Marchés émergents: crise ou opportunité?

David Rees, J. Safra Sarasin Asset Management

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Le niveau raisonnable des fondamentaux devrait finir par soutenir les performances en fin d’année.

Au cours des prochains mois, les marchés émergents (ME) resteront confrontés à de nouvelles fluctuations du sentiment des investisseurs sous l’effet d’un cocktail détonnant de risques (tensions géopolitiques et relations commerciales mondiales, durcissement des politiques monétaires dans le monde entier, nombreuses échéances électorales à venir). Mais parler d’une crise systémique de la dette des ME est exagéré et le niveau raisonnable des fondamentaux devrait finir par soutenir les performances en fin d’année. Les investisseurs devront simplement se montrer plus sélectifs.

Les ME devraient rester volatils

Après un début d’année sur les chapeaux de roues, les marchés financiers des pays émergents ont récemment connu des mois plus difficiles. La hausse des rendements des bons du Trésor a fait ressurgir le souvenir douloureux des précédentes corrections, et a mis à jour des vulnérabilités extérieures de longue date en Argentine et en Turquie, qui ont fini par contraindre les responsables politiques de ces deux pays à relever en urgence les taux d’intérêt. Les obligations des ME ont également subi des pressions, les obligations d’État et d’entreprises libellées en dollar ayant essuyé des pertes de 4,6% et 2,7% en moyenne depuis le début de l’année. 

 

La faiblesse des spreads de crédit expose les obligations en devise forte à un regain d’aversion pour le risque
Sources: Bloomberg, J Safra Sarasin, 30.05.2018  

 

Les spreads de crédit des obligations en devise forte des ME devraient continuer d’augmenter à court terme. Cependant, malgré le récent ajustement, les valorisations ne sont pas faibles, en particulier sur le segment des obligations d’entreprises. Et les investisseurs doivent encore absorber un cocktail détonnant de risques, allant des tensions géopolitiques mondiales aux relations commerciales, en passant par le durcissement des politiques monétaires américaine et européenne, et les élections au Brésil et au Mexique, notamment.

Une crise systémique de la dette est exclue

Cela étant, il serait abusif de parler d’une crise de la dette des ME qui rappellerait celles de l’Amérique latine des années 80 et de l’Asie de la fin des années 90 voire la récente crise financière mondiale. 

Il ne fait pas de doute que la dette des ME a augmenté au cours des dix dernières années. Mais plus que le montant de la dette en valeur absolue, c’est la capacité des États à honorer leurs engagements qui importe vraiment. En effet, si l’Argentine et la Turquie affichent des ratios d’endettement relativement faibles,  ces deux pays ont toujours été exposés à un choc de liquidité en raison de leur forte dépendance des entrées de capitaux à court terme pour financer d’importants déficits courants et d’un très faible taux de couverture de la dette extérieure à court terme. Ce qui est maintenant un fait avéré. 

 

Balance des paiements: l’Argentine et la Turquie font exception 
Sources: Datastream, J Safra Sarasin, 30.05.2018   

 

Mais (s’il en est) rares sont les autres grands ME qui affichent des fondamentaux aussi fragiles, ce qui rend improbable le scénario de crise systémique de la dette. Les déficits courants se sont résorbés presque partout depuis le «taper tantrum» de 2013, et la plupart des ME peuvent largement honorer leurs engagements à court terme.

 

La couverture de la dette extérieure à court terme est suffisante dans la plupart des ME
Sources: Banque mondiale, J Safra Sarasin, 30.05.2018    

 

En outre, dans la plupart des économies émergentes, l’inflation et les taux d’intérêt sont encore relativement faibles, ce qui soutient l’activité économique. La croissance chinoise ralentira probablement au second semestre 2018 et début 2019 à mesure que les conditions de crédit se durcissent, mais pas de façon inquiétante. Parallèlement, l’expansion économique de nombreux autres grands pays émergents comme l’Inde, la Russie, l’Indonésie et l’Afrique du Sud devrait être plus rapide en 2018 qu’elle ne l’a été en 2017 et cette embellie pourrait se poursuivre l’année prochaine.

 

L’histoire indique que la faiblesse actuelle des valorisations alimentera la surperformance des actions des ME
Sources: Datastream, J Safra Sarasin, 30.05.2018 

 

Le niveau raisonnable des fondamentaux ouvre la voie à des opportunités pour les investisseurs sélectifs

Par conséquent, si les ME subiront vraisemblablement de nouvelles pressions à court terme, le niveau encourageant des fondamentaux finira par revenir au premier plan une fois que le sentiment s’améliorera. Le dynamisme de l’économie devrait assurer une croissance bénéficiaire raisonnable et nous privilégions toujours les crédits d’entreprises de qualité. Les actions profiteront aussi probablement des perspectives prometteuses de résultats, et s’il l’on peut se fier aux enseignements de l’histoire, le net écart de valorisation devrait se traduire par une nouvelle surperformance des actions des marchés émergents par rapport à celles des pays développés au cours des douze prochains mois.