service de l’être humain, peut améliorer notre système de santé:

3. Décisions actuelles du Comité de placement du Credit Suisse

Au sein du Comité de placement du Credit Suisse, nous avons réitéré notre opinion selon laquelle l’orage boursier de ces derniers jours est un phénomène passager, mais avons décidé parallèlement d’opérer des modifications d’ordre tactique. S’agissant des placements en actions, nous avons adopté un avis positif sur les valeurs financières, en particulier les banques, car elles tirent profit de la dynamique actuelle des taux d’intérêt et des cours de change. En revanche, nous dégradons à neutre notre évaluation des actions du secteur de la santé compte tenu des défis exposés ci-dessus. Parallèlement, nous surpondérons les actions des pays émergents et sous-pondérons les actions canadiennes. En outre, nous passons de neutres à positifs sur la paire EUR/USD et de positifs à neutres sur la paire GBP/USD. Dans le domaine de l’immobilier international, nous préférons désormais Singapour à l’Australie. Enfin, au sein du segment du revenu fixe, nous relevons la part des obligations d’État australiennes en raison de la récente augmentation des rendements.

 

Les prochaines Notes paraîtront le 23 février 2018.

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