Mon ami le Vice-Président de la Fed me disait l’autre jour…

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

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Quelques refléxions de Randal Quarles sur l’état de l’économie américaine lors du déjeuner du New York Economic Club.

Pour Randal Quarles, le diagnostic est clair: l’économie américaine continue d’aller très bien. En revanche, la montée des incertitudes plaide pour la poursuite d’une normalisation graduelle de la politique monétaire. Mais alors que l’activité économique croît bien au-delà de son potentiel, que faut-il faire pour maintenir le cap sans risque de surchauffe ou d’effondrement?

Cette question conduit à une double réflexion sur l’estimation de la croissance potentielle aux Etats-Unis d’une part, et la mesure de l’inflation d’autre part. Si le Vice-Président de la Fed se montre plutôt optimiste sur le premier point, il s’est montré plus réservé en abordant la question de l’inflation.

La part des jeunes diplômés d’université ayant fortement progressé,
leur taux de chômage est au plus bas.

Examinons le cours de son raisonnement:

Sachant que la croissance potentielle repose sur l’appréciation de l’offre de Travail, de Capital et la productivité globale des facteurs, la Réserve Fédérale remarque que du côté du travail, le déclin du taux de participation de la population active touche à sa fin. Non seulement, la sortie des classes d’après-guerre des baby boomers se ralentit, mais plus encore, les contingents plus jeunes intègrent mieux le marché du travail. De plus, le degré moyen de qualification de ces nouvelles générations a augmenté: la part des jeunes diplômés d’université ayant fortement progressé, leur taux de chômage est au plus bas. Cette appréciation reviendrait alors à revoir à la baisse le taux de chômage structurel ou NAIRU1. Par ailleurs, la Réserve Fédérale note que l’investissement productif s’est accentué ces derniers trimestres. De plus, les entreprises continuent d’afficher des perspectives d’investissement dynamiques, notamment dans l’équipement en nouvelles technologies et en robotique. Aussi, la productivité du travail, en faible progression ces dernières années, pourrait bien accélérer.

Il ressort de cette analyse que l’élévation de la croissance potentielle laisse une marge de manœuvre à l’accélération de l’activité sans générer d’inflation. Mais comment évaluer précisément l’écart entre l’activité réelle et son potentiel? L’évolution de l’inflation devrait en être la mesure. Mais celle-ci est-elle aussi fiable qu’on le souhaiterait? La politique monétaire de ces dernières années a-t-elle fini par conduire à une dérive dans le comportement des agents économiques? En effet, la Fed constate que leurs anticipations sont devenues le facteur déterminant de l’inflation réalisée. C’est l’histoire du serpent qui se mord la queue: lorsqu’un indicateur s’impose comme un objectif de politique économique ou monétaire, il perd de son «objectivité». Aussi devient-il plus difficile de s’y fier. La Réserve Fédérale, consciente de ce paradoxe, s’inquiète du risque d’un «désancrage» soudain des anticipations inflationnistes. Elle cherche alors à renforcer son arsenal analytique en incluant des mesures telles que la formation de goulots d’étranglement dans la production et le taux de participation à l’emploi.

La Réserve Fédérale est plus attentive au cycle économique
qu’à la stabilité du secteur financier proprement dite.

Face aux soubresauts des marchés, aux accusations des politiques, la Fed réitère son message de stabilité. Employant une métaphore d’aviation2, Randal Quarles a rappelé la nécessité de maintenir un cap clairement établi, stable, et une approche graduelle de la politique monétaire.

Il reconnaît aussi que la Réserve Fédérale est plus attentive au cycle économique qu’à la stabilité du secteur financier proprement dite, qu’il estime assez solide, grâce au bon niveau de capitalisation des banques américaines.

Il n’empêche, la Réserve Fédérale sait bien que la normalisation monétaire en cours intervient dans un contexte d’accumulation et d’accroissement de l’endettement, notamment public, ce qui lui confère désormais une marge de manœuvre bien étroite. Au risque de voir un jour son indépendance remise en question par le législateur?

 

1 NAIRU: non accelerating inflation rate of unemployment (Taux de chômage dit structurel ou frictionnel)
2 «Don’t chase the needles», ne pas changer de cap en fonction d’une petite altération des aiguilles des indicateurs de bord.

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