Les rendements du Trésor américain s’envolent

Allnews

2 minutes de lecture

Le rendement du 2 ans est passé au-dessus de 5% et celui du 10 ans à plus de 4%. Un décollage qui interpelle.

Poussée sur les rendements du Trésor américain jeudi matin après la publication d'un rapport sur l'emploi ADP plus favorable que prévu. Il a propulsé le rendement du Trésor américain à 2 ans (US2Y) au-dessus de 5% et celui à 10 ans (US10Y) au-dessus de 4%. En début de séance, le 2 ans a progressé de 15 points de base pour atteindre 5,09%, tandis que le 10 ans a augmenté de 10 points de base pour atteindre 4,04 %. La dernière fois que l’on a observé semblable essor de l'US2Y était en juin 2007. La hausse des rendements, en particulier sur le court terme US2Y, a accentué l'inversion de la courbe des rendements, à -105 points de base. Quelles sont les causes et conséquences de ces mouvements? 

Selon Charles-Henry Monchau, CIO de la Banque Syz, ces mouvements peuvent être attribués à une combinaison de plusieurs facteurs clés: la publication des minutes «hawkish» du FOMC, des données économiques solides reflétant la force de l'économie américaine, et une rupture technique déclenchée par le dépassement du niveau de 3,8% sur une base hebdomadaire. Il estime que la publication des minutes du FOMC a joué un rôle important dans ce mouvement car «elles ont révélé un sentiment hawkish au sein de la Réserve fédérale, suggérant une poursuite de la hausse des taux d'intérêt. Tous les membres du FOMC n'étaient pas entièrement convaincus par la pause dans les hausses de taux observée en juin» explique-t-il. Cette évolution a indiqué aux acteurs du marché que la Fed est déterminée à resserrer sa politique monétaire pour éviter une surchauffe de l'économie, ce qui accroît les attentes de nouvelles hausses de taux à l'avenir. 

«Ce sentiment a été conforté par des données économiques solides, tels que le rapport ADP, qui ont mis en évidence la résilience de l'économie américaine» ajoute Charles-Henry Monchau. 

Par ailleurs, estime-t-il «lorsque le rendement a clôturé au-dessus du niveau de 3,8% sur une base hebdomadaire, il a déclenché une rupture technique qui a créé un changement de sentiment sur le marché, indiquant un retournement de la tendance dominante». Les traders techniques et les systèmes algorithmiques ont tendance à réagir à de tels points de rupture, provoquant une pression à la vente accrue sur les obligations du Trésor américain qui contribue à l'augmentation des rendements.

«Une situation inédite où l’allocation d’actifs devient un travail d’orfèvre»

Pour Eric Vanraes, responsable de la gestion obligataire à l’Asset Management de la banque Sturdza, le passage ultra-rapide au-dessus de 4% est problématique : «plus les taux augmentent, plus la récession se rapproche. Les hypothèques à 7% sont déjà difficiles à supporter». 

Ce qui l’étonne tout autant est le renversement rapide de la pente de la courbe. Pas totalement inversée en début de semaine (voir son article de mardi), elle l’est dorénavant parfaitement, avec un 30 ans à 3,98% et un 10 ans à 4,03%. «Ce mouvement inattendu ne me parait pas une conséquence des minutes de la Fed mais est vraisemblablement dû à des commentaires de marché qui envisagent des premières baisses de taux repoussées aux «calendes grecques», en 2026», explique l’expert qui conclut : «avec un taux sans risque désormais à 5,5%, il devient plus compliqué d’investir dans des actifs risqués car on se doit d’exiger des rendements plus élevés de l’ordre de 10 à 12%. Les mouvements que nous observons dénotent une re-corrélation des marchés et mettent une énorme pression sur les marchés actions». 

«La pression sur les taux entre bien dans une logique de redéfinition des attentes des banques centrales qui poursuivront la hausse dans les prochains mois si l’on en croit les minutes de la Fed» explique de son côté Philippe Ferreira, Deputy Head of Economics & Cross-Asset Strategy chez Kepler Cheuvreux.  Conjuguées à des chiffres préliminaires sur l’emploi aux Etats-Unis particulièrement bons, ces attentes viennent contrarier les espoirs récents de ralentissement de l’inflation et de fin des relèvements de taux.

La courbe des taux affiche une inversion très sévère depuis fin mars, telle qu’on ne l’avait pas vue depuis des décennies «mais nous n’avions pas connu de phénomène inflationniste de cette ampleur depuis des décennies non plus» ajoute Philippe Ferreira. Il estime toutefois que la courbe des taux devrait se repentifier au fur et à mesure que l’inflation baisse au 2ème semestre 2023. Quant à l’effet sur les marchés, il est difficile à anticiper et les gérants restent prudents. «Les marchés actions auraient dû souffrir mais la pression haussière des taux ne les a pas entrainées à la baisse au premier semestre. En tout cas pas le secteur de la tech. Le Nasdaq a fait plus de 35% depuis le début de l’année» explique l’expert. Une situation inédite où l’allocation d’actifs devient un travail d’orfèvre.
 

A lire aussi...