Nager avec le courant

Philipp Bärtschi, J. Safra Sarasin

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Les réformes fiscales décidées en décembre aux États-Unis ont relancé les espoirs d’expansion de l’activité.

Nouvelle année, nouveaux records

La nouvelle année a commencé comme la précédente s’était terminée : par de nouveaux records sur les marchés d’actions. L’indice suisse SMI fut l’un des derniers à afficher un nouveau record historique, début janvier, et la barre des 10 000 points est aujourd’hui à portée de main, pour la troisième fois depuis 2007 et 2015.

Record à la hausse pour l’indice SMI
Sources: Datastream, J. Safra Sarasin, 11.01.2018
 

Compte tenu de l’environnement de marché positif et des fondamentaux favorables, il semble aujourd’hui plus probable que jamais que l’indice franchisse enfin cette limite.

L’économie mondiale en pleine expansion

Les réformes fiscales décidées en décembre aux États-Unis ont relancé les espoirs d’expansion de l’activité. Bien que l’économie américaine soit déjà entrée dans une phase tardive du cycle, ce dernier devrait se trouver prolongé par le stimulus budgétaire. L’effet direct sur la croissance économique en sera certes limité, mais la probabilité d’un ralentissement de la croissance, associée à d’éventuelles craintes de récession, semble maintenant très éloignée et le scénario d’une phase d’expansion mondiale prolongée est devenu nettement plus vraisemblable. En effet, les indices des directeurs d’achats (PMI) sont déjà à des niveaux record, non seulement aux États-Unis, mais aussi en Europe.

Des indices PMI élevés partout dans le monde
Sources: Datastream, J. Safra Sarasin, 11.01.2018
 

Les pays émergents ont eux aussi connu une évolution positive lors des derniers trimestres, et ils contribuent de nouveau à la croissance mondiale. Depuis la publication d’indices PMI très satisfaisants en début d’année, les craintes d’un ralentissement en Chine se sont également estompées.

Comment réagissent les banques centrales?

En temps normal, une période de forte croissance économique, au cours de laquelle l’activité progresse plus vite que son potentiel à long terme, devrait tirer l’inflation à la hausse. Or, rien ne dénote actuellement un réel emballement des prix. Tant que ce sera le cas, nous resterons dans la configuration «juste comme il faut» d’une croissance solide couplée à une inflation inoffensive, qui ne justifie aucune intervention urgente de la part des banques centrales. Ces dernières devraient ainsi poursuivre la normalisation progressive de leur politique monétaire. Que se passerait-il, toutefois, si les prévisions d’inflation repartaient à la hausse et que les banques centrales décidaient d’agir sans tarder pour contrer tout risque de pression inflationniste?

Remontée progressive des prévisions d’inflation
Sources: Datastream, J. Safra Sarasin, 11.01.2018
 

Une poussée brutale des prévisions d’inflation constitue indéniablement un des risques les plus sérieux pour les marchés financiers cette année, d’une part à cause de la vigueur de la croissance, mais aussi de l’augmentation des prix du pétrole. En raison de l’effet de base de l’an dernier, l’inflation totale devrait bientôt remonter sensiblement. On peut également supposer que les banques centrales puissent décider de relever plus vite que prévu les taux d’intérêt.

Risque de crédit des marchés émergents: plus intéressant que la duration

Le risque de hausse des taux rend aujourd’hui moins attrayants les placements à longue maturité. Nos portefeuilles sont nettement sous-pondérés en obligations d’état. Quant aux obligations d’entreprises, elles bénéficient certes de conditions favorables, soutenues par une croissance économique dynamique et par l’amélioration des fondamentaux des émetteurs, mais les primes de risque de crédit extrêmement basses et l’envolée des taux d’endettement incitent à la prudence en cette phase tardive du cycle. Dans les pays émergents, la tendance structurelle reste en revanche très positive : fondamentaux solides, balances commerciales excédentaires et afflux de capitaux abondants dans les actifs de ces régions constituent des signes encourageants.

Actions: du potentiel dans les pays émergents

Les entreprises ont publié pour 2017 des résultats très satisfaisants, bien supérieurs aux attentes. Pour la première fois depuis des années, les analystes ont dû revoir à la hausse leurs prévisions de bénéfices. Dans ce contexte favorable, les marchés d’actions des deux côtés de l’Atlantique ont enregistré de mois en mois de nouveaux records. Le moral des investisseurs s’est ainsi considérablement amélioré ces dernières semaines, jusqu’à atteindre un niveau extrêmement élevé.

Des actionnaires optimistes
Sources: Datastream, J. Safra Sarasin, 11.01.2018
 

Par le passé, toutefois, le moral des investisseurs a souvent envoyé des signaux trompeurs aux marchés d’actions. Cet optimisme dure en effet souvent plusieurs mois et peut se traduire par davantage d’afflux de capitaux. Pourtant, les conditions d’une bonne performance des actions sont toujours réunies. Les effets budgétaires de la réforme fiscale américaine ne sont pas encore totalement intégrés dans les cours. Les valorisations des actions sont certes toujours élevées, mais le contexte macroéconomique est robuste et les prévisions de bénéfices devraient rester orientées à la hausse. Aux États-Unis, le secteur financier se révèle particulièrement attrayant compte tenu de l’augmentation des taux d’intérêt et de la déréglementation progressive du secteur. Ce sont toutefois les actions des pays émergents qui nous semblent les plus prometteuses. Nombre de ces régions sortent de récession et sont encore bien en deçà de leur croissance potentielle. De plus, le recul de l’inflation confère aux banques centrales locales une marge de manœuvre de politique monétaire. Enfin, les valorisations restent intéressantes par rapport aux pays industrialisés.

Stratégie de placement: surpondération des actions

La conjoncture très favorable nous incite toujours à l’optimisme envers les placements risqués. Ceux.ci nous semblent cependant plus attractifs dans les actions que dans les obligations. Concernant ces dernières, les faibles primes de risque de crédit leur confèrent aujourd’hui un profil de risque particulièrement déséquilibré. Nous restons surpondérés sur les actions et nettement sous-pondérés sur les obligations. Pour ces deux catégories d’actifs, nous surpondérons les pays émergents, dans lesquels nous voyons le meilleur potentiel. Bien que les fluctuations des marchés financiers soient appelées à augmenter avec la hausse des taux, il nous semble trop tôt pour se positionner à contre-courant. Tant que les fondamentaux nous réserveront de bonnes surprises, les éventuels revers devraient rester de courte durée.