Le risque est de devancer la courbe

John Plassard, Consultant pour Mirabaud Securities chez Cambridge Securities

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Banques centrales, qu’en attendre? Quatre membres de l'Association des Stratégistes d'Investissement de Genève (ISAG) répondent.

Un mouvement trop hâtif a toujours été, par le passé, un choc pour les marchés financiers.

Combien y aura-t-il de hausses de taux supplémentaires de la Fed en 2018 et pour atteindre quel taux directeur? Et en 2019?

Fin 2017, nous affirmions déjà qu’il y aurait 4 hausses de taux d’un quart de point en 2018, soit encore 2 cette année (septembre et vraisemblablement novembre) pour porter la fourchette entre 2,25% et 2,5%. Nous ne changeons pas nos estimations. Pour 2019 nos estimations nous amènent à penser qu’il y aura 3 hausses d’un quart de point. Nous devrions donc théoriquement nous situer dans une fourchette entre 3% et 3,25% à la fin de l’année prochaine. Nos anticipations se fondent sur les mandats de la Réserve fédérale américaine (Fed), soit le plein emploi et la stabilité des prix. Si une escalade de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine devrait avoir lieu, nous serions forcés de revisiter nos estimations.

Comment la politique monétaire de la BCE va-t-elle évoluer en 2018? En 2019?

Nous sommes en ligne avec les estimations de la BCE sur le fait que son programme de rachats d'actifs prendra fin en décembre 2018, après les avoir réduits de moitié, à 15 milliards d'euros par mois, sur les trois derniers mois de l'année. Pour 2019, la donne est plus compliquée, car en se fondant sur le principal mandat de l’institution de Francfort (la stabilité des prix), une hausse de taux peut avoir lieu au début de l’été (juin), à la fin septembre ou pas du tout ! On se souvient que le président Mario Draghi a laissé une porte ouverte en affirmant que la prochaine hausse des taux (d’un quart de point selon nous) aura lieu… «through the summer». Il faudra aussi déterminer s’il y aura une intensification des tensions commerciales avec les Etats-Unis.

Les banquiers centraux restent-ils stabilisateurs de l’économie?

La pression sur les banques centrales est très importante depuis la dernière crise financière. En effet leurs actions quasi collectives pour sauver le système financier en 2008 en ont naturellement fait d’elles les garantes de la stabilité économique. La question est donc de savoir aujourd’hui si leur crédibilité et leurs potentielles actions « en cas de coup dur » seront aussi efficaces qu’il y a 10 ans. Selon nous, leur soutien à l'économie mondiale n'est pas sans conditions. Il est en effet crucial que parallèlement les gouvernements engagent des réformes institutionnelles fondamentales, faute de quoi les actions des banques centrales perdront de leur effet sur l’économie….

Quels sont les principaux risques d'erreur que font courir les grandes banques centrales? Avec quel impact sur l'économie et les marchés financiers?

Le principal risque pour les banques centrales est qu’elles soient en avance sur le cycle économique (ahead of the curve) et doivent, à un moment ou à un autre abaisser leurs estimations (de hausses de taux notamment). Un tel mouvement a toujours été, par le passé (en 1937 ou plus récemment au début des années 2000 par exemple), un choc pour les marchés financiers. Cela peut aussi remettre en question la crédibilité de l’institution. On se souvient que l’ancienne présidente de la Fed, Janet Yellen, assumait être en retard, «behind the curve», «behind inflation», plutôt que de casser la reprise…

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