Le resserrement du crédit bancaire, une aubaine pour la BCE?

Eoin Walsh, TwentyFour Asset Management

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En refermant le robinet des liquidités au moment opportun, les banques de la zone euro fournissent des munitions pour une intervention de la BCE.

L’enquête portant sur l’octroi de crédits bancaires dans la zone euro au deuxième trimestre 2019, publiée la semaine passée1, semble indiquer que les banques européennes se montrent plus prudentes et commencent à durcir leurs conditions de prêt.

Les premiers touchés ont été les crédits aux entreprises et les crédits à la consommation, alors que la situation est restée inchangée pour les prêts immobiliers. La demande, quant à elle, a continué à augmenter dans tous les secteurs de l’économie. Pour l’ensemble de la zone euro, le taux de prêts refusés a atteint son plus haut niveau depuis 2015, année pour laquelle les premières données sont disponibles. Les résultats de l’enquête varient évidemment d’un pays à l’autre.

Les banques européennes prennent le lead

Il n’est guère surprenant que les entreprises italiennes soient les premières à pâtir du durcissement des conditions de crédit. Elles sont suivies par les entreprises françaises. En ce qui concerne le crédit à la consommation, c’est en Espagne, que les banques se sont montré les plus restrictives. Dans l’ensemble, le durcissement s’explique par les facteurs suivants. Les banques anticipent une détérioration générale de l’économie, leur tolérance au risque se réduit, leurs coûts de financement augmentent et leur marge de manœuvre est limitée par leurs contraintes bilancielles.

L’enquête portant sur l’évolution des prêts bancaires fournit aux responsables
de la BCE des arguments solides en faveur de nouvelles interventions.

Après une longue période durant laquelle les conditions d’octroi de crédits ont été relativement lâches, il ne paraît guère surprenant que nous entrions dans une phase plus restrictive. Fin 2018, les banques américaines menaçaient déjà de réduire leurs prêts. Mais, comme elles ne sont pas passées à l’acte, ce sont finalement les banques européennes qui ont durci leurs conditions les premières.

Des arguments pour une intervention

Quoique les résultats de l’enquête soient intéressants, c’est son impact potentiel sur l’état d’esprit de la Banque centrale européenne (BCE) qui paraît le plus important. La BCE étant elle-même à l’origine de l’enquête, il est peu probable que ses responsables l’ignorent. Lorsque Mario Draghi, le président sortant de la BCE, a pris la parole à Sintra en juin dernier, son discours a surpris. Il a paru si accommodant que les marchés ont fait grimper la probabilité d’une décision de baisse des taux dès la réunion du comité de politique monétaire du 25 juillet à 35%!

Il était visiblement prématuré de s’attendre à une réduction aussi rapide. Mais l’enquête portant sur l’évolution des prêts bancaires fournit aux responsables de la BCE des arguments solides en faveur de nouvelles interventions. En effet, comme la demande de crédit reste soutenue et que les banques invoquent la hausse des coûts de financement pour expliquer leur attitude plus restrictive en matière de crédit, il paraît parfaitement justifié de procéder à de nouvelles opérations de refinancement à long terme ciblées (TLTRO), comme le prévoit le programme qui devrait démarrer en septembre prochain.

Un durcissement opportun

L’enquête donne également du poids à l’argument selon lequel d’autres rachats d’actifs pourraient être nécessaires. La BCE hésitera en effet à permettre un durcissement des conditions de prêt qui serait susceptible de plonger la zone euro dans la récession, car ses efforts visent en fin de compte à remettre en marche les mécanismes de transmission et à créer un environnement propice à l’octroi de crédits.

Bien que l’enquête ne montre pas que les banques aient complètement fermé le robinet des liquidités, le durcissement paraissant en fait relativement limité, le moment semble opportun pour prendre une décision de ce genre. Car si la BCE a besoin d’une raison supplémentaire pour intervenir, cette enquête est susceptible de la lui fournir.

 

1 «The euro area bank lending survey», second quarter of 2019, European Central Bank

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