Le meilleur moment pour investir? C’est aujourd’hui! – Weekly note de Credit Suisse

Burkhard Varnholt, Credit Suisse

6 minutes de lecture

Pourquoi investir est généralement plus judicieux qu’attendre. Pourquoi la croissance recèle encore un potentiel haussier. Pourquoi l’or brille à nouveau mais reste une question de perspective.

Le premier semestre a été fructueux pour les marchés boursiers, mais de nombreux investisseurs déplorent le fait de n’avoir guère pu en profiter. En effet, la conservation d’un important volume de liquidités réduit souvent le rendement global et soulève des questions concernant la stratégie de placement: faut-il investir aujourd’hui les liquidités à disposition? Ou vaut-il mieux attendre des cours plus avantageux pour se positionner? Nous répondons en jetant un regard sur l’histoire des marchés financiers et sur la possible évolution future de l’économie dans son ensemble. C’est en particulier dans les périodes de taux d’intérêt bas et dans le cas des placements à long terme (tels que les plans de prévoyance) qu’investir est généralement plus judicieux qu’attendre. Nous expliquons par ailleurs pourquoi le nouvel éclat de l’or n’est peut-être qu’une question de perspective.

Pourquoi investir est généralement plus judicieux qu’attendre

Étant donné que certaines stratégies de placement pondérées enregistrent cette année une performance à deux chiffres, les investisseurs se demandent s’il est encore temps de placer leurs liquidités ou s’il ne vaut pas mieux attendre une baisse des cours. L’histoire des marchés financiers fournit à cet égard une réponse de principe très claire: les coûts d’opportunité d’un report de positionnement alors que l’horizon de placement s’élargit suggèrent généralement qu’investir est plus judicieux qu’attendre. 

Ce que révèle l’histoire des marchés boursiers

Premièrement, il n’est jamais trop tard pour investir avec succès. En effet, tant que la population mondiale, l’économie et la masse monétaire augmentent et que le changement technologique et social crée de nouveaux marchés, les investisseurs peuvent tirer profit de cette croissance. 

Deuxièmement, lorsque l’horizon de placement est suffisamment long, il n’est pas obligatoire de commencer à investir jeune. Warren Buffet, le légendaire investisseur américain, a déclaré avoir réalisé 99% de son succès avec les placements qu’il a effectués après l’âge de cinquante ans. Ce qui importe bien davantage, ce sont les facteurs suivants: a) une évaluation correcte du capital de placement librement disponible, b) la détermination de la capacité et de la disposition à assumer des risques, ainsi que c) le choix de la stratégie et des instruments correspondants.

Troisièmement, les marchés financiers nous donnent eux-mêmes d’importantes indica-tions selon lesquelles il est plus judicieux d’investir que d’attendre. Nous en relevons neuf:

  1. Les actions ont globalement affiché une performance positive sur 74% des années prises en considération.
  2. Plus l’horizon de placement est long, plus le risque de correction est faible. Même après la grande crise financière de 2008/2009, la plupart des indices boursiers se sont redressés en moins de quatre ans. Au bout de dix ans, le risque d’une performance négative s’approche de zéro (voir graphiques 1, 2 et 5).
  3. Plus les taux d’intérêt sont bas, plus il est préférable d’investir que d’attendre. S’il est rémunéré à 6%, le capital double automatiquement au bout de dix ans, mais il ne le fait jamais en l’absence de rémunération.
  4. La performance dépend à plus de 82% du choix de la stratégie de placement, non du timing ni de la sélection des titres (voir graphique 4).
  5. L’adage boursier selon lequel «les allers-retours vident les poches» ne fait pas référence aux frais de transaction mais suggère qu’un (trop) grand nombre de remaniements de portefeuille ne constitue pas une stratégie durable.
  6. Les marchés boursiers ne suivent aucune règle universelle. La diversification est la meilleure protection contre les risques (voir graphique 3).
  7. Une erreur courante consiste à croire que la volatilité des marchés financiers est plus élevée aujourd’hui qu’autrefois. Or, on relève que 14 des 20 plus fortes fluctuations journalières subies par la bourse américaine sont survenues avant 1940. S’agissant des six autres, trois se sont produites en octobre 1987 et trois en 2009, pendant la crise financière.
  8. Depuis 1935, les actions américaines ont enregistré
    - environ une fluctuation de +/- 1% par semaine de transaction
    - environ une fluctuation de +/- 2% par mois
    - une hausse cumulée de plus de 25’000%
  9. Les fluctuations journalières se lissent au fil du temps.

Que nous apprend la conjugaison de ces facteurs? Les coûts d’opportunité liés à l’attente du moment adéquat dépassent généralement les possibles rendements des investissements. Voilà pourquoi le principe suivant s’applique aux investisseurs performants sur le long terme: «Le meilleur moment pour investir, c’est aujourd’hui.»

Ce principe est-il également valable en Suisse?

Nous répondons sans hésiter par l’affirmative. Les constats énumérés ci-dessus s’appliquent à la Suisse dans une mesure encore plus forte, comme le prouvent les faits suivants1:

  1. Le franc suisse est la monnaie la plus solide du monde depuis plus de cent ans.
  2. La Suisse enregistre l’inflation la plus faible du monde depuis plus de cent ans.
  3. Les emprunts de la Confédération ont enregistré la meilleure performance du monde ces cent dernières années.
  4. Le marché boursier helvétique est le huitième du monde.
  5. Du fait du niveau bas des taux d’intérêt, la prime de risque sur les actions suisses est particulièrement élevée.
  6. Les actions helvétiques ont dégagé un rendement moyen de 6,7% par an (voir graphique 6).
  7. Par le passé, les actions helvétiques ont enregistré une performance globalement supérieure à la moyenne et même fortement supérieure à la moyenne en comparaison européenne.
  8. 1000 francs investis en actions suisses en 1900 auraient rapporté aujourd’hui près de deux millions de francs (voir graphique 6).
  9. Les placements en Suisse revêtent un risque relativement faible. Les actions et les obligations affichent respectivement la quatrième et la deuxième volatilité la plus basse du monde.

En résumé: en Suisse, les coûts d’opportunité liés à l’attente du moment opportun sont extrêmement élevés en raison des taux d’intérêt négatifs. Les comparaisons montrent également que les placements financiers helvétiques comptent parmi les plus performants du monde depuis plus de cent ans.

Les implications sont importantes pour les investisseurs: c’est en particulier dans le cas des placements à long terme (tels que les placements de prévoyance) qu’il faut également suivre l’adage «Ne remets pas au lendemain ce que tu peux faire le jour même». Si une partie de vos liquidités attend d’être investie dans des plans de prévoyance, vous ne devriez pas tarder davantage à les placer.

Observons quelques graphiques pour mieux comprendre:

 

Les investissements ne sont-ils aujourd’hui pas plus dangereux que jamais?

Les investisseurs qui attendent depuis plusieurs années le moment adéquat pour placer leurs importantes réserves de liquidités objectent souvent que le monde traverse actuellement une dangereuse période de turbulences (géo)politiques. Ou bien ils défendent le point de vue selon lequel il serait à présent trop tard pour rattraper une croissance amorcée il y a dix ans déjà. Je leur réponds que les crises géopolitiques ont généralement de faibles répercussions sur les marchés boursiers, et que si elles en ont, c’est souvent sous une forme que beaucoup n’anticipaient pas, car les entreprises sont pragmatiques et flexibles. Quelques exemples l’illustrent. 

Crises mondiales et performance des actions sous l’angle du S&P 500

Jetons un regard à une sélection d’années de crise:

1939: Début de la Seconde Guerre mondiale; l’Allemagne envahit la Pologne; elle signe avec l’Italie un engagement réciproque d’assistance. 
→ Les actions perdent 1,4%.
1940: Hitler envahit la France; la bataille d’Angleterre fait rage; les États-Unis dur-cissent la réglementation de leurs marchés boursiers. 
→ Les actions gagnent 3,5%.
1941: Le Japon inflige aux États-Unis leur défaite la plus traumatisante à Pearl Harbor; l’Allemagne envahit la Russie; les États-Unis déclarent la guerre au Japon, à l’Alle-magne et à l’Italie. 
→ Les actions gagnent 18,7%.
1961: La guerre froide s’aggrave avec la construction du mur de Berlin; les États-Unis envoient des troupes au Vietnam; l’invasion de la Baie des cochons à Cuba échoue; outre-Atlantique, le mouvement antiraciste des droits civiques divise la société et la classe politique. 
→ Les actions gagnent 20,8%. 
1962: Crise de Cuba; une guerre nucléaire menace le monde; la Chine et l’Inde s’en-gagent dans un conflit armé concernant leur frontière. 
→ Les actions perdent 6,2%. 
1963: Le président américain est assassiné; le gouvernement du Vietnam du Sud est renversé; de nouveaux conflits raciaux enflamment les États-Unis. 
→ Les actions gagnent 15,4%.
2008: La grande crise financière ébranle les systèmes financiers mondiaux; les mar-chés boursiers enregistrent la plus forte baisse annuelle depuis 1930. 
→ Les actions perdent 40,3%. 
2009: Début du redressement du système financier en dépit d’un chômage persistant; récession et nationalisation de nombreuses entreprises.
→ Les actions gagnent 30,8%.
2010: Crise de la zone euro; le Portugal, l’Irlande, l’Italie et la Grèce luttent pour rester solvables; ils reçoivent des injections de capitaux externes et acceptent l’imposition de programmes de réforme politique.
→ Les actions gagnent 12,3%. 

Quelles leçons pouvons-nous en tirer? Les conflits, les dangers et même le chaos mènent régulièrement le monde au bord du gouffre, mais ils ne signent jamais sa disparition. L’histoire ne connaît pas de «fin de partie». C’est un continuum. Il en va de même en bourse. Un événement qui semble sans précédent aujourd’hui ne l’est pas en réalité. Et ce principe s’applique également au conflit commercial actuel. Les hommes et les entreprises surmontent les situations de crise qui se succèdent. Ils sont résistants, et les marchés boursiers le sont aussi par voie de conséquence.

Pourquoi la croissance recèle encore un potentiel haussier

D’aucuns prétendent que le redressement de l’économie mondiale – amorcé il y a dix ans après le marasme de 2009 – touche à sa fin, et que la baisse des taux d’intérêt annonce la prochaine récession. Pourtant, on peut opposer par exemple à de telles affirmations le fait que la grande crise financière de 2008/2009 a été, de par son ampleur, la crise du siècle. Cela explique pourquoi elle a un effet traumatisant aujourd’hui encore et pourquoi a) les investisseurs détiennent plus de liquidités qu’auparavant et que b) l’embellie conjoncturelle est à bien des égards la deuxième reprise la plus faible des six périodes de redressement comparables survenues après des récessions, ce qui lui confère par là-même un potentiel haussier supplémentaire (voir graphique 7).

Le fait que la conjoncture ne se soit redressée que de manière relativement modérée ces dix dernières années est principalement imputable à une certaine retenue au niveau de la consommation et des investissements des entreprises. Comme nous le savons, ce phénomène n’est en tout cas pas attribuable à un manque de compétitivité, du moins pas en Suisse ni aux États-Unis. Une analyse des deux principaux moteurs de la conjoncture que sont la consommation et les investissements le met en évidence (voir graphiques 8 et 9):

En dépit de l’affaiblissement provisoire de la conjoncture mondiale, nous ne décelons aucun signe de surchauffe ni de cycle «prospérité - récession». En effet, le traumatisme infligé par la grande crise financière de 2008/2009 est la principale raison pour laquelle la reprise de l’économie et des marchés boursiers pourrait durer plus longtemps que ce ne fut le cas lors de cycles antérieurs.

Pourquoi l’or brille à nouveau mais reste une question de perspective

Ces derniers temps, les investisseurs suisses me posent plus fréquemment des questions à propos du cours de l’or. Est-ce le signe d’un sentiment général d’insécurité? Peut-être. Il est certain que les taux d’intérêt négatifs et l’instabilité du dollar – en dehors des tensions géopolitiques – attisent un tel sentiment. Rien d’étonnant donc à ce que le métal jaune gagne actuellement en vigueur. Cette année, il pourrait progresser de 9% par rapport au dollar américain, ce qui ne représente que quelque 6% en francs suisses.

Néanmoins, il ne faut pas oublier qu’une fois encore, les rendements de la plupart des marchés boursiers ont dépassé même les plus hauts de l’or en 2019. Le rapport entre la performance des actions (S&P 500) et celle du métal jaune ne donne aucune raison de s’enflammer depuis bien des années (voir graphique 11). Tout ne serait donc qu’une question de perspective? C’est un point de vue.

De manière générale, nous détenons des placements alternatifs tels que l’or et les matières premières dans les limites prévues par notre allocation stratégique. Les investisseurs qui ne possèdent pas encore de métal jaune pourraient peut-être prendre quelques positions, mais peu de facteurs laissent actuellement envisager un revirement de tendance par rapport aux actions ou au vigoureux franc suisse.

1 Credit Suisse Research Institute, Swiss Financial Yearbook, 2018
 

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