Marchés émergents: affaiblis, mais pas abattus

Philipp Bärtschi, J. Safra Sarasin

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Les placements des marchés émergents souffrent de la guerre commerciale.

 

Les annonces de mesures commerciales de plus en plus provocantes entre les États-Unis et le reste du monde ont sérieusement ébranlé les investisseurs en juin, ce qui a exercé une forte pression à la vente sur les actions. Tandis que les actions américaines faisaient preuve de résistance dans cette confusion, pour terminer le mois de juin en territoire positif, l’incertitude pesait fortement sur les marchés boursiers européens et, surtout, des marchés émergents.

Outre la guerre commerciale, les élections ont également affecté certains marchés émergents. Les investisseurs se sont ainsi détournés non seulement des actions, mais aussi des obligations de ces régions.

La croissance pourrait réserver de bonnes surprises

La capacité des placements émergents à se redresser dépend de différents facteurs, au premier rang desquels l’état des fondamentaux, en l’occurrence l’évolution de la croissance des trimestres à venir. Si l’escalade de la guerre commerciale est vouée à affecter la conjoncture à moyen terme, son influence semble limitée pour le moment. En réalité, malgré la récente volatilité des marchés, les mesures budgétaires de relance entretiennent encore une croissance très dynamique outre-Atlantique, l’activité continue de croître au-dessus de son potentiel long terme en Europe et les pays émergents affichent encore une croissance soutenue.

Les investisseurs peuvent aujourd’hui placer leur argent
sans risque avec une rémunération attrayante.

La dynamique économique mondiale mesurée par le climat des affaires s’est certes affaiblie depuis fin 2017. Le graphique ci-dessus dénote toutefois une stabilisation des chiffres de juin. Les données historiques laissent à penser que la dynamique pourrait repartir au second semestre, ce qui suppose une reprise de l’accélération de la croissance, déjà très forte aux États-Unis, dans les autres régions du monde également. Nous en déduisons que les prévisions de croissance, mais aussi des bénéfices des entreprises, sont actuellement trop modestes pour les pays émergents. Si nos conjectures se vérifient, les placements émergents devraient donc se redresser temporairement.

Des obstacles pour les actifs émergents

À moyen terme, les perspectives d’évolution des placements des marchés émergents, et en particulier des obligations, restent peu engageantes. La normalisation de la politique monétaire des banques centrales représente en effet un sérieux écueil. Contrairement aux années précédentes, il est peu probable que les banques centrales s’écartent de leurs programmes de relèvement des taux d’intérêt. La Réserve fédérale américaine a montré la voie et ses homologues devraient lui emboîter le pas. Comme les écarts de production se sont comblés et que l’inflation est nettement remontée depuis le début de l’année, cette normalisation devrait se poursuivre.

La hausse des taux américains devrait se traduire par de nouvelles sorties de capitaux des obligations émergentes, et les investisseurs en dollars sont déjà bien moins enclins à se positionner sur des placements mieux rémunérés mais plus risqués. Ce qu’on a appelé la chasse au rendement n’est plus nécessaire puisque les investisseurs peuvent aujourd’hui placer leur argent sans risque avec une rémunération attrayante. Cette situation s’applique encore plus aux investisseurs qui ont acheté des obligations émergentes en recourant à l’emprunt. Comme les coûts du financement ont sensiblement augmenté, il n’est plus vraiment intéressant, malgré la remontée des primes de risque de crédit, d’acquérir de tels titres en s’endettant, sans parler de la montée de la volatilité, qui reduit elle aussi le goût du risque des investisseurs. Pour les gestionnaires de fortune actifs, de grandes fluctuations sont également synonymes d’opportunités à saisir. Nous privilégions les obligations d’entreprises les mieux notées et évitons les titres à haut rendement. Après les revers subis dernièrement par les obligations en monnaies locales, nous distinguons parmi ces dernières quelques opportunités tactiques.

Les indices des directeurs d’achats
pourraient prochainement surprendre à la hausse.
La vente des actions émergentes exagérée

Les ventes massives d’actifs des pays émergents au deuxième trimestre ont touché les actions encore plus fortement que les obligations. Comme nous l’avons déjà mentionné, la guerre commerciale n’a rien changé à la qualité des fondamentaux et les perspectives pour les actions, y compris celles des marchés émergents, restent positives. Nous pensons donc que ces bons fondamentaux des pays émergents repasseront sur le devant de la scène à moyen terme. Une croissance économique soutenue devrait favoriser une solide progression des bénéfices et permettre aux marchés de la région d’enregistrer des performances bien supérieures à la moyenne grâce à des valorisations nettement plus attrayantes que celles des actifs des pays développés. Outre les actions émergentes, nous sommes également bien disposés à l’égard des actions américaines, qui profitent de la plus forte dynamique de croissance et sont moins affectées par la guerre commerciale. Notre allocation d’actif met toujours l’accent sur les actions des secteurs technologiques et des biens de consommation cycliques.

Allocation d’actifs: amélioration possible

Après un premier semestre éprouvant pour les actions hors États-Unis et une augmentation significative de la volatilité, une amélioration semble possible. Les indices des directeurs d’achats de toutes les régions du monde dénotent une stabilisation et pourraient prochainement surprendre à la hausse. Nous ne voyons aucun signe de récession imminente. La grande incertitude et l’aversion pour le risque aujourd’hui offrent une certaine protection contre de nouveaux revers. Nous restons donc surpondérés sur les actions et sous-pondérés sur les obligations. Concernant ces dernières, nous évitons tout risque de crédit excessif et veillons à la qualité des titres en portefeuille. À des fins de diversification, mais aussi afin de nous prémunir contre les risques d’inflation, nous maintenons nos positions dans les matières premières.