Marchés européens: éviter les turbulences

Robert Lind, Capital Group

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Axée sur les échanges, l’économie européenne a marqué le coup à la mesure des craintes des investisseurs sur le litige commercial.

Après leurs résultats éclatants de 2017, les actions européennes ont jusqu’à présent déçu les investisseurs en 2018. Les litiges commerciaux mondiaux, les dissensions politiques et le ralentissement de la croissance économique pèsent sur les marchés. Davantage de difficultés et d’incertitudes encore pourraient se profiler à l’horizon pour 2019.

Qu’est-il arrivé à l’enthousiasme pour les actions européennes de 2017? Avec l’élection d’Emmanuel Macron, un Président réformateur, en France, le maintien au pouvoir de la Chancelière Angela Merkel en Allemagne et les signes d’une amélioration de la croissance économique dans la zone euro, les bénéfices des titres européens ont dépassé la barre des 10%. Les marchés européens semblaient enfin prêts à renverser la vapeur après de longues années à la traîne d’un marché haussier solide aux États-Unis.

C’est bien l’Europe qui a le plus à perdre dans une guerre commerciale.

Cette année, ces espoirs se sont évanouis. Axée sur les échanges, l’économie européenne a marqué le coup à la mesure des inquiétudes des investisseurs face aux différends agitant le commerce mondial. Dans plusieurs pays importants, le paysage politique s’est troublé. Cet enchaînement malheureux d’événements s’est ensuite répercuté sur les places boursières européennes, qui se sont une nouvelle fois avérées incapables de suivre le rythme des valeurs américaines. Trois facteurs sous-jacents expliquent la dislocation des marchés internationaux:

Les conflits commerciaux internationaux pénalisent l’Europe plus que toute autre grande région économique.

L’Europe est sensible aux perturbations des échanges. Si l’affrontement entre les US et la Chine accapare l’attention des médias, c’est bien l’Europe qui a le plus à perdre dans une guerre commerciale. Cette raison est déterminante dans le rendement atone des titres européens cette année. À la fin du troisième trimestre, l’indice MSCI Europe est en recul d’environ 2 % en dollars US. Cette tendance contraste avec un rendement de quelque 11 % pour les actions des États-Unis, qui n’ont pas cessé de battre des records tout au long des neuf premiers mois de l’année. Sur les marchés des devises, l’euro s’est effrité de 3 % par rapport au dollar cette année, les flux d’actifs américains ayant été soutenus par les taux d’intérêt élevés et l’économie dynamique aux États-Unis, en conjonction avec un mouvement de fuite vers la sécurité.

Les discordes politiques remettent en question la stabilité de l’Union européenne.

Une dimension politique s’est ajoutée aux craintes d’ordre commercial. Le redressement des bourses européennes qui s’était amorcé en 2017, à la faveur des élections françaises, s’est lentement essoufflé lorsqu’il est apparu que les réformes économiques de Macron se heurteraient à une opposition radicale dans le pays. En Allemagne, Merkel a été critiquée lorsque son parti est sorti affaibli des parlementaires.

De part et d’autre de la Manche, les négociations amères sur le Brexit se poursuivent et il est possible que le UK quitte l’UE sans accord commercial, ce qui pourrait provoquer de graves problèmes dans les deux camps.

La politique européenne est de plus en plus fragmentée.

En même temps, la nouvelle coalition populiste que les élections ont récemment hissée au pouvoir en Italie a ravivé les craintes quant aux politiques budgétaires de la 3ème économie européenne et à sa volonté, à long terme, de rester un membre de l’Union européenne et le 19e État membre de la zone euro.

La politique européenne est de plus en plus fragmentée. À travers le continent, les courants populistes et nationalistes incarnés par certains partis marginaux se font entendre haut et fort. Loin de l’extinction, ils gagnent même du terrain dans plusieurs pays, comme l’Allemagne, l’Italie et la Norvège.

Si les regards se portent vers l’avenir, 2019 n’inspire guère l’optimisme. On pourrait assister à un changement de gouvernement en Allemagne, à un «Brexit dur» au UK et à une instabilité politique et financière en Italie, sans oublier que Mario Draghi doit quitter la présidence de la BCE en octobre 2019. Qui plus est, il est prévu que la BCE arrête son programme d’incitation par l’achat d’obligations d’ici à décembre et qu’elle envisage une hausse des taux d’intérêt au milieu ou à la fin de l’année 2019.

Les États-Unis comptent davantage de sociétés ayant une croissance séculaire.

La disparité entre les rendements des titres américains et européens tient également à la rareté des sociétés technologiques à forte croissance en Europe. Les secteurs des technologies et des biens de consommation discrétionnaires, qui alimentent la progression du marché américain depuis 2009, représentent un pourcentage nettement inférieur de l’économie européenne. Chacun sait que de formidables moteurs pour le marché, comme Amazon, Apple, Facebook, Google, Microsoft et Netflix, sont implantés aux États-Unis.

Deux sociétés seulement – SAP et ASML – constituent près de la moitié
de la capitalisation boursière du secteur technologique européen.

En comparaison, deux sociétés seulement – SAP en Allemagne et ASML aux Pays-Bas – constituent près de la moitié de la capitalisation boursière du secteur technologique européen. Souffrant d’une déficience de sociétés innovantes actives dans les technologies de pointe et grand public, l’Europe peine en queue de peloton d’une relance à long terme fondée sur le high-tech.

Implications sur les investissements

Les investissements dans des entreprises, et non dans des secteurs ou des économies, pourraient ainsi être favorisés. D’un point de vue macroéconomique, nul ne sait si l’Europe connaîtra une embellie à brève échéance, mais ce n’est pas indispensable pour que les investisseurs attentifs aux fondamentaux dénichent des entreprises attrayantes affichant une croissance séculaire. Le constructeur aéronautique européen Airbus en est un bon exemple, ses parts se négociant à un cours sensiblement plus bas que l’Américain Boeing. Cette catégorie d’entreprises inclut également le fabricant d’équipements pour semi-conducteurs ASML et la banque HSBC, qui a son siège au Royaume-Uni et s’intéresse à l’Asie pour accélérer sa croissance.

Sous l’angle du rendement des indices, les actions européennes sont décevantes, mais force est de constater qu’il existe en Europe des sociétés qui, sur un pied d’égalité, présentent un attrait supérieur à leurs homologues américaines en termes de prix. Ces opportunités doivent simplement s’analyser individuellement pour chaque titre et ne dépendent d’aucune sorte d’impulsion de l’économie européenne.

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